05 septembre 2011

Tordre le coup à cinq contre-vérités

La campagne de 2012 est désormais bien enclenchée : elle est un rendez-vous crucial pour notre pays et doit lui permettre d’affronter ses problèmes en face. Je souhaite m’y engager à ma manière, c’est-à-dire sans ambigüité sur le camp que je soutiens mais sans sombrer dans la rhétorique partisane qui oblige à défendre des idées auxquelles on n’adhère pas. Pour passer de la théorie à la pratique, cet article a vocation à tordre le coup à cinq contre-vérités proférées par la gauche, assez révélatrices de son peu de scrupules en matière de débat économique.

1. La niche Copé qui vaut des milliards

Alors qu’il était ministre du budget en 2007, Jean-François Copé a fait voter une loi qui exonère de taxation les plus-values réalisées par la vente de filiales étrangères par les groupes français. Cette disposition est depuis appelée la « niche Copé » par le parti socialiste et est accusée de coûter chaque année plusieurs milliards d’euros de manque à gagner pour le budget de l’Etat. C’est donc l’occasion d’entonner le refrain bien connu selon lequel la droite n’a d’yeux que pour les riches et les grandes entreprises multinationales.

Effectivement, si on calcule le coût de cette mesure fiscale en appliquant à l’assiette exonérée le taux de taxation qui prévalait, à savoir 19%, on tombe sur 12 milliards d’euros de 2007 à 2009. Mais ce calcul n’a aucun sens puisque l’assiette disparaîtrait aussitôt dès lors que la niche serait supprimée, tout simplement parce que les groupes feraient leurs cessions de filiales depuis des holdings basées à l’étranger afin d’échapper à cette imposition, comme elles le faisaient avant la niche Copé. Ainsi aujourd’hui 21 des 29 pays de l’OCDE ont des dispositions similaires à la niche Copé et dans les autres pays les transactions se font à travers des holdings qui permettent d’échapper à la taxation.

Dès lors, supprimer la niche Copé ne reviendrait pas à rapporter 12 milliards d’euros au Trésor public mais à récupérer ce que le Trésor gagnait avant la mise en place de cette niche : rien ! Ce qui n’empêche pas Martine Aubry de déclarer récemment : "En dix ans, la droite a accru de 70 milliards les baisses d’impôt et les niches fiscales pour les plus favorisés. Y récupérer 50 milliards, je n’appelle pas ça des hausses d’impôts mais la suppression de dépenses fiscales inefficaces et injustes. Personne ne peut expliquer en quoi la niche Copé pour les grandes entreprises, qui a coûté 22 milliards à l’Etat, a été utile à l’économie française !"

2. Pour réduire le déficit sans douleur, il « suffit » de supprimer les niches inefficaces

A force de dénoncer à cor et à cri les niches fiscales, certains en viennent à proférer des inepties. Ainsi, depuis la sortie du rapport de l’IGF sur les niches fiscales et sociales (que personne n’a lu puisqu’il fait 6000 pages), la solution semble toute trouvée pour réduire le déficit de l’Etat sans douleur : supprimer les niches inefficaces ou peu efficientes afin de récolter près de 50 milliards d’euros par an.

Le raisonnement semble frappé au coin du bon sens : supprimer une niche inefficace ne peut pas faire de mal, il s’agit donc de la meilleure manière de réduire le déficit. Mais c’est oublier que d’une certaine manière, toutes les niches sont efficaces en ce sens qu’elles redonnent de l’argent aux Français qui peuvent le dépenser dans l’économie. Supprimer toutes les niches évoquées plus haut reviendrait presque à doubler le montant de l’impôt sur le revenu ce qui serait bien évidemment une catastrophe économique dont le pays ne se relèverait pas ! Comment de prétendus keynésiens peuvent-ils préconiser de telles mesures ?

Si des niches sont inefficaces (et beaucoup le sont) alors il faut les supprimer à fiscalité quasi-constante, c’est-à-dire baisser les taux à mesure que l’on bouche les trous dans l’assiette. Une telle politique aurait du sens car elle rendrait plus lisible le système fiscal français et donc certainement plus juste, mais elle ne rapporterait pas les milliards promis !

