19 juin 2011

Quelle politique économique et budgétaire face à la mondialisation ?

La mondialisation est le grand phénomène économique de notre temps, celui par rapport auquel doivent se positionner les politiques économiques proposées par les différents partis politiques. Beaucoup de ceux, à gauche, qui réfléchissent sur ce sujet se cantonnent malheureusement à proposer des solutions protectionnistes sans avenir. En effet, on ne peut pas séparer l’économique du reste de l’organisation sociale : un protectionnisme, même raisonné, ne pourrait donc pas se cantonner aux échanges de biens, il supposerait, pour être efficace, une mise à l’écart de notre pays (ou de l’Europe selon le périmètre retenu) du reste de la marche du monde. Or cette mise à l’écart est aujourd’hui techniquement impossible étant donnés les moyens techniques de communication, de transports et d’information. Fort de ce constat, c’est une toute autre réponse que le protectionnisme qu’il faut apporter à la mondialisation.

1. Une politique économique basée sur la compétitivité du territoire

Dès lors que le capital et le travail sont mobiles dans la globalisation, il importe de rendre son territoire le plus attractif et le plus compétitif possible. L’action de l’Etat en matière économique ne doit donc pas viser à créer telle filière industrielle ou tels emplois, mais à créer des conditions extérieures ou plutôt un écosystème favorables pour l’activité économique. Cette politique de compétitivité (parfois appelée politique de l’offre) doit peu à peu se substituer à la politique keynésienne basée sur la demande. En effet, un des effets majeurs de la mondialisation est de décorréler le lieu de la production du lieu de la consommation, ce qui fait que les politiques de relance keynésienne s’essoufflent rapidement en augmentation des importations plutôt qu’en augmentation de la production nationale.

Cette politique de l’offre, esquissée par le candidat Sarkozy en 2007, parfois soulevée par le candidat Hollande, doit partir d’un diagnostic sur les déterminants de la compétitivité du « territoire France ».

a) Le coût du travail

Trop souvent, on résume la compétitivité d’un pays à son coût du travail, cette approche est simpliste, comme nous le verrons par la suite, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un sujet essentiel qu’il serait dangereux de balayer d’un revers de main. Pour les activités intensives en main d’œuvre, il s’agit même d’un facteur essentiel pour décider de la localisation d’une nouvelle installation. Mort-né en 2007, le débat sur la TVA sociale (ou anti-délocalisation selon les appellations) ne pourra pas être éludé en 2012. Le déficit commercial chronique que connaît notre pays depuis plus de 10 ans est bien la traduction d’un trop-plein de consommation par rapport à la production, il est donc sage d’envisager de taxer davantage la consommation pour alléger le coût du travail.

Une deuxième mesure nécessaire est l’augmentation de la durée légale du travail. On ne dira jamais assez à quel point les 35h ont été néfastes pour notre économie, de même que la retraite à 60 ans. La défiscalisation des heures supplémentaires a permis en grande partie de desserrer cet étau dans le secteur privé mais cela s’est fait à un coût budgétaire très important qui n’est plus supportable. Par ailleurs, les 35h ont eu pour conséquence de désorganiser l’administration en offrant aux fonctionnaires un nombre faramineux de jours de RTT difficilement compatible avec un service public de qualité, en particulier à l'hôpital. Ces raisons plaident pour un retour à une durée hebdomadaire du travail de 38 ou de 39h pour le public comme pour le privé.

b) L’éducation

L’élément le plus déterminant pour la compétitivité d’un pays, c’est le niveau d’éducation de sa population. En cela, les dépenses liées à l’enseignement relèvent davantage de l’investissement que du fonctionnement. Mais tout n’est pas question de moyens, des réformes de structures sont indispensables pour rendre le système scolaire et d’enseignement supérieur plus efficace. La première consiste à concentrer les moyens au bon endroit : le système secondaire (collège et lycée) absorbe aujourd’hui trop de crédits en regard du primaire (là où se créent les décrochages) et de l’enseignement supérieur (là où se créent les compétences). Ce redéploiement doit aller de paire avec une réflexion profonde sur le collège unique. La comparaison des taux de chômage des jeunes entre les pays européens devraient nous inciter à remettre en cause ce modèle pour orienter vers l’apprentissage les élèves dont on sait très bien qu’ils ne s’épanouiront pas dans le système d’enseignement général, surtout que de très nombreux emplois sont à la clé.

