29 septembre 2006

Le capitalisme est en danger


Le capitalisme est aujourd'hui le seul système économique sur la planète qui "fonctionne". Sa victoire sur le communisme a été totale au point que l'on peut se demander s'il n'est pas à son apogée. Et pourtant, de nombreux nuages s'amoncellent au-dessus de sa tête et sa durabilité peut être sérieusement mise en cause. Je vais essayer de décrire ces risques et ces dérives et j'essayerai d'esquisser des pistes de réflexions lors de prochains posts. Je note à ce propos que la plupart des candidats à la présidentielle ignorent copieusement ces sujets, préférant des thèmes moins économiques et plus vendeurs comme l'immigration ou la sécurité.

Le temps du compromis keynésien semble définitivement révolu, quelque chose s'est passé (ou cassé) dans les années 70 après les Trentes Glorieuses. On peut regretter, à juste titre, cette période où chacun dans l'entreprise - et principalement l'industrie - avait quelque chose à gagner : de la productivité contre des salaires, une perspective de monter les échelons au sein d'une même entreprise... Il faut toutefois regarder le monde tel qu'il est aujourd'hui : les actionnaires, qui étaient les grands absents du compromis keynésien, sont désormais aux premières loges. Leur regroupement en fonds de pension leur a permis de faire pression sur les entreprises pour comprimer la masse salariale, notamment en externalisant beaucoup d'activités. D'autres évolutions, très bien résumées dans le dernier livre de Daniel Cohen "3 leçons sur la société post-industrielles", ont progressivement conduit à un déséquilibre dans notre société, avec des gagnants et des perdants, à savoir les actionnaires et les consommateurs d'un côté et les salariés et les citoyens de l'autre. Il est intéressant de noter la profonde schizophrénie que cette situation créé chez chacun d'entre nous puisque nous sommes tour à tour salarié, citoyen, consommateur et parfois actionnaire.

Cette situation n'est selon moi pas durable, les citoyens ne tolèreront plus très longtemps que dans une démocratie, le vrai pouvoir ne soit plus dans leurs mains et les salariés n'accepteront plus de ne plus être rémunérés des fruits de leur travail. Certaines pistes sont évoquées pour aligner les intérêts de ces différentes catégories : développer la participation pour que les salariés profitent de la croissance de leur entreprise, augmenter le droit de vote au conseil d'administration pour les actionnaires qui restent longtemps au capital pour favoriser le développement à long terme des entreprises ou encore jouer sur les droits de douanes à l'échelle européenne. Ces pistes ne sont certainement pas suffisantes et elles méritent d'être creusées davantage.

Par ailleurs, une question hautement stratégique devrait agiter toute l'Europe : quelle attitude adopter face aux OPA qui semblent se multiplier contre les groupes européens ? Qu'adviendra t-il lorsque les immenses réserves d'épargne en Asie et en Russie se transformeront en investissements dans nos grandes entreprises ? Arcelor pourrait bien n'être que le prélude d'un mouvement plus vaste et très dangereux pour nos économies. C'est toute la question du patriotisme économique, qu'il convient certainement de considérer à l'échelle européenne, dont il est question ici.

Enfin je signalerai une dernière menace qui pèse inexorablement sur le capitalisme : l'épuisement des ressources, en particulier des matières premières. Nous avons vécu jusqu'à maintenant dans un monde où l'énergie était bon marché, il faudra désormais apprendre à se passer du pétrole, puis du gaz, puis de l'uranium... La question se pose également à propos de l'acier, du bois, de l'eau et elle se posera de manière de plus en plus forte à mesure que les pays émergents augmenteront leur demande en matières premières.

C'est de toutes ces questions dont il faut discuter maintenant. Le débat présidentiel devrait être le lieu où se tranche ces grands problèmes stratégiques, il semble que tel ne sera pas le cas, les principaux acteurs ayant préféré les conseils des communicants à ceux des économistes.

27 septembre 2006

Pour une révolution du Sénat


Depuis longtemps, je m'interroge sur les limites de la démocratie intégrale. Tocqueville avait compris très tôt que l'égalité des conditions pouvait être le début d'un processus favorisant l'individualisme et détruisant toutes les barrières morales et institutionnelles. Je pense pourtant que ces barrières sont essentielles à la démocratie pour éviter qu'elle ne sombre dans une démagogie, ainsi : "tout ne doit pas être démocratique dans une société démocratique", l'Ecole, la science ou encore la justice ne sont pas des questions d'opinion puisqu'elle s'intéresse, d'une manière ou d'une autre, à la recherche de la vérité. Dès lors il y a une asymétrie nécessaire entre le maître et l'élève, le scientifique et le néophyte ou encore le juge et le justiciable.

