24 juillet 2007

Faut-il un service minimum ?


Le projet de loi relatif au service minimum, présenté par le ministre du Travail Xavier Bertrand, est actuellement discuté devant l'Assemblée Nationale. Son principe suscite l'approbation de plus de deux Français sur trois mais rencontre l'hostilité des organisations syndicales. Comme souvent en politique, le diable se trouve dans les détails et les déclarations de principe ne permettent pas de saisir toute la complexité du problème.

Deux principes constitutionnels s'opposent ici : le droit de grève et l'obligation de service public. Les deux "camps" ont ainsi tous les deux raisons en même temps, cela oblige à dépasser cette opposition binaire. Il semble évident qu'un fonctionnaire n'est pas un employé comme les autres : les garanties qui lui sont offertes doivent être contrebalancées par des devoirs comme la qualité de l'offre de service public. La question est presque d'ordre moral : la fonction publique ne peut être respectée dans le pays que si son sens de l'intérêt général ne fait pas de doute, dans le cas contraire, on a à faire à une technocratie qui défend ses propres intérêts par son corporatisme. L'engagement au service de l'Etat est noble et respectable, il doit donc être préservé des attaques populistes, pour cela, les fonctionnaires doivent être irréprochables.

Une fois posé ce préalable, il faut insister sur les sacrifices en terme de salaires qui sont souvent consentis par les agents publics (en particulier dans la haute fonction publique). Les fonctionnaires ne sont ni des "planqués" ni des "privilégiés", ils doivent donc pouvoir défendre leurs intérêts au sein d'actions collectives comme les grèves. En revanche, on ne peut pas accepter la "grève par procuration" que semble parfois pratiquer le secteur public au profit du secteur privé qui ne bénéficie pas des mêmes protections de statut. Cette solidarité de classe camoufle en fait la défense d'intérêts catégoriels propres à la fonction publique (ou politiques), comme l'ont montré les conflits sociaux de 1995.

Dès lors, quelle solution adopter ? Il existe plusieurs degrés dans le service minimum : il peut être assez dur (comme en Italie), en interdisant les grèves pendant certaines périodes sensibles de l'année ou plus fexible (comme en Espagne ou en Scandinavie) en s'appuyant sur la concertation sociale et la prévention des conflits. La solution proposée par le gouvernement est à mi-chemin puisqu'elle impose par la loi l'obligation de trouver un accord dans les entreprises de transport concernées. Comme beaucoup de solutions intermédiaires elle n'est pas pleinement satisfaisante : trop souple diront certains, trop "étatique" diront les autres. Le fait est que les pouvoirs publics doivent prendre acte de la faiblesse actuelle des partenaires sociaux, on peut donc se demander si la rénovation du dialogue social n'aurait pas été un préalable intéressant au service minimum.

Quoi qu'il en soit, rien ne justifie la limitation du service minimum aux seuls entreprises de transports. Leurs obligations de service public ne sont ni plus ni moins importantes que celles de l'éducation nationale, de la santé ou des entreprises de l'énergie. Plutôt que de dresser les Français les uns contre les autres, profitons de ce débat pour redonner toutes ses lettres de noblesse à la fonction publique et faire taire à ce sujet le populisme qui sommeille en France.

13 juillet 2007

Pourquoi la politique ?


Voilà plusieurs mois déjà que je cherche, à travers ce blog, à commenter et à réfléchir sur la politique en général. Ce n'est là que l'aboutissement de longues années d'intérêt voire de passion pour ce domaine. D'abord, petit, on commence par regarder des débats politiques auxquels on ne comprend rien mais qui semblent fascinants. Ensuite, on commence à appréhender la multitude des thèmes que recouvre l'action politique, on est littéralement noyé par les informations, on se dit qu'on n'arrivera jamais à avoir une vision d'ensemble cohérente. Enfin, on prend confiance, on gagne en expertise, on commence à trouver que les débatteurs politiques que l'on prenait naguère pour des spécialistes racontent en fait souvent n'importe quoi. Tel a été mon cheminement passif vers la politique : elle s'est imposée à moi naturellement et progressivement. Mais pourquoi s'intéresser à la politique ?

Il y a deux manières d'appréhender cette question : on peut se demander l'intérêt qu'il y a de faire de la politique ou en quoi la politique est intéressante. La recherche du pouvoir, d'une place dans l'histoire et donc d'une certaine forme d'immortalité sont naturellement à l'oeuvre si l'on retient la première logique. Mais il serait inutile et vain d'essayer de trancher ici les rapports entre les Hommes et le pouvoir, c'est donc la deuxième approche qui sera ici examinée.

La politique, c'est l'organisation de la cité, elle intervient dès lors que les individus se constituent en sociétés. Il y a donc une nécessité d'organiser la société selon des lois, des normes ou des codes. Il faut ensuite faire appliquer ces règles et donc bâtir un véritable pouvoir politique. S'engager dans la vie publique permet donc d'arbitrer les problèmes entre les individus et, mieux, de les prévenir. L'homme politique est dans ce cas un "ingénieur social" chargé de prévenir les mécontentements.

Mais plutôt que de considérer, comme je viens de le faire, la politique comme une nécessité due à l'organisation sociale, on peut la voir comme une volonté ou une demande de lien social. Il ne s'agit pas, en effet, de régler simplement les problèmes qui se posent, il faut aussi mettre sur la table ce qui ne fait pas problème mais qui est susceptible d'être un progrès de la société. Ainsi, on peut considérer la laïcité comme un instrument nécessaire de la paix sociale ou bien comme une formidable avancée dans l'organisation de la société, en séparant le temporel du spirituel. On peut voir le système fiscal comme un moyen de financer les besoins de l'Etat ou comme une mise en commun, selon leurs moyens, des citoyens afin de construire des projets collectifs et de se dessiner un avenir commun.