3. Les 2/3 du déficit actuel sont imputables aux cadeaux fiscaux faits aux riches par Nicolas Sarkozy

Martine Aubry, rejointe par les autres socialistes, le martèle : « Bien sûr il y a la crise, mais comme la Cour des Comptes l’a montré, les 2/3 du déficit sont imputables à la politique de Nicolas Sarkozy ». Ce n’est même pas le PS qui le dit, c’est cette vénérable institution de la rue Cambon. Dès lors, hors de question de voter la règle d’or proposée par ce pompier pyromane. Sauf que ces chiffres n’ont aucune valeur et que c’est bien la crise qui est responsable de l’essentiel du déficit actuel.

Pour le montrer, il faut reprendre le projet de budget 2009 réalisé en 2008 (avant la faillite de Lehmann Brothers) : le déficit était prévu à 2,7% du PIB avec une hypothèse de croissance à 1%, loin d’être trop optimiste. Finalement, à cause de la crise, le déficit de l’année 2009 aura été de 7,5% du PIB (en raison d’une croissance de -2,2%), soit 4,8% de plus ! Si bien que le déficit prévu pour 2011 de 5,7% ne serait que de 0,9% « si la crise n’avait pas eu lieu et toutes choses égales par ailleurs ». Si bien que ce n’est pas 1/3 mais 4/5 du déficit actuel qui est imputable à la crise.

L’idée des cadeaux fiscaux faits par Nicolas Sarkozy ne résiste pas non plus à l’examen : le taux de prélèvements obligatoires est passé de 43,5% en 2007 à 43,2% en 2011, on peut donc dire qu’il est resté constant sur la période, ce qui a baissé c’est le PIB et donc les recettes fiscales alors que les dépenses sont restées dynamiques. Au fond, on comprend mal ce que le PS reproche à Nicolas Sarkozy : est-ce de ne pas avoir augmenté les impôts ou de ne pas avoir coupé dans les dépenses en pleine crise économique ? Ces reproches sont ils recevables de la part d’un parti qui trouvait il y a peu de temps encore que le gouvernement n’en faisait pas assez en matière de relance de la consommation ?

Pour rester sur l’idée des cadeaux faits aux riches, un examen minutieux du bilan fiscal de Nicolas Sarkozy montre que les choses sont plus nuancées : création puis suppression du bouclier fiscal, abaissement de l’ISF, augmentation de 1% de la taxation des revenus du capital pour financer le RSA et puis plus récemment le projet de taxation des très hauts revenus et de rapprochement de la fiscalité du patrimoine sur celle du travail. Il faut faire preuve d’une certaine mauvaise foi pour voir là une politique exagérément pro-riches.

4. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ne rapporte rien

Selon les études, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite rapporterait entre 100 et 500 millions d’euros par an à l’Etat, bien loin des 2,5 milliards d’euros que coûte la TVA à 5,5% sur la restauration (et qui est une erreur, je le reconnais bien volontiers). Dès lors pourquoi s’obstiner dans une telle politique douloureuse qui ne rapporte presque rien ?

Tout d’abord il faut bien voir ce que l’on compare : dans la situation avant réforme on a 2 fonctionnaires qui deviennent 2 retraités (dont il faut bien payer les pensions) et on embauche 2 jeunes fonctionnaires. Avec la réforme, on se retrouve avec 2 retraités et 1 jeune fonctionnaire, l’économie relative est donc celle d’un jeune fonctionnaire mais cela ne signifie pas que la masse salariale + les pensions diminue pour l’Etat, cela permet juste d’en atténuer la hausse. Les véritables économies arriveront (c’est triste à dire mais c’est comptablement exact) quand les fonctionnaires retraités mourront et qu’il ne faudra plus leur verser leur pension.