Il importe selon moi de consolider voire d'institutionnaliser ces asymétries. Il faut protéger la vérité contre l'opinion et donc les institutions contre la démocratie. C'est pourquoi je propose de modifier en profondeur le Sénat pour en faire le lieu de l'autorité morale, technique et intellectuelle. Aujourd'hui l'utilité législative du Sénat peine à s'affirmer, on peut très bien concevoir notre République avec une seule chambre : l'Assemblée Nationale. Il faudrait selon moi faire de la Haute Assemblée un rassemblement de personnalités dont les qualités morales et les talents sont indiscutables, qui auraient à se prononcer sur les grands sujets de société et les évolutions à long terme de notre République. Ce Sénat serait tout d'abord nommé par les autorités politiques en place puis il se renouvellerait par cooptation en choisissant lui-même ses nouveaux membres pour remplacer les anciens. Cette organe aurait l'indépendance et l'autorité nécessaire pour nommer les membres du Conseil Constitutionnel, du CSA et du CSM. Il pourrait voter des avis (non contraignants sur le plan juridique) sur les lois et autres évènements de la vie politique française. Il aurait également un rôle de prospective et publiant des rapports sur de grands sujets de fond.

Le but principal de cette proposition est de combattre l'horizontalité absolue qui tend à s'installer dans les sociétés démocratiques, en instituant un nouvel "ordre moral laïque". L'évolution actuelle de notre société principalement influencée par la consommation de masse et les divertissements médiatique doit nous interroger, il en va du processus même de civilisation.

26 septembre 2006

Halte à la démagogie


En dénonçant lundi matin sur Europe 1 la démagogie qui régnait en ce début de campagne présidentielle, Lionel Jospin a visé juste. On peut même parler de populisme quand on entend Nicolas Sarkozy dire que ses seuls juges "ce sont les Français" ou Ségolène Royal vanter les "citoyens experts". On peut certes penser qu'en démocratie tous les citoyens sont égaux et qu'ils ont donc le même droit de s'exprimer sur tous les sujets qui les touchent, mais l'égalité des droits ne signifie pas l'égalité des conditions, des mérites et des talents. L'ancien Premier Ministre socialiste a eu raison d'affirmer que dans une société démocratique, il subsistait des experts, des professeurs qui avaient une autorité (intellectuelle ou morale) suffisante pour s'exprimer et être écoutés. Comme l'écrivait Condorcet dans sa lettre à M. Turgot : "On confond le droit social de s'exprimer sur ce qui concerne la société avec celui, réservé aux Lumières, de se prononcer sur la vérité d'une proposition. On croit pouvoir juger et on se trompe".

La démocratie intégrale est une forme de totalitarisme, il est très dangereux de vouloir nier toutes les catégories intermédiaires entre le pouvoir politique et les citoyens. Il est choquant de voir comment le ministre de l'intérieur a ignoré les critiques que lui adressait le Premier Président de la Cour de Cassation Guy Canivet, il en va de même avec Ségolène Royal qui refuse d'écouter les scientifiques Français qui travaillent sur les OGM. Il faut remettre en valeur la place des institutions, des intellectuels, des scientifiques dans la société et cesser de surfer sur l'opinion grâce à l'émotion. Les revirements incessants de l'opinion française à propos de la détention préventive en raison des faits divers (le Chinois, les acquittés d'Outreau...) devraient amener les responsables politiques à prendre du recul sur les évènements et écouter les personnalités compétentes.

Prenons garde que cette élection présidentielle n'opère pas le basculement de notre pays d'une démocratie représentative à une démocratie d'opinion, soi-disant plus proche des préoccupations des citoyens mais qui ne sert pas, en définitive, leurs intérêts.

21 septembre 2006

Il faut sauver la carte scolaire...


Le débat présidentiel réserve parfois certaines surprises : qui aurait pu prévoir, il y a encore quelques mois, que le thème de la carte scolaire serait au coeur de l'actualité ? Il faut s'en féliciter car l'élection présidentielle doit être l'occasion de tout discuter, sans tabous.

Sur ce point comme sur tant d'autres, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal semblent se "marquer à la culotte" en affichant des positions relativement proche. Le premier propose la suppression pure et simple de la carte scolaire tandis que la seconde propose de profonds aménagements tout en disant que l'idéal serait sa suppression. Deux arguments motivent ces points de vue : la mixité sociale voulue par la carte scolaire est un leurre car beaucoup de parents (les plus riches et les mieux informés) la contourne, et ce système est une entrave à la liberté individuelle.

