29 novembre 2006

Un rêve : la fusion de la France et de l'Allemagne


Bien qu'étant néfaste quand elle est surexploitée dans le débat politique, l'utopie est un moteur nécessaire pour avoir une vision de long terme. Les rêves sont mieux à même de guider les hommes que les réalités froides. Je vais essayer d'exprimer ici un des rêves politiques que je caresse depuis plusieurs années et que j'essaye de formaliser : la fusion des Etats Français et Allemand. L'objet de cet article n'est pas de présenter un projet détaillé mais de jeter les bases d'une réflexion qu'il conviendra d'approfondir.

Commençons par un constat à la fois simple et indiscutable : la France et l'Allemagne sont les deux principales puissances d'Europe continentale, elles sont désormais liées par une grande amitié, elles possèdent des cultures assez proches et partagent les mêmes valeurs. Ainsi, il va pour moi sans dire que si la France doit un jour fusionner avec un autre pays, ce ne peut être qu'avec l'Allemagne, et réciproquement.

Mais à quoi bon vouloir fusionner ? Pourquoi ne pas en rester aux nations telles qu'elles existent aujourd'hui ou, au contraire, envisager un Etat supra-national paneuropéen ? A la première question, je répondrai que dans la mondialisation, la taille des entités politiques revêt un caractère essentiel. En effet, avec l'interdépendance des nations, tout devient très vite un rapport de force entre deux puissances. Ce qui fait la force d'un Etat, c'est sa population, son PIB, son territoire et son niveau technologique, une fusion entre la France et l'Allemagne augmenterait naturellement tous ces indicateurs. Pour exemple, le nouvel ensemble ainsi constitué serait la deuxième puissance économique (entre les Etats-Unis et le Japon), le septième pays le plus peuplé (contre 14 et 20 aujourd'hui),... De plus, les complémentarités des deux pays sont assez fortes : l'Allemagne a beaucoup de PME qui exportent tandis que la France a des champions nationaux dans la quasi-totalité des secteurs (sauf les nouvelles technologies), l'Allemagne exporte beaucoup dans le monde alors que la France le fait surtout à l'intérieur de l'Europe.

Pour répondre à la question d'un Etat supra-national européen, je m'interesserai à la question de la souveraineté : je pense que la France et l'Allemagne peuvent accepter une fusion "entre égaux", où chacun ne perdrait que la moitié de sa souveraineté, en revanche, il me paraît inenvisageable de noyer la souveraineté nationale dans un ensemble trop grand, le saut à franchir est beaucoup trop important. Peut-être que si ce processus de fusion franco-allemande aboutissait, il pourrait être le point de départ d'une nouvelle intégration européenne, beaucoup plus forte, mais je pense qui faut d'abord procéder par cercles concentriques, ne pas faire avancer tout le monde au même rythme. Ainsi, je pense qu'il vaut mieux être la plus grande puissance régionale d'Europe plutôt qu'une partie minoritaire d'une Europe unifiée, en tous cas pour l'instant.

Quel pourrait être le processus de rapprochement des deux pays ? Il a déjà été commencé avec le traité d'amitié franco-allemand, la brigade franco-allemande et certains Conseils de ministres communs. De toute façon, le processus ne peut être que graduel. Ce qui doit changer en premier lieu, c'est le fait d'afficher officiellement le projet de rapprochement entre les deux pays. Puis viendra le temps d'une défense et d'une diplomatie commune (avec des amabassades communes), on pourrait également encourager les jeunes des deux pays à faire leur service civil (qui existe déjà en Allemagne et qui va sans aucun doute être instauré en France) dans l'autre pays. Il faudra également imposer l'apprentissage de l'Allemand en France et du Français en Allemagne. Puis viendra le temps de la convergence des régimes sociaux, de la politique économique et des institutions avec des collectivités locales identiques (sous le format des Länder allemands). Enfin, on pourra créer un embryon d'Etat supra-national avec un gouvernement resserré (il faudra garder deux gouvernements nationaux) et une chambre parlementaire qui serait issue d'une fusion entre le Sénat et le Bundesrät, chargée des orientations stratégiques et de long terme.