Le XXème siècle nous invite toutefois à être prudent et à ne pas trop idéaliser la politique. Le totalitarisme a montré les dangers de l'exaltation du collectif et de la négation de l'individu, il a prouvé que l'Etat devait savoir rester à sa place et ne pas s'immiscer dans la vie des gens. Tout l'art de la politique doit être de trouver une voie entre l'individualisme forcené qui se développe actuellement au nom de la liberté et le collectivisme qui mène au totalitarisme. La révolution libérale des années 80, en partie fondée sur l'antitotalitarisme, conduit aujourd'hui à une situation où c'est bien l'individualisme qui est le principal danger qui guette nos sociétés.

L'individualisme, en effet, c'est le repli sur soi, c'est la porte ouverte aux communautarismes et aux corporatismes. Plus que de s'attaquer aux grands idéaux républicains, il porte atteinte au concept même de civilisation. C'est une régression qui éloigne les citoyens des grands principes et des grandes aventures collectives pour les enfermer dans leurs préoccupations quotidiennes et souvent superficielles. La société de consommation ou plus exactement la "société de marché" comme l'appelle Lionel Jospin, bien que consolidant les économies, détruit peu à peu les fondements des sociétés, à commencer par la culture. S'intéresser à la vie publique, c'est un moyen de rejetter cette évolution, d'affirmer que ce qui donne un sens à sa vie, se sont les autres (et pas seulement ses proches). Se consacrer à la politique, c'est faire passer le souci du monde avant le souci de soi. Ce projet idéaliste - certains diront utopiste - peut être une réponse à la crise de sens qui sévit actuellement dans le monde occidental.

La France est en cela un pays admirable : sa passion pour la politique, éclatante lors des dernières élections, grandit le peuple Français. Pendant des semaines voire des mois, les gens ont débattu, discuté des candidats et des programmes, ils ont réfléchi sur ce qui constituait l'identité nationale. Même si la plupart des citoyens ne connaissaient ou ne comprenaient que partiellement les détails des propositions avancées par les candidats, ils avaient, dans leur immense majorité, le sentiment que quelque chose d'important se jouait pour le pays. Leur vote a été beaucoup plus guidé par ce qu'ils pensaient être juste que par la recherche d'intérêts directs liés à la victoire d'un camp ou d'un autre. Le seul regret que l'on peut exprimer est que cette campagne se soit focalisée essentiellement sur des sujets économiques et sociaux domestiques et se soit détournée des questions internationales.

La politique, comme la science, la philosophie ou les arts participe du processus de civilisation. Elle est à ce titre éminemment respectable et elle exige, de la part de ceux qui l'exerce, discernement et responsabilité. Selon Aristote, "La fin de la Politique sera le bien proprement humain", cette perspective me semble plus constructive que la vision Rousseauiste d'"éradication du mal".

11 juillet 2007

Déjà un bon bilan


Bien que Nicolas Sarkozy soit installé à l’Elysée depuis moins de deux mois, son bilan est d’ores et déjà conséquent. En effet, avec la réussite du Conseil Européeen de Bruxelles, il a, avec d’autres chefs d’Etat et de gouvernement, réussi à remettre l’Europe sur les rails. Son idée de traité simplifié, qu’il a défendu ardemment pendant la campagne alors qu’il aurait été plus porteur de promettre un nouveau référendum, s’est imposée et a permis d’effacer les non Français et Néerlandais.

Bien entendu il ne s’agit pas de surestimer le rôle du nouveau Président de la République. Si son idée s’est imposée, c’est avant tout parce qu’elle était la seule solution réaliste, acceptable par l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Profiter de l’impasse institutionnelle pour proposer de tout remettre à plat aurait été l’assurance de l’échec : la politique des petits pas ne doit pas être méprisée, surtout en matière européenne, la construction d’un espace politique, économique et social comme l’UE ne saurait être une entreprise “révolutionnaire”.

Certes, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à se mettre en scène lors de ce sommet européen, pour montrer tous les efforts et toute la bonne volonté qu’il déployait. Il serait déplacé de lui en faire le reproche, ces manoeuvres participent également de la diplomatie. De même, il ne faut pas être dupe du jeu de rôle auquel se sont livrés l’Allemagne et la France vis-à-vis de la Pologne, maniant tour à tour le bâton et la carotte pour obtenir, in fine, l’approbation du plus grand pays d’Europe de l’Est.

Quoi qu’il en soit, la France est plus que jamais de retour sur la scène européenne, elle n’a plus à se cacher comme après la victoire du non au référendum européen. Il y a également fort à parier que l’image de la France auprès de ses partenaires, et notamment auprès des nouveaux entrants, est sortie grandie de ce sommet. Ne faisons donc pas les fines bouches et saluons comme il se doit ce succès.

Durant la campagne, j’avais expliqué les trois raisons qui m’ont poussé à voter pour Nicolas Sarkozy : il y avait son projet de traité simplifié, l’autonomie des universités et la réduction des effectifs dans la fonction publique pour réduire le déficit de l’Etat. Le premier objectif semble donc tenu, la réforme des universités est sur les rails même si certains bruits faisant état de la disparition du CNRS sont très inquiétants, enfin le gouvernement a confirmé le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

En revanche, le scepticisme demeure à propos de la détaxation des heures supplémentaires ou de la suppression des droits de succession. Que le débat puisse s’ouvrir sur ces questions est souhaitable, en attendant, sachons saluer les premiers pas de Nicolas Sarkozy sur la scène internationale.