Il y a une véritable logique libérale à souhaiter une grande autonomie des établissements scolaires et le libre choix pour les parents, il s'agit de diversifier l'offre éducative et de les tirer vers le haut grâce à une concurrence entre collèges ou lycées. Toutefois, cette manière de voir les choses me paraît très théorique. Quand les parents choisissent l'école de leurs enfants, il ne le font pas en raison des différents projets éducatifs mais plutôt en fonction de la réputation de l'établissement. Le problème reste alors entier : si tous les parents veulent mettre leurs enfants dans le même collège, comment choisit-on ? Sur quels critères ? Il y a fort à parier qu'un tel système augmenterait davantage les inégalités entre les élèves issus de différentes classes sociales.

L'argument de Ségolène Royal est différent, il consiste à dire : puisque certains contournent la carte scolaire, ce qui a pour conséquence de réduire la mixité sociale alors il faut stopper l'hypocrisie et la supprimer. Avec ce type d'arguments, on pourrait supprimer les impôts à cause des fraudeurs fiscaux ou la police à cause des délinquants. On ne peut pas justifier une réforme d'un système au motif que certains le contournent.

Il ne s'agit pas de dire que le système actuel est parfait, il y a des aménagements à apporter mais ils doivent selon moi tout mettre en oeuvre pour renforcer la mixité sociale qui est une nécéssité absolue en République. Une idée, avancée par certains, consiste à redécouper la carte scolaire en "camembert". Ainsi, chaque zone aurait une part de centre ville et de banlieue ou de campagne. Les zones seraient alors plus homogènes. Il faut également augmenter l'offre d'enseignement des les collèges et lycées en difficulté pour qu'ils puissent proposer les mêmes options que les autres. Enfin, la proposition du premier ministre de permettre aux élèves des collèges Ambition Réussite qui ont eu une mention très bien au brevet de choisir le lycée de leur choix me paraît aussi aller dans le sens de la méritocratie républicaine.

18 septembre 2006

Des valeurs c'est bien, un projet c'est mieux


La société française est aujourd'hui à ce point morcelée qu'il paraît inimaginable de vouloir trouver un projet commun mobilisateur pour l'ensemble des Français. Que partagent, en effet, les cadres dirigeants des entreprises qui s'intéressent au débat sur les stock-options et les travailleurs peu qualifiés qui peinent à trouver un emploi ? Qu'ont en commun les "bobos" (terme que j'utilise ici sans aucune connotation péjorative) parisiens épris de culture et de générosité à l'égard de ceux qui souffrent comme les sans-papiers et les retraités des campagnes qui ne connaissent pas Internet et qui ont peur de l’immigration ?

Et pourtant, si on croit en la politique, on ne peut perdre l’espoir d’un grand projet de société qui serait profitable pour tous et qui consacrerait l’unité des Français. En appartenant à la même nation, nous avons une communauté de destin, l’idéal républicain ne peut s’accommoder du communautarisme et du corporatisme qui ne sont jamais que des individualismes de groupe. Au-delà du bonheur individuel, il est une satisfaction de l’esprit incomparable que de voir que son pays avance et que le sort de ses concitoyens s’améliore, c’est en tous cas mon point de vue.

L’élection présidentielle telle qu’elle est organisée oblige les candidats présents au second tour à rassembler et donc à essayer de trouver un message commun pour l’ensemble de la population, c’est d’ailleurs pour cela qu’il ne faut surtout pas revenir sur ce système majoritaire à deux tours. Aujourd’hui, si l’on observe les deux favoris que sont Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, on constate qu’ils adoptent une stratégie similaire : rassembler sur des valeurs plutôt que sur un projet. Je ne condamne pas cette démarche, elle est pour moi nécessaire mais certainement pas suffisante.

Il est heureux de constater que les Français se retrouvent encore sur les valeurs de travail, de mérite, de justice et d’ordre, bref que ce qui constitue le socle de la République est encore très présent dans la société, mais la tentation pour les candidats peut-être d’insister uniquement sur ces valeurs essentielles au détriment de leur projet concret. Car pour faire vivre ces principes, il faut des propositions concrètes et ce sont elles qui doivent alimenter le débat présidentiel. Que signifie réhabiliter le travail ? S’agit-il de réduire le chômage, d’augmenter le salaire, de revenir sur les 35 heures ou encore de permettre à ceux qui veulent travailler plus de faire des heures supplémentaires exemptées de charges sociales ? Il en va de même du mérite qui est derrière tout le débat sur l’égalité des chances.