Au niveau de l’enseignement supérieur, un grand pas a été fait avec l’autonomie des universités, il convient désormais d’aller plus loin en concentrant là encore les moyens sur les pôles d’excellence, comme cela est proposé pour les investissements d’avenir (ex Grand Emprunt). Il n’y aurait rien de pire que d’appliquer pour l’enseignement supérieur des critères issus de l’aménagement du territoire en disséminant les crédits sur toutes les universités.

c) Les infrastructures

Dans des économies qui sont de plus en plus communicantes, la manière dont un territoire est « connecté » se révèle essentielle pour sa compétitivité. Qu’il s’agisse des infrastructures de transports (lignes à grande vitesse), d’énergie (réseaux électriques, réseaux de chaleur, réseaux d’hydrocarbures) ou de communication (fibre optique, réseau mobile de 4ème génération), l’Etat doit investir pour générer une formidable externalité positive. Mais cela ne doit surtout pas signifier que tous les investissements en valent la peine : là encore une politiquement d’aménagement du territoire défensive serait la pire des choses. Il faut créer des réseaux là où il y en a besoin, c’est-à-dire à l’intérieur et entre les grands pôles géographiques dans lesquels se concentrent de plus en plus l’activité économique (logique des clusters). Le Grand Paris a cette vocation, de même que le développement des grandes métropoles régionales qui prennent souvent un nouvel essor quand elles se « connectent » à Paris par l’intermédiaire du TGV (Strasbourg, Bordeaux, Lyon, Marseille, Lille…). Ce développement en étoile autour de notre capitale correspond à notre Histoire et à notre culture, il est important d’en faire un atout plutôt que de souffler sur les braises de la jalousies entre les régions françaises.

d) La qualité du système de santé

La part croissante des dépenses de santé dans tous les pays occidentaux est la manifestation directe de l’intérêt croissant que les individus apportent à leur santé et à leur espérance de vie. Cette aspiration profonde, que l’on peut regarder comme une fuite en avant devant la peur de mourir dans les sociétés occidentales, fait de la qualité du système de soins d’un pays un atout majeur en termes de compétitivité. La France possède un avantage certain en la matière, même si le coût budgétaire de cette branche de la protection sociale doit être maîtrisé. Loin d’être antagonistes, le développement de l’offre de soin et une forte pression sur les coûts sont complémentaires : il faut sans cesse chercher à optimiser notre système de protection sociale en mutualisant (à travers l’impôt plutôt qu’à travers les cotisations sociales) l’essentiel et laissant à chacun le soin de financer sa protection complémentaire.

e) La pression fiscale et la situation des finances publiques

Un dernier élément, de plus en plus important, de la compétitivité est la pression fiscale et son évolution possible, qui dépend directement de la situation des finances publiques. On voit bien que les pays sont désormais en concurrence sur le marché des obligations d’Etat pour conserver ou obtenir le Graal : le AAA. En ce sens, une politique de désendettement est une politique de compétitivité.

2- Une politique budgétaire innovante et rigoureuse

Plusieurs débats agitent la politique budgétaire et fiscale : inscrire dans la Constitution une règle d’or sur les déficits, basculer une partie de la fiscalité sur le travail vers une fiscalité sur les pollutions environnementales, en particulier sur le carbone... Ces questions doivent être abordées de paire. La politique environnementale se résume bien souvent à une lutte contre des externalités négatives, l’Etat doit donc envoyer les bons signaux (les bonnes règles du jeu) aux consommateurs et aux producteurs pour orienter leurs comportements. En matière de carbone, après l’échec de la taxe carbone, il est nécessaire d’aller plus loin en donnant ce que tous les acteurs économiques soucieux de l’environnement attendent : de la visibilité. En ce sens, plus qu’une taxe, c’est un prix plancher, augmentant au fil du temps, qui est la meilleure solution. Ce système consiste à dire que le prix du pétrole vaudra au minimum tant d’euros à telle échéance, au moyen de taxes variables mises en place si le prix de marché est inférieur. L’intérêt de ce système, c’est qu’il permet aux acteurs économiques de faire des calculs économiques éclairés et rationnels, son désavantage, c’est qu’il fait rentrer des recettes très variables dans les caisses de l’Etat étant données les grandes fluctuations que connaissent les prix des matières premières énergétiques.