L'idée est bien de construire un Etat en conservant deux nations. Les peuples et les cultures ne se fusionnent pas, il est ainsi hors de question, de mon point de vue, d'envisager une langue commune entre la France et l'Allemagne. Si ce projet utopique (pour l'instant) aboutissait, il faudrait prendre garde à ne pas heurter nos partenaires européens en leur donnant des gages de notre bonne volonté au sein de l'Union Européenne. Un projet ne doit pas chasser l'autre.

9 commentaires:

Lodi a dit…

Salut Vincent,
Je vois avec intérêt que l'utopie te stimule. J'ai évidemment une certaine défiance vis à vis de ta fusion. Dans un monde qui prône depuis l'avènement du 20ème siécle et l'affaissement de tous les empires (coloniaux ou pas) un régionalisme et une reconnaissance de l'autonomie des peuples (Irak, Turquie, Russie, Géorgie,Afghanistan mais aussi corses, écossais, basques...), ce projet me parait délirant même dans quelques décennies. Comment expliquerais-tu un revirement de cette tendance centenaire?
Ensuite, tu ne réponds pas à la question du pourquoi l'Allemagne? Pourquoi pas l'Italie qui serait plus proche culturellement de nous (je parle en tant que provincial du sud évidemment)?

Vive la République ! a dit…

Cher Lodi,

C'est bien parce que je partage avec toi l'idée que les nations restent une donnée fondamentale que je souhaite un Etat mais DEUX nations. Il s'agit de créer un ensemble fédéral en privilégiant la convergence des politiques par rapport à l'aspect purement supranational.

Je crois avoir répondu à la question pourquoi l'Allemagne dans mon article. On pourrait dire pourquoi pas l'Espagne ou l'Italie. Il faut tout de même savoir que l'Espagne fait environ 50% du PIB Français (et encore moins par rapport aux Allemands) et l'Italie environ 75%. Ce sont de grandes puissances mais pas à la mesure de la France et de l'Allemagne. Je conteste l'idée selon laquelle nous serions plus proche culturellement de l'Italie, des sondages sont réalisés périodiquement en France et c'est le peuple Allemand qui arrive en tête des peuples dont nous nous sentons le plus proche (et assez largement). En plus, en matière de transport, les axes de communications entre la France et l'Allemagne sont plus importants qu'avec l'Italie. Enfin, last but not least, la France et l'Allemagne sont les deux seuls Etats européens qui mettent en avant leur industrie.

A terme, et même à très long terme, je ne suis pas contre un élargissement de l'Union Franco-Allemande à d'autres pays très proches. Dans mon esprit, viendrait tout d'abord le Bénélux puis l'Italie. Mais là c'est une toute autre histoire...

Anonyme a dit…

Reconstruire le "Saint Empire Romain Germanique"?
- quelle capitale? {Paris, Berlin, Strasbourg, Kiel, Aachen...}
- un seul ou deux budgets?
-"imposer l'apprentisage de l'allemand en France et du français en Allemagne"? Mais la première langue étrangère apprise en Allemagne est l'anglais, et de loin.il en est de même en France. Et puis, pourquoi faire apprendre l'allemand aux français alors que l'espagnol, l'anglais et même le portugais(si!si!) sont beaucoup plus parlés que l'allemand dans le monde?
pour envisager une fusion voire un rapprochement , il faut que ce soit entre égaux. Or, de mon point de vue, et malheureusement, la mariée( française) semble bien décatie{réformes ajournées, baisse "mécanique" du chômage dû à la démographie,croissance faible, déficit budgétaire "Kolossal" et permanent, régimes spéciaux à l'avenir incertain,...etc. }
je sais que cela ne plaira pas , mais votre position ressemble fort à la célèbre devise des anglo-saxons :"if you can't beat them, join them!"
La France, par sa poisition , sa taille(ni trop grande, ni trop petite), la qualité de ses ingénieurs, doit se réformer,assainir ses comptes changer sa manière de penser, s'adapter au monde (tel qu'il est) et partir à la reconquête(économique) du monde. Je crois que c'est possible mais que ça prendra du temps. Mais le pays le veut-il?
anonyme972

Vive la République ! a dit…

Je ne pense pas que le nouvel ensemble ait besoin d'UNE capitale. On pourrait très bien envisager de mettre le gouvernement à Paris et l'Assemblée à Berlin. Si toutefois ce besoin d'unité devaitse faire sentir, Strasbourg ou Aix-la-Chapelle serait évidemment bien placées, de part leur positionnement géorgraphique.