Alors de grâce mesdames et messieurs les candidats à la présidence de la République, n’en restez pas aux slogans et aux principes, bien qu’ils soient essentiels, mais essayez de proposer un projet qui puisse rassembler véritablement les Français, un nouveau compromis social.

16 septembre 2006

Déclinologues ou idéologues ?

En fustigeant les déclinologues lors de ses vœux à la presse le 10 janvier dernier, Dominique de Villepin a mis le doigt sur un phénomène majeur qui gagne une partie du monde intellectuel français : le déclinisme est désormais à la mode, il gagne toutes les strates de la société, qu’il s’agisse d’économistes, de journalistes ou de politiques. Selon ces porte-étendards de la faillite française, notre pays serait mal géré, au bord de la faillite, son modèle social tiendrait plus, en termes de performances, d’un pays de l’ex-Europe de l’Est que d’une démocratie occidentale digne de ce nom, les seuls emplois préservés du chômage seraient des contrats précaires qui ne manqueront pas de disparaître face à la concurrence des pays émergents, enfin, la mort de notre industrie ne serait plus qu’une question d’heure.

Bref, amis Français, ouvrez vos parasols, sortez le vin rouge et le roquefort et mettez en valeur votre patrimoine culturel, car votre seul salut réside dans l’accueil de touristes venus d’un lointain monde prospère pour séjourner dans cet immense camp de vacances qu’est devenu la France. A quoi bon, en effet, tenter de résister à cet immense mouvement mondial qui nous submerge puisque la source de tous nos maux semble être congénitale, l’échec est désormais l’apanage de la France, c’est même devenu notre marque de fabrique. Finies les explications macroéconomiques et géopolitiques : notre croissance est molle, notre chômage élevé et notre dette faramineuse parce que nos dirigeants sont naturellement incompétents et que nous ne faisons pas assez d’efforts.

Les Allemands aussi connaissent des problèmes conjoncturels d’ampleur mais ils s’en sortiront car ils sont plus sérieux et plus courageux, les Américains et les Japonais ont une dette plus importante que nous mais ils la surmonteront car ils sont plus malins et plus influents. Ainsi va la pensée, à peine caricaturée, de certaines de nos élites, qui ont réussi à faire de ce prétendu déclin français leur fond de commerce, car s’il est un domaine en pleine croissance, c’est bien le commerce de ces ouvrages qui débordent d’auto-flagellation. Faut-il y voir le signe d’un sursaut salvateur ou bien l’expression d’arguments d’autorité empreints d’idéologie ? Notre pays est-il au bord de la banqueroute, ou le pays de Molière serait-il, comme l’a déclaré José Manuel Barroso à l’Assemblée Nationale, atteint du syndrome du malade imaginaire ?

Un trait caractéristique des partisans du déclin est l’imprécision voire l’inexactitude de leur discours qui se veut globalisant. Ainsi, quand il s’agit de chercher des responsables à la situation actuelle de la France, la réponse est à la fois unanime et devenue rituelle : « c’est à cause des gouvernements de droite et de gauche confondus qui ont tout faux depuis vingt ans », à ceci près que certains préfèrent dire trente ans et d’autres dix ans. A quoi bon, en effet, s’embarrasser avec des chiffres, qu’importe que le début de la crise ait eu lieu sous Giscard, Mitterrand ou Chirac, qu’il soit du aux chocs pétroliers, à la chute du communisme ou à la mondialisation, la seule chose qui compte selon les déclinologues, c’est que notre pays va droit dans le mur et que cela fait longtemps que cela dure. Tant d’imprécision devrait suffire à discréditer un tel discours, d’autant plus qu’à cela s’ajoutent certains mensonges éhontés comme le fait que notre pays est l’un des plus inégalitaires alors qu’il l’est, selon les indicateurs couramment utilisés par les économistes, nettement moins que la plupart de nos voisins occidentaux, les inégalités ont même diminué en France de 1970 à 1985 et elles sont restées stables depuis, ce qui s’explique en partie par l’augmentation du SMIC durant toutes ces années. La manière dont sont décrits certains pays étrangers, qu’il convient d’appeler des « modèles » est également contestable. On insiste peu sur la désindustrialisation massive qu’a connu le Royaume-Uni, on oublie de rappeler que l’emploi dans ce pays a moins progressé depuis 1980 que dans la zone euro même si les salaires y ont plus fortement augmenté, on omet facilement de signaler que du fait d’un faible taux d’épargne des ménages, la balance courante des Etats-Unis est fortement déficitaire chaque année ou que même si l’Espagne connaît une forte baisse du chômage, celle-ci se fait au prix d’une large déqualification de la main d’œuvre puisque ce sont principalement des emplois de services à la personne peu qualifiés qui sont créés, ce qui peut menacer sa croissance à long terme. En un mot, on oublie de rappeler que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît, que chaque pays connaît des difficultés spécifiques et qu’il tente d’y remédier en tenant compte du contexte international mais aussi de son histoire et de sa culture.