Il serait certainement possible de décomposer ces rentrées fiscales en un montant minimum à peu près certain et en un montant aléatoire ou « exceptionnel » positif. La première composante serait considérée comme une recette fiscale pérenne pouvant être inscrite de manière prévisionnelle dans le budget de l’Etat, au même titre que les autres impôts, à mettre en regard des dépenses pérennes et prévisibles du budget de l’Etat (au premier rang desquelles celles énumérées ci-dessus permettant une plus grande compétitivité de notre territoire), tandis que la seconde serait considérée comme une recette exceptionnelle consacrée aux éventuelles dépenses exceptionnelles (comme les catastrophes naturelles) mais surtout au désendettement. La règle d’or ainsi posée serait que les recettes pérennes du budget de l’Etat doivent couvrir ses dépenses pérennes, afin de viser un déficit nul. En cas de dépression économique, la baisse des recettes et l’augmentation des dépenses provoqueraient un déficit conjoncturel qui devrait être « cantonné » (comme l’est actuellement la dette sociale) et versé à la dette publique. Cela permettrait d’assouplir la discipline budgétaire en cas de crise. Un tel système permettrait de lutter contre les externalités négatives sur le plan environnemental et de réduire l’endettement, deux politiques qui participent là encore de la compétitivité de notre pays.

Conclusion

La politique économique et budgétaire proposée face à la mondialisation n’est ici qu’esquissée, mais elle me semble soulever un certain nombre de « vraies » questions devant lesquelles les candidats à la Présidentielle devront bien se positionner, sauf à revivre un énième débat présidentiel purement hexagonal et déconnecté des problèmes principaux que doit affronter notre pays.

13 juin 2011

Présidentielle : point de situation un an avant 2012

Dans onze mois, les Français choisiront qui exercera la fonction de Président de la République pour les cinq années à venir. Choisiront-ils de reconduire Nicolas Sarkozy ? Donneront-ils sa chance à l’alternance en conduisant le PS au pouvoir pour la première fois depuis 1997 ? Aurons-nous droit à une surprise avec l’élection d’un candidat issu d’une autre formation politique ?

1. Nicolas Sarkozy est-il déjà battu ?

L’élection de 2012 sera avant tout un référendum sur la personne du Président sortant. Les Français devront choisir s’ils décident de repartir pour 5 ans avec Nicolas Sarkozy ou s’ils préfèrent arrêter là. On peut même dire que le clivage droite/gauche a volé en éclat pour devenir un clivage entre pros et antisarkozystes. Cinq ans après, Jean-Louis Borloo, Dominique de Villepin ou François Bayrou pourront donc rejouer le scénario de la rupture avec une politique dont ils ont partagé les objectifs (à des degrés divers) et espérer l’emporter s’ils parviennent à se qualifier pour le second tour. Pour le dire autrement, tout adversaire de Nicolas Sarkozy pendant la campagne pourra se prévaloir d’une certaine forme de nouveauté, qu’il soit de gauche ou d’ailleurs.

Cela signifie bien que, plus que la politique, c’est la personne de Nicolas Sarkozy qui a provoqué des divisions profondes entre les Français. S’il souhaite être réélu, le Président sortant sait bien qu’il a tout intérêt à une dépersonnalisation de la campagne, il s’y emploie d’ailleurs depuis quelques mois. En cela, l’affaire DSK l’a beaucoup servi, même s’il n’en tire pas encore les bénéfices dans les sondages, puisqu’elle a montré que ses prétendus défauts (son attrait pour l’argent, son autoritarisme, son inculture…) étaient bien peu de choses face à ceux qui semblent s’attacher à une personnalité décrite jusqu’ici comme parfaitement morale. Nicolas Sarkozy, après s’être beaucoup tu sur cette affaire, devra montrer que les déluges de critiques versés sur lui par les socialistes depuis 2007 sont en fait une immense tartufferie. Il a commencé à jouer avec ce thème en laissant dire à François Fillon qu’en matière de morale, « les socialistes étaient croyants, mais pas pratiquants ».

Ainsi, même si les sondages ont peu évolué depuis deux mois, la popularité du Président sortant restant très basse, une évolution majeure semble s’être produite : le niveau de haine vis-à-vis de Nicolas Sarkozy a nettement baissé. Suivant la stratégie de François Hollande, il s’est « normalisé » en intervenant peu dans le débat politique depuis plusieurs semaines. Cette stratégie peut être payante si elle est suivie dans le long terme, mais elle s’effondrera au premier écart de langage : Nicolas Sarkozy doit donc renforcer son « surmoi » s’il souhaite être réélu.