En ce qui concerne les langues, je pense que la majorité des franco-allemands devront parler Français, Allemand ... et Anglais. Vous dîtes que les deux premières ne sont pas les plus parlées et j'avoue ne pas trop voir le rapport. Faut-il renoncer à nos langues (et ainsi à nos cultures) parce qu'elles seraient minoritaires dans le monde ou au contraire les fortifier en augmentant le nombre de personnes qui les pratique. Le Français et l'Allemand sont deux langues magnifiques qui ont joué un rôle très important dans l'histoire de la littérature et des idées, elles ne doivent pas tomber en désuétude à cause d'une vision doctrinale de la mondialisation. A c esujet, je m'inquiète que la plupart des nouveaux mots (pour la plupart techniques) soient identiques dans toutes les langues, le monde ne gagne rien à une convergence de toutes les cultures.

En ce qui concerne la fusion entre égaux je crois que vous vous méprenez. La manière dont les Français dépeigne la situation de leur pays par rapport à ses voisins doit être la même outre-Rhin à ceci près que les rôles sont inversés. La France ET l'Allemagne connaissent des difficultés importantes, en particulier le chômage, actuellement, ils ont des taux de croissance comparables (2,3% cette année), on ne peut donc pas dire que la France a tout à gagner et l'Allemagne tout à perdre. La seule véritable asymétrie vient de la démographie, mais cela risque de se résorber dans les années à venir puisque la France va gagner des habitants et l'Allemagne va en perdre.

Bref, je pense sincèrement qu'ensemble nous serons plus forts.

Anonyme a dit…

Bonjour,

La Françallemagne !
Pourquoi pas ?

Autre proposition intéressante ici :
http://apres-le-non.forum-carolus.org/archive/2005/10/13/six-pays-pour-une-avant-garde.html

Anonyme a dit…

Voilà une très bonne idée que j'ai souvent entendu exprimer, mais généralement par des gens qui ont une capacité visionnaire illimitée, des imaginatifs, des idéalistes sans égards pour les débats minuscules du quotidien. Ce serait effectivement un puissant message, mais malheureusement il n'existe plus beaucoup d'hommes d'Etat capables d'avoir une vision d'avenir pour cinquante ans ou plus. Il faut, pour posséder de telles qualités, avoir en général beaucoup lu, beaucoup vécu, beaucoup réfléchi, avoir une connaissance profonde et intuitive de son propre pays, et savoir lui suggérer un destin.Ca ne semble pas être la préocupation des doctes ignorants de la politique actuelle qui prennent partout la parole pour des riens, sont candidats à tous les postes et n'ont pas d'idées à longue portée. La faiblesse de l'Europe qui fait se transporter l'attention sur la zone Pacifique et la possible opposition Chine - Usa provient sans doute du fait que l'Europe ne nourrit, ne suggère, n'ose pas le moindre Grand Rêve, y compris celui de rêver d'elle-même.
Je sympathise naturellement avec les idées telles que la vôtre, car le monde tel qu'il va me pousse à imaginer souvent de "grandes visions" , car, pour reprendre un peu une citation de de Gaulle , on ne fait rien sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l'avoir voulu. Et sans doute faudrait-il écrire sur le fronton du Panthéon:
AUX GRAND HOMMES LA PATRIE IMPATIENTE...(pardon d'être sorti un peu du sujet)

e. levergeois

nihilnove a dit…

Cher Vincent,

Sans évoquer la question de fond -- la France doit elle arrêter d'exister comme Etat souverain, est ce souhaitable ou même possible.