Symétriquement, on évite d’insister sur ce qui fonctionne en France, comme la forte natalité qui fera de notre pays le plus peuplé du continent européen en 2050 ou la surreprésentation des entreprises françaises dans le classement des 100 plus grandes entreprises mondiales. Pire, on tente de transformer des réussites en échecs, comme ce fut le cas pour l’implantation d’ITER à Cadarache, n’a-t-on pas entendu à cette époque que cette décision allait coûter cher à la France et ne nous rapporterait pas grand-chose, bref que notre naïveté avait été exploité par la finesse des autres puissances mondiales, sur ce dossier comme sur tant d’autres.

On voit, à travers toutes ces contre-vérités que toute pensée globalisante est vouée à l’échec, le réel résiste à ce qu’il convient d’appeler les idéologies, dont le déclinisme n’est qu’une forme parmi d’autres. Car si la plupart de ces intellectuels qui ne cessent de voir la France tomber affirment rejeter toute forme d’idéologie, leurs arguments n’étant basés que sur des faits objectifs et quantifiables, force est de constater qu’ils cherchent, à travers ce discours, à imposer une vision de la société, que l’on peut grossièrement qualifier d’anglo-saxonne et qui assimile toute spécificité française à un handicap. En substance, si nous voulons être forts dans le monde moderne, soyons ternes et transparents et mettons nos principes « républicains » au vestiaire car ils ne sont que le signe de notre grandiloquence.

Qui ne voit pas qu’en annonçant constamment une chute programmée, inexorable et irréversible de notre pays, les déclinologues cherchent à faire peur à l’opinion, celle-là même à qui l’on avait réussi à faire peur avec l’insécurité galopante lors de la campagne présidentielle de 2002. Il y a dans cette manière de procéder une volonté de s’asseoir sur la démocratie, d’imposer des idées minoritaires par la peur. Ceux qui réclament l’abandon du modèle français accompagné d’un rétrécissement permanent du périmètre de l’état ayant définitivement échoué à rassembler les Français de manière positive sur leurs propositions, ils cherchent désormais à récuser l’idée même de choix politique : la France n’a plus d’alternative, sauf à sombrer définitivement. En désenchantant ainsi la vie politique, en substituant aux utopies la froide réalité d’un monde moderne caractérisé par le renoncement, en rejetant toujours à demain les améliorations des conditions de vie, les déclinologues sont en train d’enfoncer notre pays dans une profonde déprime, ce que les préfets ont récemment appelé la « sinistrose des Français ». Comment peut-on, en effet, espérer donner confiance à un peuple si toutes les images qu’on lui renvoie de son pays sont négatives ? La crise de notre modèle d’intégration en a été un révélateur, un pays qui ne s’aime pas lui-même ne peut pas espérer être aimé par les personnes qui le rejoignent.

C’est bien à la lucidité des Français qu’il faut en appeler, à la fois vis-à-vis de ceux qui promettent des lendemains qui chantent mais qui refusent toute modernisation de notre pays, s’arc-boutant sur des positions défensives et protectionnistes mais également vis-à-vis de ceux qui en appelle à une refonte totale de notre modèle social afin d’éviter le déclin. Entre l’immobilisme et la révolution il existe d’autres voies, qui acceptent de prendre en compte la complexité du monde et cherchent à répondre concrètement aux problèmes que chaque pays ne manque pas de rencontrer. C’est en acceptant de regarder la réalité en face tout en restant fidèles à ce que nous sommes et à nos principes que nous parviendrons à surmonter les défis qui sont devant nous.

