25 mars 2007

Carnet de campagne (3) : François Bayrou


Finissons ce tour d'horizon des trois candidats qui peuvent prétendre entrer à l'Elysée en mai prochain par le centriste François Bayrou. Il s'agit incontestablement de la surprise de cette campagne électorale. De sa critique des médias à son idée d'union nationale en passant par sa mise en garde sur le problème de la dette, il a su se construire un socle électoral conséquent et donner le ton des débats.

Pourtant, je pense que ses trois faits d'armes majeurs sont autant de mauvaises raisons de voter pour lui. On voit bien depuis qu'il a dépassé 20% dans les sondages qu'il est devenu la coqueluche des médias. Tout le monde ne parle que de lui, plus il tape sur TF1, plus il a de temps de parole sur la chaîne, qui a trop peur d'être accusé de partialité durant cette campagne. Le procès que François Bayrou a instruit contre les grands groupes de presse contrôlés par des industriels qui feraient tout pour avantager le match Ségo/sarko était donc une manoeuvre tactique fort habile qui a permis au leader chrétien-démocrate de se transformer en contestataire anti-système.

Qu'en est-il de l'idée d'Union Nationale ? Pour François Bayrou, il s'agit de prendre les meilleurs de la gauche et les meilleurs de la droite pour les faire travailler ensemble, mais dire cela c'est oublier que ce qui distingue les hommes politiques ce sont leurs idées, pas leur valeur. Dire que Strauss-Kahn est meilleur que Fabius n'a aucun sens, ils ont juste des visions différentes de la société et de l'économie. On peut alors imaginer une majorité d'idée autour de l'UDF, mais elle semble fort difficile à construire tant la gauche et la droite s'opposent sur la plupart des questions économiques et sociales. Si une telle situation devait se produire, on basculerait très vite du consensus à l'immobilisme. Le leader centriste met en avant les bons résultats allemands qu'il attribue à la grande coalition, c'est oublier un peu vite les blocages incessants qui existent au sein de cette coalition et les réformes a minima qui sont entreprises. S'il y a un responsable politique qui a une part de responsabilité dans le rebond allemand, c'est bien Gerhard Schröder qui a pu mener des réformes profondes en s'appuyant sur une majorité solide et unie.

Il faut être gré à François Bayrou de mettre en avant le problème de la dette publique, car il s'agit bien là d'un fardeau pour les générations futures, de plus, le paiement des intérêts de la dette limite énormément les marges de manoeuvre budgétaires. Mais on voit mal, dans le programme du candidat centriste ce qui peut contribuer à faire diminuer cette dette. Il ne suffit pas de proposer un programme à zéro euro pour que les 1500 milliards de passif accumulés disparaissent du jour au lendemain. Personne ne peut aujourd'hui raisonnablement affirmer qu'on peut réduire la dette sans diminuer les frais de fonctionnement de l'Etat et donc le nombre de fonctionnaires. Une telle affirmation n'est ni idéologique ni dogmatique, elle est simplement mathématique. Dire que l'on va interdire les budgets en déficit de fonctionnement par un texte de force constitutionnelle est une belle déclaration d'intention, mais le problème reste entier : quelles dépenses faut-il diminuer ou quelles recettes faut-il augmenter ? De plus, même si cette règle budgétaire voyait le jour, l'Etat aurait le droit tous les ans à 2% de déficit (c'est environ la part des investissements), le rapport entre dette et PIB ne s'améliorerait alors que si la croissance était significativement supérieure à 2% ce qui est un beau pari sur l'avenir.

En ce qui concerne les allègements de charge, le Président de l'UDF souffle également le chaud et le froid puisqu'il donne d'une main (deux emplois sans charges) ce qu'il reprend de l'autre puisqu'il souhaite rééxaminer les allègements existants. Ces mesures font pourtant consensus parmi les économistes, puisqu'elles permettent de réduire significativement le chômage des peu-qualifiés. Ainsi, ces deux propositions ont un impact positif pour les petites entreprises, clairement négatif sur les grandes et ambigu (euphémisme pour ne pas dire négatif) sur l'emploi.

En matière de dialogue social, François Bayrou est certainement celui qui va le plus loin dans la responsabilisation des partenaires sociaux, ce qui doit être salué. En revanche, la politique de cogestion avec les syndicats qu'il a mené pendant 4 ans au ministère de l'Education Nationale n'est certainement pas la marque de l'audace réformatrice. S'il applique à la Présidence de la République ce qu'il a fait rue de Grenelle, la France risque de se scléroser et, telle une bicyclette qui n'avance plus, de tomber. Il faut en finir avec une vision angélique des réformes et du consensus : pour chaque changement il y a des gagnants et des perdants, le rôle des responsables politiques est d'arbitrer pour aboutir à ce qu'ils pensent être un optimum social. Céder aux corporatismes ne permettra certainement pas à notre pays de surmonter ses difficultés.

