19 septembre 2007

Politique sociale et cohésion nationale


Nicolas Sarkozy vient d'annoncer son nouveau contrat social, la Belgique est sur la voie de la cission. Ces deux événements ne semblent pas avoir un quelconque rapport entre eux, ils illustrent pourtant tous les deux le lien très fort qui existe entre la politique sociale d'un pays et la cohésion nationale. En effet, au-delà des symboles fort visibles comme le drapeau et l'hymne national, ce qui génére à proprement parler le vivre-ensemble ou la cohésion d'un pays, ce sont les mécanismes de solidarité entre citoyens (riches et pauvres, jeunes et vieux,...). Cette solidarité, ce "contrat social" pour reprendre les mots du Président de la République, doit viser le rassemblement du pays ce qui implique de ne pas laisser les plus déshérités sur le bord du chemin et de ne pas demander des efforts surdimensionnés à certaines catégories de la population, aussi aisées qu'elles soient.

La Belgique vit une des crises les plus sérieuses de sa (courte) existence : Flamands et Wallons ne parviennent pas à se mettre d'accord pour former un gouvernement en raison des revendications fédéralistes des premiers. En proposant de régionaliser l'assurance maladie, au motif que les francophones cotisent moins qu'ils ne touchent, on porte profondément atteinte à l'unité et à l'existence même de ce pays. En effet, que restera-t-il de commun aux deux communautés du royaume d'Albert II si elles ne parlent pas la même langue et que leur système de protection sociale est scindé en deux ? L'exemple Belge prouve les dangers d'un fédéralisme trop poussé qui exite les tensions communautaires et nourrit le ressentiment. Malgré toutes ses imperfections, le centralisme à la Française a permis de forger une solide identité et cohésion nationale.

Venons-en à la politique sociale proposée par Nicolas Sarkozy au Sénat. Elle comprend tout d'abord des éléments de bon sens partagés par bon nombre de connaisseurs des dossiers sociaux, comme la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, la poursuite de la réforme du régime général des retraites (comme le prévoit la loi Fillon de 2003) ou la taxation des départs en préretaite. Mais deux mesures sont plus directement liées à la question qui nous occupe ici : la cohésion nationale, il s'agit de la réforme des régimes spéciaux de retraites et du financement de l'assurance maladie.

Plus qu'une question financière, la réforme des régimes spéciaux est une question d'ordre symbolique : les Français, comme l'a écrit Tocqueville, ont la passion de l'égalité et ils admettent difficilement ce qu'ils perçoivent comme des privilèges. Bien entendu, les différents régimes concernés sont dans des situations très hétérogènes : certains, comme EDF ou la RATP, sont bénéficiaires et contribuent, comme le régime général au financement des régimes déficitaires comme ceux de la SNCF, des mineurs ou des marins. Mais le compte n'y est pas, l'allongement de la durée de la vie rend intenable les départs à la retraite à 55 ans, on ne peut pas trop en demander à la solidarité nationale, surtout quand on sait qu'elle provient de salariés (publics ou privés) qui voient leur durée de cotisation s'allonger au fil des réformes. L'alignement des différents régimes de retraite est donc une nécessité, c'est une des garanties (nécessaire mais pas suffisante) pour le maintien d'un régime de retraites par répartition, signe de la solidarité intergénérationnelle.

Les propos du Président de la République à propos de l'évolution de la protection sociale sont en revanche moins rassurants au regard de la solidification du contrat social entre les Français. Il est louable de souhaiter mettre en place un nouveau risque pour la dépendance, c'est une évolution nécessaire de la protection sociale du fait, là encore, de l'allongement de la vie. Il est parfaitement raisonnable de proposer une franchise sur les remboursements de l'assurance maladie pour tenter d'en combler la dette et donc assurer sa pérennité. Mais on peut s'alarmer d'une remise en cause des mécanismes de solidarité nationale au profit d'une plus grande responsabilité individuelle à travers les couvertures complémentaires. Il ne faut pas aboutir à une conception anglo-saxonne de la protection sociale ou l'Etat assurerait un minimum vital, libre aux individus, suivant leurs moyens, de cotiser dans des fonds privés pour assurer leurs arrières. Une telle évolution affaiblirait considérablement le lien social et par-là même la cohésion nationale.

Le modèle social français doit impérativement être réformé, sous peine de devenir obsolète et impossible à financer, mais il serait très dangereux de vouloir en renier les principes qui, n'ayons pas peur des mots, font partie de "l'identité nationale" française si chère à Nicolas Sarkozy. L'alternative est claire : soit on abandonne définitivement ce modèle soit on tente de le sauver en faisant un effort collectif (franchise et allongement de la durée de cotisation). La retraite par répartition, l'assurance maladie universelle et obligatoire ne sont pas des reliques à mettre au rebut, ce sont des joyaux qu'il convient de mettre en valeur.

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