01 septembre 2007

L'éléphant et le mammouth


Après avoir voulu dégraisser le mammouth, l'incorrigible Claude Allègre entendrait-il décimer les éléphants au parti socialiste, et en particulier le premier d'entre eux ? Son dernier livre "la Défaite en chantant" laisse peu de doutes à ce sujet : il conserve un ton féroce, bien qu'adouci, envers Ségolène Royal et concentre ses critiques sur François Hollande et la nouvelle garde du parti socialiste. Il n'est pas le seul à tirer à boulets rouges sur le premier secrétaire du PS, la chasse est ouverte de toutes parts : Fabiusiens, Royalistes, Strauss-Kahniens et même jospinistes s'en donnent à coeur joie. La défaite du PS c'est lui, la faillite de la gauche c'est encore lui. En réalité François Hollande est un bouc émissaire bien commode qui pourrait bien être le véritable refondateur du parti socialiste.

Tous les dirigeants socialistes s'accordent sur le désordre qui règne en leur sein et sur le climat délétère qui existe entre les différents courants, mais cette complainte lancinante qui se répand sur les ondes est bien moins un constat lucide et objectif qu'une sorte de prophétie auto-réalisatrice. Dire que tout va mal c'est quelque part faire en sorte que tout aille pour le pire. Du coup, on s'enferme dans de faux débats et les mêmes arguments ressortent comme à chaque défaite : le PS doit accepter pleinement l'économie de marché puisqu'il s'y est officiellement rangé depuis le tourant de la rigueur de 1983, il faut prendre acte de la mondialisation, il faut s'affirmer comme socio-démocrates. Plutôt que d'un exercice de réflexion ou de refondation, on assiste en fait à un grand concours d'enfonçage de portes ouvertes.

A ces débats théoriques et abstraits, François Hollande a proposé une autre méthode certainement plus prometteuse. Pour sortir des mots "reconstruction" et "refondation", il a proposé trois grands forums thématiques pour reconstruire un corps de doctrine : la citoyenneté dans la nation, le socialisme et la mondialisation et la place de la solidarité dans une société individualisée. Ces trois interrogations sont pour le moins judicieuse et peuvent se ramener à une thématique chère à Lionel Jospin : comment faire que l'économie de marché ne débouche pas sur une société de marché. Pour éviter de passer de l'un à l'autre, le Premier Secrétaire du parti socialiste avance donc trois gardes-fous : la citoyenneté, le socialisme et la solidarité.

La citoyenneté ne peut plus se contenter d'être un ensemble de droits à réclamer, ce doit être l'expression de la loyauté vis-à-vis de l'Etat et de la nation. Sans cette loyauté, l'individualisme, le communautarisme et le corporatisme prennent vite le pas sur la fraternité et sur le vivre-ensemble. Il faut réaffirmer avec force que la citoyenneté est la première des identités, devant l'origine géographique, la religion, les orientations politiques ou surtout le statut social. Face à un Nicolas Sarkozy qui semble accaparer l'idée de nation, la gauche n'a effectivement d'autres choix que de se faire la championne de la citoyenneté. Derrière ce thème, on trouve celui de la loyauté des élites envers la nation : comment éviter dans une monde ouvert où les cerveaux et les grandes fortunes circulent librement qu'ils restent attachés à leur pays et n'éprouvent pas le besoin de partir à l'étranger.

Le socialisme, l'économie de marché étant acceptée par tous, ne peut s'entendre comme une organisation de la production : c'est au marché et à l'initiative privée de s'occuper de l'allocation des ressources et de l'organisation des moyens de production. Qu'est-ce alors que le socialisme ? Le mot mérite toutefois d'être maintenu, tout d'abord parce qu'il sonne mieux que "social-démocratie" mais surtout parce qu'il exprime l'objectif ultime de la gauche : le progrès social. Un socialisme moderne doit tenter de favoriser le progrès et la croissance économique (pas de différence avec la droite de ce point de vue) mais également de la transformer en avancées sociales. Ces avancées ne doivent cependant pas prendre la forme d'avantages acquis, nouvelle forme des privilèges, elles doivent au contraire s'adapter au monde tel qu'il est. Car ce qu'il faut promouvoir c'est un progrès global pas une défense de chacun des intérêts de chacune des catégories de la population.

La solidarité est lourdement remise en question dans un monde individualisé, il appartient donc à la puissance publique de créer les conditions du lien social et de la solidarité financière entre les Français. C'est la défense - mais surtout l'amélioration - de ce qu'on appelle pompeusement le "modèle social français". Quelle meilleure preuve de solidarité pour un peuple que d'adopter un système de retraite par répartition ou la souscription obligatoire à un régime d'assurance maladie ? La gauche doit réfléchir à la pérennisation de ce système et éviter que l'Etat ne se retrouve être l'assureur en dernier ressort des plus défavorisés, les autres se tournant vers des organismes privés qui leur sont plus profitables.

Le débat d'idées peut donc être lancé au PS sur ces trois thèmes fondateurs, le constat semble juste et lucide, les solutions beaucoup plus dures à trouver. Espérons simplement qu'il ne s'agisse pas là d'une énième manoeuvre de diversion de François Hollande pour conserver, d'une manière ou d'une autre, le leadership au PS.

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