12 septembre 2006

Contrat social et service civique


La crise récente en banlieue, en plus des problèmes de respect de l’ordre public, de lutte contre les trafics, d’emploi ou de logement qu’elle soulève, montre à quel point le lien entre la jeunesse et la nation est ténu. La République, qui a pour vocation de lier les individus entre eux, de leur transmettre des valeurs communes et les réunir dans une communauté de destin, se doit de réagir. En effet, contrairement à certaines démocraties, pour qui l’intégration se résume en « parler la langue, payer ses impôts et respecter la loi », le modèle républicain tente de faire à chacun une même place, mais lui demande en retour d’accepter des contraintes et de respecter des valeurs fondamentales comme la liberté, l’égalité ou la laïcité. Les principes de ce modèle sont justes et ne doivent en aucun cas être abandonnés, ils doivent au contraire s’incarner plus fortement dans la réalité, afin de passer des mots aux actes. Il faut donc redonner du sens à la citoyenneté, renforcer le Contrat Social passé entre les citoyens et l’Etat.

Toutefois, dans nos démocraties, ce contrat est au mieux tacitement accepté et au pire ignoré par nos concitoyens, à aucun moment de la vie civique nous ne prenons véritablement la décision d’accepter un quelconque contrat avec l’Etat de même que nous n’acceptons jamais officiellement la redistribution qu’il opère en vue de réduire les inégalités. Il convient alors de se demander si, en pratique, une telle situation pose problème, car la politique doit répondre à des problèmes concrets par des réponses concrètes, et non en rester à la théorie ou à l’idéologie : une politique est entièrement déterminée par l’ensemble des décisions « pratiques » auxquelles elle a conduit, je ne crois pas à une théorie ou à une idéologie qui sous-tendrait l’action politique, la volonté politique n’a elle-même de sens que si elle débouche sur des réponses opérationnelles. Je vais donc essayer de montrer tout d’abord en quoi le caractère tacite du lien entre l’Etat et les citoyens pose problème puis je développerais ce qui me semble être une solution possible : l’établissement d’un « nouveau Contrat Social ».

Le problème de l’appartenance à une nation pose celui de l’identité, quelle soit politique, religieuse, culturelle,… Dans le modèle républicain français, l’identité qui prime est la nationalité, nous sommes des citoyens français avant d’être membre d’un parti politique, habitant d’une région, européen, croyant ou non croyant,… C’est bien cet idéal républicain qui permet, en retour, l’égalité de tous les citoyens vis-à-vis de l’Etat, qui est en péril aujourd’hui. Je pense en effet que la citoyenneté recule face au communautarisme, au radicalisme religieux et à certains séparatismes ou même pire, au désespoir. Mais ceux qui participent de ce mouvement de repli sur soi ne sont pas les seuls en cause, ils ont souvent été préalablement victimes d’injustices, de discriminations qui les ont porté à croire que l’égalité républicaine était un leurre. Certains autres trouvent illégitime le concept de nation et le juge même sévèrement au regard des conflits qui ont émaillé une Europe en proie au nationalisme le plus extrême au siècle dernier, ils se sentent davantage « citoyens du monde » mais dénoncent également la mondialisation telle qu’elle s’opère aujourd’hui. Et comment ne pas évoquer la question de l’Europe ? La nation doit-elle se fondre dans l’union pour donner naissance à un peuple européen, uni par une communauté de destin ? Peut-être un jour tel sera le cas, mais je pense qu’à l’heure actuelle, le concept le plus pertinent d’identité reste la nationalité et qu’il faut essayer d’en convaincre nos concitoyens. En effet, je crois à l’ambition des peuples à jouer un rôle important dans le monde, ils doivent pour cela être relayés par une puissance politique suffisamment significative à l’échelle du monde et suffisamment « petite » afin que chaque citoyen n’ait pas l’impression d’être un grain de sable parmi des millions.

Un autre problème se pose : celui du désinvestissement de bon nombre d’individus de la vie publique, qui se traduit de manière éloquente par l’abstention massive lors des scrutins qu’ils soient nationaux, régionaux, locaux ou européens. Car si la démocratie est, loin s’en faut, le meilleur des régimes politiques, il doit nécessairement impliquer un engouement, disons au moins un intérêt, pour la vie publique. Une démocratie saine nécessite deux efforts réciproques : les responsables politiques doivent expliquer leurs actes et leurs projets aux citoyens tandis que ces citoyens doivent faire l’effort d’être réceptifs à ces propos. Aujourd’hui, ce double effort n’est pas totalement respecté, et l’opinion publique devient de plus en plus un clone de l’opinion médiatique, en d’autres termes, les membres du microcosme politico-médiatico-intellectuel, comme le dirait Raymond Barre, qui eux sont de plain pied dans l’actualité politique, passent du rôle de relais d’opinion à celui de précepteur d’opinion. Comme le pronostiquait Benjamin Constant, la liberté des anciens, qui consistait à participait à la vie de la nation a été remplacée par la liberté des modernes, tournée vers l’individu. De plus, la communication, sensée rapprocher la parole politique des citoyens n’a d’autres effets que d’appauvrir le message des responsables publics, la forme prend le pas sur le fond et c’est au travers d’un prisme étroit que beaucoup de nos concitoyens jugent l’action politique. Il faut donc donner à chaque citoyen, les bases nécessaires pour qu’il puisse s’intéresser et s’impliquer (via le vote ou l’engagement) dans la vie publique.

