12 mai 2008

Pour une relance du nucléaire en France


Avec l’envolée du prix des matières premières et le défi climatique qui impose une réduction des émissions de dioxyde de carbone, le débat énergétique est revenu au cœur des priorités politiques. Même si ces enjeux peuvent sembler très macroscopiques, chaque citoyen en mesure l’incidence concrète sur sa vie quotidienne quand il paie sa facture d’électricité, va à la pompe ou s’inquiète des effets du réchauffement climatique. Dans ce contexte, la France doit relancer ses investissements dans le nucléaire car cette énergie est à la fois bon marché et qu’elle n’émet pas de gaz à effet de serre.

Nous devons une partie de notre prospérité aux choix faits par les responsables politiques et industriels français des années 60-70. Qu’il s’agisse du Général de Gaulle, de Pierre Messmer, de Valéry Giscard d’Estaing, de Marcel Boiteux ou de Georges Besse, tous ont participé à un choix stratégique qui s’est révélé payant pour notre pays : le développement de l’énergie d’origine nucléaire. Issue de la recherche militaire, des efforts du CEA mais aussi de la collaboration avec des industriels étrangers comme Westinghouse, cette orientation a nécessité un effort public sans précédent dans le domaine de l’énergie : 5 à 6 tranches nucléaires ont été mises en service par an au milieu des années 70 pour aboutir à un total de 58. Aujourd’hui, le nucléaire subvient à 80% de nos besoins électriques, pour un coût deux fois inférieur au thermique à flamme (charbon, fioul, gaz) et pour des émissions de CO2 quasi-nulles. Ainsi, pour ce qui est de la production électrique, la France émet moins de dioxyde de carbone que les Pays-Bas et 7 fois moins que l’Allemagne qui compte pourtant le plus grand parc éolien du monde.

On pourrait se satisfaire d’une telle situation en se contentant du statu quo, mais il faut au contraire valoriser nos atouts en choisissant de relancer le nucléaire en France. En effet, alors que la consommation électrique continue à croître dans notre pays, la France n’a pas installé de nouvelle tranche nucléaire depuis 1999. Le prochain réacteur de nouvelle génération EPR sera mis en service à Flamanville en 2012, mettant ainsi fin à une longue période de doute sur l’avenir du nucléaire dans notre pays. Ce réacteur est censé être une tête de série, il faudra bien, en effet, remplacer les tranches qui arriveront en fin de vie (comme Fessenheim) et accompagner la croissance de la consommation. La France a d’ailleurs trop tardé dans ces investissements, ce qui s’est traduit par une production électrique qui fait de plus en plus recours aux centrales thermiques à flamme et donc qui émet de plus en plus de gaz à effet de serre. Il serait erroné de tabler sur une baisse à venir de la production électrique en raison des politiques de maîtrise de la demande énergétique car il faut tenir compte du développement de nouveaux projets, en particulier la voiture électrique et la relance du chauffage électrique. La France a en effet un potentiel important de réduction de ses émissions de CO2 dans les secteurs des transports et du chauffage des logements. Malgré un piètre rendement thermodynamique, le chauffage électrique devient économiquement intéressant dès lors que le prix des matières premières s’envole. Il faudra bien des centrales nucléaires pour assurer le fonctionnement de ces nouveaux équipements.

Le développement du nucléaire est également un véritable enjeu de politique industrielle. La France a aujourd’hui deux grands atouts dans le commerce mondial : le luxe et l’énergie, il faut absolument conserver notre leadership dans ces secteurs pour rééquilibrer à terme notre balance extérieure. Aujourd’hui, EDF comme AREVA sont des fleurons que le monde nous envie, la France doit contribuer au développement de ces groupes à l’international, en prenant toutes les précautions nécessaires en ce qui concerne les risques d’exploitation, de prolifération et de gestion des déchets nucléaires. Il faut saluer à ce titre la création d’un agence française du nucléaire à l’international qui regroupe les grands industriels du secteur, l’Autorité de sûreté nucléaire, le CEA ou encore l’ANDRA qui gère les déchets radioactifs en France. Depuis son entrée à l’Elysée, Nicolas Sarkozy a réussi à faire du nucléaire un atout dans la compétition économique mondiale mais aussi un levier diplomatique, il faut l’en féliciter.

Restent deux doutes à dissiper : l’indépendance énergétique de la France et la gestion du risque nucléaire. Il faut tout d’abord rappeler que si les centrales nucléaires ont besoin d’uranium comme combustible, celui-ci ne représente qu’une petite part du coût de l’électricité nucléaire (environ 5%). En conséquence, les variations de prix de l’uranium n’ont qu’un impact limité sur le prix de l’électricité. De plus, les réserves en uranium sont assez bien réparties à travers le monde (Niger, Canada, Australie, Afrique du Sud, Kazakhstan,…) contrairement aux réserves pétrolières. Cela évite la formation de cartel et diminue le risque que peuvent faire peser les troubles politiques sur les cours mondiaux. Pour toutes ces raisons, même si la France ne produit quasiment pas d’uranium sur son sol, l’énergie nucléaire participe à la sécurité et à l’indépendance énergétique de la France.

En ce qui concerne le risque nucléaire, en particulier la gestion des déchets radioactifs, il faut ramener les choses à leur juste mesure. Les volumes de déchets hautement radioactifs, qui seront entreposés en stockage géologique profond (à 500 mètres sous terre) ne représentent que des volumes très faibles. L’image qui est souvent donnée pour quantifier la place occupée par ces déchets depuis le début du nucléaire en France est celle d’un terrain de foot sur 1 mètre de hauteur. Ce risque est donc parfaitement maîtrisable, et la France est le pays en pointe sur ce sujet grâce aux travaux de l’ANDRA. De plus, si l’on parle de développement du nucléaire, il faut résonner en termes de risque marginal supplémentaire. Chacun comprend bien que ce risque est à peu près le même que l’on ait 58 ou 65 tranches nucléaires, ainsi, il n’y a sur ce sujet que deux positions cohérentes : ou bien on estime que ce risque, aussi faible soit-il, ne doit pas être assumé et qu’il faut donc renoncer complètement au nucléaire en France, ou bien il faut développer le nucléaire autant qu’il est économiquement rentable. Toute position médiane, qui cherche à s’attirer les bonnes grâces de certains anti-nucléaires tout en maintenant les tranches en activité, est mauvaise par définition.

Le nucléaire doit donc être relancé en France et à l’international, la recherche sur les réacteurs de 4ème génération doit également être encouragée pour faire face à l’épuisement des ressources en uranium 235. Ce projet, résolument tourné vers l’avenir, est une opportunité pour notre industrie, pour les consommateurs d’électricité français et pour la lutte contre le réchauffement climatique.