Il me semble que les raisons que tu avances de fusionner sont assez maigres. La France est le plus ancien Etat d'Europe, et il incarne une histoire et des valeurs uniques. Suggérer qu'il faudrait fondre cet Etat dans un ensemble supranational, arrêter cette expérience unique, parce que l'Allemagne a beaucoup de PME, c'est comme me dire qu'il faudrait que j'épouse Elodie Gossuin parce que je suis brun et qu'elle est blonde.

(Je n'évoque même pas le cauchemar administratif que serait un état fédéral dont les deux entités fédérées auraient elles mêmes des Länder, le tout à l'intérieur d'une UE de plus en plus fédérale... C'est les poupées russes, et la fortune des consultatns en droit public!)

De plus, cette idée que dans la mondialisation il faudrait être un "gros" pour avoir du poids m'a toujours choqué. Au contraire, à mon avis la mondialisation donne sa chance à chaque pays. D'un point de vue économique, les pays qui tirent le plus de la mondialisation sont aussi les petits pays: la Suisse, l'Estonie, l'Irlande... Et du point de vue politique, ceux qui ont le plus grand poids à part les Etats-Unis sont l'Iran et la Corée du Nord, pas exactement des pays aux proportions continentales.

Simplement il faudrait que la France arrête de s'empêtrer dans ses querelles internes, modernise son économie, se dote d'une force armée crédible, et d'une politique étrangère qui repose un peu moins sur l'idée qu'affirmer quelque chose c'est le rendre vrai et un peu plus sur les réalités (et réalisme ne veut pas forcément dire Realpolitik). Pas qu'elle fusionne avec un autre pays.

Vive la République ! a dit…

Je suis bien d'accord avec toi que certaines raisons que j'invoque pour la fusion de la France et de l'Allemagne ne sont pas au niveau des enjeux. La raison de fond c'est que je crois que nos deux pays sont désormais suffisamment proches, que leurs intérêts sont suffisamment mêlés pour qu'ils ne fassent plus qu'un. Au-delà du traité d'amitié de l'Elysée, cette alliance serait pour moi le point d'orgue de la réconciliation européenne et en même temps un grand projet d'avenir.

Tu dis que les petits pays peuvent gagner dans la mondialisation et je suis d'accord avec toi mais quel poids ont-ils sur la scène internationale ? Qui écoute la Suisse ou Singapour ? En fusionnant, la France-Allemagne deviendrait un acteur incontournable de la scène mondiale, une puissance régionale sans nulle autre pareille. Ce pourrait également être le point de départ d'une nouvelle intégration européenne, il ne s'agit pas de se fermer au reste de l'Europe mais de faire émerger un nouveau coeur d'où tout pourrait repartir.

Je suis d'accord qu'un tel projet est utopique mais pas plus que ne l'était le projet européen au sortir de la guerre 39-45, de plus de telles initiatives ont déjà existé dans le passé : Talleyrand souhaitait une alliance très forte avec l'Angleterre, Churchill souhaitait une fusion franco-anglaise en 1940, et on vient d'apprendre que Guy Mollet avait proposé la même chose lors de la crise du canal de Suez. Les espoirs sont donc permis...

Anonyme a dit…

Ce n'est bien sûr qu'une utopie mais je suis tout à fait d'accord sur le fait que le pays d'Europe dont la france est le plus proche (malgré des différences culturelles inévitables), c'est bien l'Allemagne, ce qui quelque part est un juste retour des choses, car la Francie occidentale et la Francie Orientale ont été un jour dans le même empire, celui de Charlemagne (dont la capitale était Aix la Chapelle). Il y a quelque chose de beau, de presque émouvant à la réconciliation entre les deux pays après la Seconde guerre mondiale. Cette coopération, née de la volonté politique de deux hommes, De Gaulle et Adenauer s'est déjà concrétisée sur de nombreux domaines : Office Franco Allemand de la Jeunesse, jumelage, et bien sur Arte. Le couple franco-allemand a été ainsi le moteur de l'Europe et cette francallemagne pourrait bien être une nouvelle locomotive ...