Voici donc pour ce qui est des maux consécutifs, selon moi, au délitement du lien unissant l’Etat et les citoyens, passons désormais à ce qui pourrait être une solution, c’est tout l’objet de ce paragraphe. Quelle est la situation actuelle ? Aujourd’hui les jeunes n’ont, comme tout contact avec la nation que la Journée d’Appel de Préparation à la Défense qui donne une idée très brève de ce qu’est l’armée française, au point que l’on peut se demander si elle apporte réellement quelque chose à l’armée et aux jeunes. On a sous-estimé le lien social que pouvait créer le service national au sein de la population, je pense profondément que les expériences partagées par tous renforcent la République. Bien entendu, je ne souhaite pas un retour au service militaire, ce que je préconise, c’est de remplacer la JAPD par un service civique pouvant prendre la forme d’un service civil, auprès de services sociaux, d’associations, de prisons, d’hôpitaux… ou d’un service militaire. Ce service serait obligatoire pour tous les jeunes entre leur 18ème et leur 25ème année et devrait au moins durer six mois. Les jeunes ayant déjà eu à faire avec la justice pour des faits graves pourraient se voir imposer un service militaire. Il faudrait tout mettre en œuvre pour qu’à l’occasion de ce service, les jeunes de milieux très divers se côtoient. Ainsi des ressources humaines très importantes seraient disponibles pour relancer l’action de certains organismes d’utilité publique, les jeunes découvriraient un nouvel univers, ils pourraient se sentir utiles pour les autres et l’éloignement causé par ce service civique pourrait symboliser la fin de l’adolescence et l’entrée dans le monde adulte, avec les responsabilités que cela suppose. A la fin de ce service, les jeunes signeraient un Contrat Social avec un représentant de l’Etat, contrat qui reprendrait les principes constitutionnels de la République, qui stipulerait l’existence d’un intérêt général supérieur aux intérêts particuliers ou catégoriels ainsi que la primauté de la nationalité sur toutes les autres formes d’identité. J’insiste bien sur le fait que la signature d’un tel contrat devrait être librement choisie, il n’est pas question d’obliger quiconque à l’approuver car cela le transformerait en une forme de serment d’allégeance envers l’Etat que je trouve incompatible avec les valeurs de la République.

Le civisme fait partie intégrante de la cohésion sociale, et les propositions ici évoquées ont pour unique objectif de renforcer le sens civique de nos compatriotes. Face au pessimisme généralisé qui règne, on ne sait trop pourquoi, dans notre pays depuis trop d’année, il faut savoir opposer, à mon sens, une politique volontaire qui réhabilite l’Etat sans pour autant sombrer dans un nationalisme dont on ne connaît que trop les excès.

11 septembre 2006

La France est-elle en crise ?


Après le 21 avril 2002, les régionales de 2004, le référendum sur la Constitution Européenne, la crise des banlieues et les manifestations contre le CPE, force est de reconnaître que la France est plongée dans une crise démocratique et sociale profonde. Mais quelle est la cause de ces nombreux soubresauts ?

Pour beaucoup, la France traverse une crise économique de grande ampleur, elle est en déclin, les Français le ressentent ce qui explique leur profond malaise. Pour moi, cette hypothèse est fausse, la France, même si elle connaît de graves difficultés n’est ni en crise, ni en déclin. Pour parler en termes financiers, nous vivons actuellement dans une « bulle pessimiste », déconnectée de la réalité, mais qui, comme toute bulle, a des incidences concrètes négatives sur notre pays.

Le terme de bulle est pour moi particulièrement approprié puisque le sentiment du déclin s’auto-entretient, c’est un phénomène d’opinion qui a tendance à prospérer, car il y a un certain plaisir masochiste à dire que les choses vont mal. En effet, pour les hommes politiques qui dénoncent la chute de notre pays, le déclin est le préalable au redressement : autant noircir le tableau quand il est question de s’atteler à la remise à niveau d’un pays.