Une fois l’hostilité à son égard descendue, il espère que le débat sera moins passionné et que l’on reconnaîtra que son bilan est loin d’être mauvais. Il se présentera comme l’homme qui sait gérer les crises, qu’elles soient économiques ou de politique étrangère, ce que beaucoup lui reconnaisse, mais également comme celui qui a réformé la France à travers des actions à plus long terme comme la réforme de l’Etat (RGPP, carte hospitalière, carte militaire), l’augmentation de la compétitivité du pays (crédit impôt recherche et suppression de la taxe professionnelle), l’autonomie des universités, le RSA, la réforme des institutions (critiquée à l’origine mais dont tout le monde loue les effets avec la réforme de la garde à vue ou la question prioritaire de constitutionnalité) ou encore le Grenelle de l’Environnement. Tout contestable qu’il soit, ce bilan est solide et c’est d’ailleurs l’atout principal de Nicolas Sarkozy pour 2012.

Mais on ne gagne pas une élection sur un bilan, la principale difficulté pour Nicolas Sarkozy sera donc de présenter ses nouvelles orientations pour 5 ans, ce qui est toujours très difficile pour le pouvoir sortant. Il peut également être attaqué sur les deux principales politiques sur lesquelles il a plutôt échoué : la sécurité et l’éducation. Les lois n’ont pas manqué sur ces domaines (surtout sur le premier) mais elles n’ont eu comme fonction que de masquer une certaine forme d’impuissance. Sur ces deux sujets, Nicolas Sarkozy a besoin de propositions très fortes pour la campagne de 2012, de même qu'en matière de compétitivité du pays, il devra aller plus loin et oser mettre sur la table la question de la TVA sociale.

2. Le PS peut-il perdre l’élection ?

Face à un Nicolas Sarkozy très impopulaire, après 10 ans passés dans l’opposition, le Parti Socialiste ne peut a priori pas perdre l’élection de 2012. La disqualification de DSK n’a pas changé profondément les choses de ce point de vue puisque dès le lendemain, François Hollande et Martine Aubry voyaient leurs intentions de vote face au Président sortant monter en flèche. On peut même penser que DSK était le candidat le moins solide des trois, celui qui aurait le moins résisté à une campagne longue.

La question essentielle pour le PS, c’est : Martine Aubry ou François Hollande ? La première rassemblerait plus facilement le PS et le reste de la gauche mais elle est beaucoup plus impopulaire à droite et au centre, ce qui renforcerait considérablement Nicolas Sarkozy par un phénomène de « vote utile » de son électorat traditionnel. Le second semble plus apte à rassembler au second tour mais il a l’appareil du parti contre lui. Ses prétendues lacunes en raison de son inexpérience ministérielle sont beaucoup plus secondaires, François Hollande pourrait même les retourner à son avantage en montrant qu’il incarne la nouveauté.

Sur le plan programmatique, le PS est fondamentalement dans l’erreur, en faisant de l’injustice fiscale la cause de tous les maux de notre pays. Contrairement à ce que les socialistes affirment, la machine à redistribuer fonctionne en France, plus que dans aucun autre pays et l’urgence n’est certainement pas à augmenter la progressivité de l’impôt. Bien entendu, des mesures symboliques sur les très riches ou sur certaines niches fiscales abusives sont toujours possibles et peut-être bienvenues, mais il s’agit là de sujets périphériques : si la redistribution doit réellement augmenter dans notre pays alors cela touchera principalement les cadres des classes moyennes supérieures qui gagnent l’essentiel de leur revenu de leur travail et qui sont déjà lourdement taxés. Le seul candidat au PS qui sorte de ces sujets purement hexagonaux est Arnaud Montebourg avec son concept de démondialisation qui est malheureusement une réponse qui serait catastrophique pour notre pays. A part cette aspiration à un protectionnisme illusoire, le PS refuse de se poser la question de la place de la France dans le monde globalisé. Cette ambiguïté savamment cultivée peut peut-être résister à une campagne électorale mais elle suscitera alors de lourdes illusions dans l’exercice du pouvoir : contrairement à ce qui est souvent annoncé, Sarkozy parti, les problèmes de la France seront toujours là.

3. Que sortira-t-il de la nébuleuse centriste ?

Entre ces deux mastodontes électoraux que sont le PS et l’UMP, y’a-t-il une place pour le centre dans l’élection de 2012 ? Cet espace est d’autant plus convoité depuis le retrait forcé de DSK et il est l’objet de toutes les convoitises de la part de François Bayrou et Jean-Louis Borloo, liste à laquelle on ajoute parfois le gaulliste Dominique de Villepin. Ces candidats en herbe espèrent certainement que Martine Aubry soit désignée candidate et que Nicolas Sarkozy se droitise pendant la campagne, deux phénomènes qui ont peu de chances de se produire concomitamment.