Sur les institutions, le Président de l'UDF propose d'introduire la proportionnelle aux législatives. Cela n'a rien de surprenant de la part d'un candidat du centre : avec le système majoritaire à deux tours, les centristes ne sont indispensables à la formation d'aucun gouvernement tandis qu'avec la proportionnelle, ils sont de tous les gouvernements. Après tout, ce mode de fonctionnement est-il plus démocratique ? La vocation de l'Assemblée Nationale n'est pas d'être une photographie de l'opinion (pour cela on a les panels de TF1) mais bien de voter la loi et de contrôler le gouvernement. La France a une fâcheuse tendance à l'instabilité institutionnelle, ce qui compte c'est surtout la pratique de ces institutions, il n'est donc pas nécessaire de changer de Constitution et de République tous les quatre matins.

Stratégiquement, François Bayrou fait la meilleure campagne. D'un côté il rassure en bon démocrate-chrétien et de l'autre il arrive à convaincre les Français qu'il est anti-système. Ce qui lui manque, ce sont des soutiens et des ralliements, les électeurs commencent à douter de sa capacité à gouverner et à appliquer sa politique. Pour gagner en crédibilité, il lui faudrait annoncer un "shadow cabinet", mais on comprend les réticences des gens de droite et de gauche qui seraient prêts à le rejoindre à sortir du bois : une telle prise de risque n'est pas coutumière des hommes politiques français.

Deux autres handicaps majeurs de François Bayrou sont sa faiblesse relative chez les couches populaires qui déterminent une grande part de l'élection et la difficulté qu'il a à parler de la nation. Il a beau hurler au nationalisme en faisant référence à ses deux principaux concurrents, la façon dont les candidats parlent de la France influe profondément le vote des électeurs. En revanche, François Bayrou a un très grand avantage par rapport à Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy : son origine sociale. Les Français aiment ces gens qui réussissent en partant de plus bas. Cette caractéristique lui confère également une force morale et une détermination incomparable. Comme le disait Richard Nixon : "Seul celui qui vient de la vallée la plus profonde peut comprendre ce qu’il y a de magnifique à se trouver sur la plus haute montagne".

Si François Bayrou a tous les atouts et les qualités personnelles pour diriger la France, son programme, lui, pêche trop souvent par imprécision et par incohérence. Il a bâti sa popularité sur des "coups médiatiques", ce qui était certainement sa seule chance d'exister dans cette campagne. Mais il se retrouve aujourd'hui dans un positionnement politique approximatif et il semble plus être le symptôme que le remède à la crise démocratique qui secoue notre pays.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il faut saluer la performance de l'artiste Bayrou: se présenter comme le candidat anti-système,critiquer les média et mieux, sortir comme idée (forcément géniale) "l'Union nationale". Il a bien "potassé" son Machiavel.
la "nouvelle" popularité de Bayrou est virtuelle en ce sens qu'elle est créée par les média parisiens qui commencent à se lasser du Sarko/Ségo. Il leur faut du piment,du sel et du poivre pour agrémenter cette campagne qui fait du rase-motte.Le problème est que les sondés mentent et souvent, leur position varie.
à ce positionnement tactique, objectons les faits:
- Bayrou n'est pas neuf en politique (j'ai 37 ans et je l'ai toujours connu comme homme politique!)tous comme ses compétiteurs principaux.
- il a toujours voté les propositions de loi de droite (sauf dans les derniers mois!)
- en tant que ministre de l'éducation nationale, a-t-il innové? "dégressé le mammouth"? obtenu de meilleurs résultats que ses prédécesseurs et successeurs? non. je précise que je suis enseignant.
- il parle de la dette. c'est bien, mais les autres candidats sont aussi au moins au courant que lui de la situation catastrophique de nos finances publiques.
- en revanche, en bon centriste, il se refuse à trancher dans le vif: dire où il va effectuer des coupes claires, quels secteurs privatiser. En analysant son programme, on s'aperçoit qu'il s'apprête à reprendre plus qu'il ne donne. il s'inscrit en cela dans la droite lignée de nos gouvernants passés et hommes politiques, -dont il faut le souligner-, aucun n'est de droite libérale!
je constate qu'il s'est inspiré de l'exemple canadien (interdiction constitutionnelle de présenter un budget en déficit) mais il n'est pas allé jusqu'au bout puisqu'il y apporte une restriction de taille: sauf période de décroissance.
j'ajoute qu'il n'y a aucune chance pour qu'un tel président obtienne une majorité parlementaire. le plus probable, selon moi,est que la majorité sortante soit battue,même si elle devait gagner la présidentielle!
bon , voilà ma vision du personnage centriste. j'espère que mon post sera publié (référence au précédent qui n'a pas eu l'heur de plaire au modérateur)