Pour les Français, il y a également un certain plaisir à comparer une situation personnelle convenable à une situation collective apocalyptique. Beaucoup de nos compatriotes, dans les enquêtes d’opinion, répondent en effet qu’ils sont plutôt heureux, contents de leur entreprise et de leur emploi, mais quand on leur demande leur avis sur la situation collective, l’optimisme cède sa place au fatalisme et au catastrophisme. Chacun a ainsi l’impression de s’en sortir alors que tout se fissure et que tout s’écroule, ce qui est plutôt valorisant. Ainsi, la thèse du déclin a de nombreux alliés objectifs dans la population et chez ses dirigeants, et elle prend d’autant mieux que les Français souffrent d’un excès d’esprit critique qui se caractérise par un doute permanent, en particulier vis-à-vis des institutions.

Le problème, c’est que ce pessimisme généralisé a des conséquences très négatives sur la situation de notre pays. En premier lieu, l’image de la France dans le monde en pâtit, notre déclinisme vient s’ajouter à notre arrogance pour donner la curieuse image d’un pays qui ne sait pas ce qu’il veut et qui ne sait plus ce qu’il est. Nous paierons longtemps le prix du non à un référendum que nous avions pourtant proposé et qui augmentait le poids de la France. L’incohérence et l’instabilité sont des facteurs de risque, qui n’encouragent pas nos partenaires à mettre sur pied des projets communs et qui n’incitent pas les entreprises à investir, comme l’a récemment montré la pathétique affaire Toyal.

En se crispant de la sorte, la France tend à se marginaliser, la situation actuelle fait sourire hors de nos frontières, avant qu’elle n’entraîne de la pitié. Sur le plan intérieur, la crise démocratique et sociale a également des conséquences désastreuses : cela contribue au rejet de la politique, au vote pour les extrêmes, à la forte abstention mais également au délitement du lien social : les Français n’ont plus l’impression d’avoir un projet d’avenir en commun, ce qui pousse certains à se tourner vers des idéologies qui ont pourtant jadis fait la preuve de leur méfait.

Il ne s’agit pas de d’affirmer que la France ne connaît pas des difficultés, elles sont même parfois très sérieuses, ce qui est en cause c’est l’hypersensibilité des réactions de beaucoup de responsables publics et de citoyens, pour qui un affaiblissement de la conjecture est une crise économique ou la perte des JO le symbole que la France ne pèse plus rien. Dans le monde médiatique qui est le notre, la dramatisation est désormais la règle, la demi-mesure et la nuance doivent être remisées au placard. Rarement le manichéisme et le simplisme n’auront été si radicaux : tout va mal chez nous alors qu’ailleurs c’est le paradis. Pourtant, à y regarder de plus près, les taux de croissance de la France et de la Grande-Bretagne sont proches pour 2005, nous sommes le pays d’Europe qui reçoit le plus d’investissements étrangers, nous possédons plusieurs entreprises parmi les plus grandes du monde. Notre dette publique est très importante, et il faut absolument la réduire, mais d’autres pays comme l’Italie, l’Allemagne, le Japon et l’Angleterre connaissent le même problème, à des degrés divers.

La complexité et la diversité du monde ne nous sont plus intelligibles, les données factuelles pèsent peu face aux impressions et aux sensations : à mesure que l’économie mondiale se dématérialise, les jugements politiques se déconnectent de la réalité. Le symbole le plus frappant de cette dramatisation à outrance est la proposition, reprise par de nombreux leaders politiques, de passer à une VIème République. Imagine-t-on le grotesque de la situation ? Que dirons les historiens pour justifier un tel changement de régime, il ne s’agira ni d’une Révolution populaire, ni de la fin de la Restauration, ni de la défaite écrasante de Sedan, ni de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d’Algérie, mais de la morosité des Français. Le régime politique qui aura survécu à la décolonisation, aux crises pétrolières des années 70 et à la chute du communisme devrait donc être abandonné pour des raisons conjoncturelles : tout ceci n’est pas sérieux.

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Tout au long de la campagne - et si possible au-delà - je chercherai à analyser et à donner mon point de vue sur les évènements politiques marquants.

Les élections qui viennent vont être cruciales pour notre pays, il faut tout faire pour qu'y soient abordés les problèmes de fond plutôt que les querelles de personnes ou les batailles de communication.

J'espère que vous serez nombreux à réagir sur ce blog et à le rendre populaire. Cette campagne sera la première où Internet jouera un rôle crucial, j'espère modestement que ce blog contribuera à enrichir le débat.