24 mars 2007

Carnet de campagne (2) : Ségolène Royal


La principale caractéristique de Ségolène Royal est qu'elle cultive l'ambiguité. Elle a été choisie par les militants car elle semblait la seule à pouvoir bouleverser le Parti Socialiste de l'intérieur et surtout parce qu'elle seule était en mesure d'éviter une nouvelle débâcle de la gauche en 2007. Partout, dans la presse européenne, sa victoire a été saluée comme le renouveau de la gauche française, qui ne sait plus exactement où elle est depuis 1983, oscillant tour à tour entre social-démocratie et radicalisme.

Seulement voilà, au fil de la campagne, Ségolène Royal s'est "mitterrandisée", elle a repris les vieilles recettes du PS, promettant à Villepinte 100 propositions somme toute très classiques et qui semblaient tout droit inspirées de l'ancien Président de la République socialiste. Après avoir remis en cause les 35 heures, voilà qu'elle propose de les étendre aux PME. Après avoir combattu l'assistanat, voilà qu'elle reprend à son compte la proposition d'allocation pour tous les jeunes formulée par Martine Aubry.

Ambiguité également à propos des entreprises : côté cour elle affirme être la seule à pouvoir réconcilier les Français avec l'entreprise, ce en quoi elle n'a peut-être pas fondamentalement tort, et côté jardin elle refuse de discuter avec le MEDEF de peur d'écorner son image vis-à-vis des électeurs de gauche. La candidate PS propose également de réhabiliter le dialogue social mais en laissant l'Etat arbitrer en dernier recours. Il y a là une infantilisation des partenaires sociaux qui est malheureusement majoritaire chez les politiques français de tous bords, encore nourris de jacobinisme.

Au début de sa campagne, Ségolène Royal semblait être la seule à proposer une réponse appropriée à la mondialisation : mettre l'accent sur l'éducation et la recherche pour rendre notre pays plus compétitif. Désormais, elle met principalement l'accent sur la protection que doivent mettre en place l'Europe et l'Etat. D'une dynamique offensive on passe à une posture défensive, si cette ligne était d'aventure suivie, c'est à une mort lente de l'Europe que nous aurions à faire.

La candidate socialiste a choisi de mettre en avant le problème de la dette lors de son discours-programme de Villepinte, mais les déclarations d'intention n'ont pas été suivies d'actes. Quelles mesures propose t-elle pour réduire l'endettement de la France ? Que des nouvelles dépenses et des nouveaux services publics. Contrairement à ce qu'elle a dit récemment, toutes ces questions, auxquelles il faudrait ajouter celle des retraites, ne relèvent pas d'un secrétariat d'Etat au budget, c'est bien le futur Président de la République qui devra prendre ces problèmes à bras le corps.

Passons à une étude plus stratégique et tactique de la campagne de Ségolène Royal. Elle bénéficie d'un avantage incomparable qui est le soutien dont elle bénéficie chez les électeurs des couches populaires. Elle tente de faire la synthèse entre l'électorat historique du PS et son électorat actuel beaucoup plus aisé et citadin. Aujourd'hui encore il semble à peu près certain que si quelqu'un à gauche peut battre Nicolas Sarkozy, ce ne peut être que la présidente de Poitou-Charentes. S'ajoute à cette aura populaire un discours sur la nation, qu'elle a encore étoffé ces jours derniers, et qui est indispensable pour que la gauche soit majoritaire au second tour, ce qu'avait parfaitement compris François Mitterrand.

Côté handicap, Ségolène Royal est principalement victime du procès en incompétence qui a été instruit contre elle par l'UMP aux mois de janvier et février. Il faut dire que la candidate PS a largement facilité la tâche de ses détracteurs en faisant preuve d'un amateurisme et d'une légéreté parfaitement incompatibles avec la fonction suprême. Face au professionnalisme de Nicolas Sarkozy, dont on sent qu'il révise et se prépare depuis des années pour cette compétition, Ségolène Royal semble au moins un ton en dessous. Son refus de répondre aux questions techniques la situe à un niveau de généralité où aucun débat n'est possible.

La candidate socialiste voit donc plusieurs de ses électeurs lui préférer François Bayrou, mais son socle reste suffisamment solide pour être présente au second tour. Il lui faudra toutefois faire attention, avec l'égalité des temps de parole, à la montée des "petits candidats" qui sont beaucoup plus nombreux à gauche qu'à droite. En particulier, la présence de José Bové n'est pas une bonne nouvelle pour le PS. Mais n'en doutons pas : les électeurs de gauche ne veulent surtout pas d'un second 21 avril, le vote utile va donc jouer à plein.

La campagne de Ségolène Royal a de quoi laisser les électeurs sur leur faim. Alors qu'elle aurait pu être la figure de la modernisation de la gauche, de la réconciliation des Français avec les entrerprises et l'économie de marché et qu'elle aurait pu mettre la France en ordre pour affronter la mondialisation, elle a préféré les discours d'hier et les imprécisions. Plus qu'une vision pour la France, Ségolène Royal semble surtout apporter une ambition personnelle. Ce n'est pas de cela dont notre pays a besoin.

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