Si l’on reprend le calcul en relatif entre la situation avec ou sans cette mesure de non remplacement, imaginons que l’on obtienne 500 millions d’économies par an (pour obtenir ce chiffre en haut de la fourchette il faudrait moins redistribuer de pouvoir d’achat aux fonctionnaires restants). Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces économies sont cumulatives d’une année sur l’autre car un fonctionnaire non embauché en 2007 me fait faire des économies en 2007 mais aussi en 2008 et en 2011 ! Ainsi, au bout de 2 ans, l’économie cumulée de cette politique est de 1 milliards et au bout de X années elle est de 0,5 X milliards d’euros. La poursuite de cette politique pendant une période suffisamment longue est donc bien ce qui permettra, à terme, de diminuer le déficit de l’Etat de manière structurelle. Loin d’être une mesurette, il s’agit donc d’une réponse de fond.

Il faut parfois faire confiance à son bon sens : si l’essentiel des dépenses de l’Etat consistent en de la masse salariale et des pensions de retraite, la seule réponse de fond pour les réduire est de recruter moins de fonctionnaires et d’allonger leur durée d’activité.

5. L’augmentation de la durée de cotisation est plus juste que le report de l’âge légal à 62 ans

Pour terminer, on entre dans le mensonge le plus grave du PS, celui relatif au régime de retraite. La position du PS, de Martine Aubry à François Hollande en passant par Ségolène Royal est de revenir à la retraite à 60 ans. Conscients qu’ils risquent de ne pas apparaître crédibles sur le plan des finances publiques, ils cautionnent en revanche l’allongement de la durée de cotisation à 41,5 annuités. En gros ils ne sont pas contre une réforme de retraite en soi mais pensent que le moyen utilisé est injuste. Ce qui est dommage c’est qu’en 2003 François Fillon a fait une réforme précisément basée sur l’augmentation de la durée de cotisation mais qu’à l’époque le PS était contre (peut-être aurait-il préféré à ce moment là une augmentation de l’âge légal, qui sait ?).

La nouvelle figure brandie par le PS est ce fameux ouvrier qui a commencé à travailler très jeune et qui doit avoir le droit de partir dès 60 ans s’il a cotisé plus de 41,5 ans. Notons que pour les carrières très longues la réforme Woerth autorise ce type de départs précoces. Mais bizarrement, on n’entend pas le PS parler des cas, nettement plus nombreux, des salariés qui n’arrivent pas à 41,5 ans de cotisation à 62 ans en raison d’un démarrage tardif dans la vie active (parce qu’ils ont fait des études) et/ou qu’ils ont connu de longues interruptions de carrières. Pour ceux là, le système uniquement basé sur la durée de cotisation est en réalité plus brutal que celui basé sur l’âge légal de départ à la retraite.

En effet, ce que ne dit pas le PS c’est que la durée de cotisation de 41,5 n’est pas requise pour toucher une retraite, dès lors que l’on accepte une décote. Supprimer l’âge légal nécessiterait donc d’augmenter ces décotes pour empêcher les gens de partir trop tôt ce qui serait socialement assez injuste. Mais l’essentiel n’est pas là : en adoptant cette posture, le PS arrive à s’opposer à une réforme impopulaire tout en faisant croire qu’il agit de manière responsable.

Pour être tout à fait honnête, le gouvernement n’a pas choisi de relever l’âge légal à 62 ans par plaisir de briser un symbole ou par choix philosophique mais tout simplement parce que c’était la mesure qui rapportait le plus d’argent au système à moyen terme, il suffit de relire les rapports du Conseil d’Orientation des Retraites de l’époque pour s’en convaincre. Si l’allongement de cotisation avait été retenu pour rapporter les mêmes gains financiers, il aurait fallu le porter à plus de 45 ans ! Est-ce ce que souhaite secrètement le PS ?

Conclusion

Ces exemples illustrent bien l’ambigüité savamment entretenue par le Parti Socialiste et ses dirigeants sur tout ce qui touche aux finances publiques. Avec de tels mensonges, leur arrivée au pouvoir ne laisserait que deux alternatives : la quasi-faillite du pays ou bien le renoncement de leurs engagements une fois arrivés au pouvoir. Heureusement, je les sais suffisamment responsables pour opter pour la deuxième option. Tous les moyens sont bons pour prendre le pouvoir, non ?