22 août 2007

Plutôt l'hypocrisie que le puritanisme


Quel rapport y'a-t-il entre le canular de Gérald Dahan contre Ségolène Royal, la mise à l'écart d'Alain Duhamel de la campagne éléctorale suite à ses propos sur François Bayrou, l'insulte de Patrick Devedjan proférée contre Anne-Marie Comparini et le lancement du moteur de recherche de personnes Spock ? Dans tous les cas il s'agit d'atteintes à la vie privée principalement véhiculées par Internet et parfois reprises par les médias traditionnels. Au nom de la transparence et de la lutte contre l'hypocrisie et les doubles discours, on piétine sans relâche l'intimité et on favorise la calomnie.

Qui n'a jamais "Googlé" le nom d'une autre personne sur Internet ? Cette pratique devenue courante et qui, la plupart du temps, se substitue simplement aux anciens vecteurs d'information, est également un moyen d'assouvir un certain voyeurisme en essayant d'obtenir le plus de renseignements possibles sur la vie d'autrui : quel est son métier ? Quelles sont ses opinions politiques ? Quelle est sa formation ? Est-il fan de jeux vidéos ? Est-il un catholique pratiquant ? Appartient-il à des associations ? ... Grâce aux moteurs de recherche, la vie "virtuelle" privée devient publique, maîtriser ce qui se dit sur soi et ce qui apparaît dans l'index Google devient un véritable enjeu. Mais le nom d'une personne semble plus vulnérable que celui d'une entreprise dans le capitalisme moderne, et il est le plus souvent impossible de supprimer des propos désobligeants à son encontre ou même d'empêcher qu'ils soient référencés dans les moteurs de recherche.

Au-delà de cette pratique devenue courante, certains groupes américains veulent aller plus loin en lançant des moteurs de recherche de personnes, fournissant une fiche et des liens sur des individus connus ou inconnus. Dès lors que les informations présentes sur ce type de plateforme sont librement choisies par la personne concernée, il n'y a rien de choquant, c'est d'ailleurs le mode de fonctionnement de tous les réseaux du type Facebook ou MySpace, en revanche, si la vérification des fiches est laissée à la "communauté des internautes", alors toutes les dérives sont possibles. A l'instar de ce qui se fait sur Wikipédia, où certaines firmes ou hommes politiques modifient les articles les concernant, les fiches "Spock" ne seront pas toujours alimentées avec les meilleures intentions.

La réponse de la "communauté des internautes" est sur ce point assez édifiante : des sites ont été créés pour savoir qui écrivait ou modifiait les articles sur Wikipédia. C'est la société de l'hypersurveillance en pleine action. Qui ne voit pas toutes les dérives que peuvent engendrer de tels comportements ? Cette société où tout doit être public, où les puissants doivent être épiés dans leurs moindres faits et gestes, où chaque conversation peut être enregistrée sur un téléphone portable puis diffusée sur DailyMotion ou YouTube sans l'avis des principaux intéressés n'aurait pas forcément déplu à Robespierre ou à Staline. Les nouveaux inquisiteurs de la toile sont légion (Guy Birenbaum, Loïk Le Meur,...) et prétendent mettre fin à l'hypocrisie qui règne dans les sphères d'influences, brisant volontiers le off à des fins prétendues démocratiques qui sont en fait totalitaires. Le Big Brother de George Orwell, c'est nous tous, c'est l'autosurveillance.

Les personnalités publiques sont évidemment les plus touchées par cette obsession de la transparence, elles doivent désormais être attentives à chaque instant. Pourtant, la seule chose qui engage un responsable politique, se sont ses propos publics et officiels. Dès lors, il est parfaitement légitime, qu'en privé Ségolène Royal ait répondu à un canular téléphonique que les Français ne seraient pas mécontents de voir la Corse indépendante, qu'Alain Duhamel exprime une préférence envers François Bayrou ou que Patrick Devedjan ait traité Anne-Marie Comparini de salope. Par pitié, chassons le puritanisme car il amène avec lui le ressentiment et une nouvelle forme de totalitarisme !

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