Le problème du centre, et de Borloo au premier chef, c’est qu’on voit mal ce qu’il proposerait de différent au pays que la politique menée par l’UMP ou par la partie sociale-démocrate du PS. Les contraintes financières sont telles que les marges de manœuvre sont très limitées pour des hommes politiques considérés comme responsables. Le Centre ne semble pas avoir aujourd’hui plus de recettes que les autres partis politiques pour réduire le déficit, tout en maintenant la cohésion sociale et en renforçant la compétitivité économique. Sans oublier la question environnementale sur laquelle Jean-Louis Borloo aura du mal à se démarquer de l’exécutif puisqu’il en a été l’artisan.

Le centre droit, dès lors qu’il ne semble pas en mesure de devancer Nicolas Sarkozy au premier tour ne devrait pas vraiment peser sur l’élection et le plus probable semble être d’avoir plusieurs candidats en-dessous de 10%.

4. L’heure de la maturité a-t-elle sonné pour l’écologie politique ?

Comme pour le PS, la question fondamentale pour Europe Ecologie est celle du résultat de sa primaire entre Nicolas Hulot et Eva Joly. L’analogie peut être poussée plus loin tant le premier incarne l’ouverture et la seconde le soutien du parti. Si Eva Joly l’emporte, il est fort probable que sa candidature en reste au stade du témoignage, car son rigorisme pourrait vite être considéré comme un sectarisme. Nicolas Hulot a en revanche plus de chances de faire sortir l’écologie politique de le stade d’immaturité qui l’a caractérisé jusqu’ici. Il a les moyens de troubler le jeu politique à gauche et au centre en franchissant la barre des 10%. Ce faisant, sa candidature serait certainement une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy puisqu’elle viendrait fractionner encore plus l’espace centriste, empêchant l’émergence d’alternative sérieuse.

Les écologistes, et Nicolas Hulot au premier chef, semblent en revanche complètement schizophrènes sur la question du nucléaire puisqu’ils refusent d’admettre que leur volonté de sortir de l’atome entraîne une mise au second plan de la question du réchauffement climatique. Comment le Nicolas Hulot d’aujourd’hui pourra de manière crédible s’opposer au Nicolas Hulot d’hier qui voyait le nucléaire comme un des éléments de la solution climatique ? Il s’agira certainement d’un débat fondamental de la présidentielle de 2012, avec un PS dont la position n’est pas encore établie sur ce sujet.

Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, les écologistes semblent privilégier le symbolique sur la résolution de problèmes complexes : la tâche qui les attend sera donc grande s’ils parviennent au pouvoir, car le réel ne se dérobe pas devant les symboles.

5. Quelle importance prendra le vote extrême ?

Il y a quelques mois, la qualification de l’extrême droite pour le second tour à travers un « 21 avril à l’envers » semblait acquise. Malgré les affaires à répétition (DSK, Tron, Ferry) qui se sont succédées depuis, le péril frontiste semble plus éloigné aujourd’hui. Comme annoncé dans un article précédent, Marine Le Pen est certainement monté trop tôt dans les sondages et elle peine à conserver son audience dès lors que son programme est sous le feu des projecteurs.

De la même manière, l’extrême gauche ne semble pas en situation de profiter de la crise économique et sociale : la non-candidature d’Olivier Besancenot et le tassement dans les sondages de Jean-Luc Mélenchon semblent attester que l’extrémisme n’est pas si élevé que cela en France et qu’il se concentre de toute façon sur le Front National.

Il n’en demeure pas moins que le FN peut à tout moment dominer les débats si la campagne s’oriente sur le protectionnisme face à la mondialisation, car sur ce sujet il possède incontestablement l’antériorité. Il y a donc de véritables raisons de fond qui peuvent conduire à un vote extrême conséquent dans les années à venir et donc à une accession au second tour de la présidentielle. Si tel n’est pas le cas, la question essentielle sera celle du report de voix en faveur de Nicolas Sarkozy au second tour. En effet, les sondages actuels indiquent que le bloc droite+extrême droite est assez élevé et que le bloc de gauche est plutôt faible : Nicolas Sarkozy aura donc besoin, comme en 2007, de ces voix pour espérer l’emporter.

Conclusion

Les deux incertitudes principales pour le moment sont les résultats des deux primaires au PS et chez Europe Ecologie. Le scénario le plus favorable pour la gauche serait que soient désignés François Hollande et Eva Joly, ce qui permettrait au candidat PS d'arriver en tête avec un score assez élevé au soir du premier tour et de l’emporter assez logiquement au second. Le scénario le plus favorable pour Nicolas Sarkozy serait une candidature de Martine Aubry et d’Eva Joly qui lui laisserait plus d’espace au centre, même si un candidat centriste émergeait, la bataille du second tout serait alors particulièrement serrée.