14 août 2007

La volonté politique face aux réalités économiques


Le chiffre de la croissance du second trimestre, 0.3%, bien inférieur aux prévisions de l'INSEE, tombe à point nommé pour tempérer l'euphorie des partisans du nouveau pouvoir en place, ceux-là mêmes qui étaient passé le 6 mai dernier du déclinisme le plus noir à l'optimisme le plus rose. Bien entendu, cette "contre-performance" ne saurait en aucun cas être imputée à la politique du nouveau Président de la République : il n'a gouverné qu'un mois durant le trimestre en question, et les réformes qu'il a entrepris n'ont pas encore eu le temps de porter leurs fruits. Ce qu'il faut avant tout retenir de cette information, c'est que la réalité économique est souvent bien loin des discours politiques, qu'elle résiste, qu'elle n'est pas sujette aux effets de manche et aux beaux discours. Plus fondamentalement, il semble que la politique économique nécessite plus de cohérence que de volonté.

On touche là au coeur de la doctrine politique de Nicolas Sarkozy : qu'il s'agisse de délinquance, de politique industrielle, de lutte contre le terrorisme ou de relations internationales, le nouveau credo de l'Elysée consiste à mettre en avant la volonté, ou plutôt le volontarisme, politique. Convenons-en, pour ce qui est du regain d'intérêt pour la politique de la part des Français et, dans une moindre mesure, des affaires étrangères, cette doctrine a été plutôt efficace voire miraculeuse. Aussi, d'aucuns se mettent à penser qu'il en sera de même pour les affaires économiques de la France. Mais si on comprend que la volonté puisse générer la confiance dès lors que des relations humaines sont à l'oeuvre (un candidat vis à vis de ses électeurs ou un chef d'Etat vis à vis de ses collègues), l'économie est un domaine trop abstrait et -malheureusement sans doute- trop désincarné pour être ainsi influencé positivement.

La confiance en économie est davantage le résultat de la visibilité à long terme et de la cohérence de la politique menée, elle ne s'encombre pas de considérations morales (là encore on peut le déplorer) dont son pourtant pleins les discours des responsables publiques. Cette indifférence s'exerce à la fois à l'encontre des principes propres à la gauche comme à ceux propres à la droite : qu'il s'agisse de laréduction des inégalités ou de la réhabilitation de la valeur travail. Nos responsables politiques nourrissent à cet égard une conception "religieuse" de l'économie, étant entendu que si les principes qui sous-tendent leur politique sont justes alors celle-ci sera efficace : rien de plus faux en l'occurence. Réhabiliter la valeur travail -leitmotiv de la campagne de Nicolas Sarkozy- est ainsi beaucoup plus un objectif social pour répondre à une crise morale de la société française qu'un levier sur la croissance économique.

Si l'action politique du Président et de son gouvernement ne manque pas de volonté, elle souffre à coup sûr d'une faible cohérence en matière économique. S'agit-il d'une politique de l'offre (réforme des universités à peine entamée, réforme de la fiscalité qui touche les entreprises, approche plus réfléchie et nuancée en ce qui concerne les délocalisations, développement des pôles de compétivité,...) ou d'une politique de la demande (baisse des impôts pour relancer la consommation...) ? Quoi qu'il en soit, relancer la demande en faisant des cadeaux fiscaux aux revenus les plus aisés (bouclier fiscal, suppression des droits de succession) ne permet qu'ajouter l'injustice à l'inefficacité.

A trop tirer à hue et à dia sur l'économie française, le gouvernement risque, en fin de compte, de la fragiliser. Une politique économique cohérente est possible, elle doit viser à développer l'offre puisque la consommation ne se porte pas trop mal dans notre pays : en tous cas, ce n'est pas de ce "paquet fiscal" fort coûteux dont nous avions besoin.

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