24 novembre 2006

Eviter un nouveau 21 avril


Alors que la pré-campagne électorale bat son plein, avec son lot de petites phrases, d'attaques et de démagogie, une information vient nous ramener à la dure réalité : un sondage CSA donne Jean-Marie Le Pen à 17% d'intentions de vote au premier tour. Jamais le leader du Front National n'a obtenu un score aussi important dans un sondage pour les présidentielles, alors que le microcosme s'agite pour savoir qui de Ségolène ou de Nicolas est le mieux placé pour l'emporter, un troisième personnage semble déterminé une fois de plus à jouer les trouble-fêtes.

Comment éviter à notre pays l'humiliation d'une nouvelle présence de l'extrême-droite au second tour de l'élection présidentielle ? Il y a selon moi quatre réponses à apporter à cette situation, deux sur le plan tactique et deux sur le fond.

Tout d'abord, il faut éviter toute tentative de diabolisation du Front National, en effet, le vote Le Pen est souvent un vote contre le système, la bien-pensance et tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à l'élite. Plus on trouvera de leaders politiques et d'intellectuels qui, la main sur le coeur, en appelleront à la République en danger, plus les électeurs du Front National se retrancheront dans leur vote de transgression. Il faut, au contraire, amener l'extrême-droite sur des problématiques précises, l'obliger à préciser son programme et donc à fâcher certaines catégories de la population. En particulier, s'il est un sujet où les thèses du FN sont très largement minoritaires, c'est bien la politique étrangère. Ainsi, si la campagne présidentielle aborde les vraies problématiques auxquelles notre pays est confronté (enseignement supérieur, recherche, dette, retraites, relations internationales...) alors la tentation extrémiste sera moins grande.

Une des principales leçons de 2002 et du référendum de 2005 est qu'une campagne longue défavorise le ou les favoris. Au fil des mois, à mesure que s'opère sur eux une focalisation médiatique, ils subissent des attaques de toutes parts, se voient obligés (plus que les autres) de préciser leurs propositions et donc de se couper de certains électeurs. Une des principales garanties contre la présence de Le Pen au second tour est donc de faire une campagne relativement courte (deux mois environ), très percutante. En ce sens, Dominique de Villepin, Jacques Chirac et ... Jean-Marie Le Pen ont raison : l'assentiment des Français se gagne dans le dernier mois de la campagne, les sondages trop loins de l'échéance ne sont qu'une mesure d'une opinion incertaine et pas encore cristallisée.

Sur le fond, comme je l'évoquais dans mon article "De la théorie des jeux en politique", la critique systématique, par les partis de gouvernement de la politique qui a été conduite par la droite et la gauche depuis plusieurs années est, selon moi, l'élément principal qui fait monter l'extrême-droite dans l'opinion. Le FN n'a plus besoin d'attaquer la classe politique en place puisque cette dernière se livre à une affligeante auto-flagellation. On tait consciencieusement les réussites et les atouts de la France pour n'en retenir que les difficultés, on décrit un pays au bord du précipite, qui perd pied dans tous les domaines. Comment s'étonner ensuite que les Français n'aient pas envie de se retourner vers celui qui leur dit que tout va mal depuis maintenant 30 ans ?

Enfin, il faut répondre aux inquiétudes des Français tentés par le vote extrême sans pour autant rouler sur les terres du FN. La stratégie de "droitisation" suivie par le président de l'UMP a eu pour principale conséquence de décomplexer l'électorat du FN et pas de récupérer des électeurs vers les partis de gouvernement. Ainsi, les Français attendent des réponses précises sur la mondialisation, l'insécurité et l'immigration. Tout discours bien-pensant déconnecté de la réalité doit être aujourd'hui combattu, l'heure n'est plus au politiquement correct mais à l'écoute des inquiétudes des Français. L'Europe doit également se remettre en question, partout les partis extrémistes progressent comme nous l'ont rappelé les élections aux Pays-Bas. L'absence de démocratie au sein de l'UE, avec des lobbies et des think tank qui pèsent plus sur la Commission que le peuple européen, nourrit le scepticisme. Bref, c'est à une remise en cause des attitudes de chacun : majorité, opposition, UE, médias... qu'il faut en appeler pour maîtriser cette vague extrémiste.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

"Comment éviter à notre pays l'humiliation d'une nouvelle présence de l'extrême-droite au second tour de l'élection présidentielle?"
A mon tour je pose la question : comment notre pays aurait-il honte d'une décision du peuple souverain, démocratiquement prise ? que vous, moi ou tel autre soit honteux, passe encore, mais le pays ? Il serait humilié devant qui ? Les autres pays d'Europe ... du monde ? qui sont parfaitement indifférents à la chose ou susceptibles de la même.
La honte si honte il y a , n'en reviendrait pas au pays mais bien à ses dirigeants et à des médias qui ont failli à leur mission. Mais de grâce n' incriminons pas "le pays" qui comme l'arbitre a toujours raison.
Pour le reste

Vive la République ! a dit…

Je ne vois pas au nom de quoi le "pays" comme vous dîtes aurait toujours raison. Une fois de plus vous confondez l'opinion et la vérité. Avoir raison, ce n'est pas une question de nombre. Chacun est légitime pour critiquer une décision démocratique sinon, cela s'appelle la dictature de la majorité.

Je maintiens mon propos, la présence de Le Pen au 2ème tour pour la deuxième fois serait dramatique pour l'image de notre pays dans le monde (puisqu'il ne s'agirait plus alors d'un simple accident) et serait en telle contradiction avec les valeurs incarnées par notre pays que cela pourrait légitiment faire honte à tous les amoureux de la France, dont je suis.

Anonyme a dit…

L'arbitre a toujours raison même s'il se trompe ; je pense que le peuple a lui aussi toujours raison en sa qualité d'arbitre suprême. Il n'est pas question de confondre opinion et vérité ;j'en connais la différence et vous avez dit vous-même qu'en politique il n'y avait pas de vérité mais seulement des convictions et des opinions.

Anonyme a dit…

je voudrais réagir au titre de l'article "éviter un 21 avril".
l'article semble préconiser des ajustements techniques pour éviter la présence du candidat du FN(raccourcissement de la campagne).Un projet de loi est à l'étude (entendu ce jour au journal TV) pour limiter la durée de collecte des parrainages d'élus. si cela se confimait, cela reviendrait à priver certains citoyens du droit à la parole: "comme vous ne votez pas bien, vous êtes punis! na!"
En fait, la présence du FN tient à plusieurs facteurs:
- une alternance stérile et prévisible au pourvoir des bloc UMP et PS.
- un recul systématique des gouvernants devant l'ampleur des réformes à faire.
- un appauvrissement de la classe moyenne, absolument "matraquée" par les impôts.(rappel: plus d'un français sur deux ne paie pas d'impôts, il faut bien que les autres les paient, ces impôts, vu que les riches peuvent s'installer ailleurs)
- Une longévité(politique) inégalée dans le monde occidental, des dirigeants français, vantée et favorisée par les média ("tel ou tel est un bel animal politique")
- nos élus nationaux ont presque toujours le même profil: ce sont des fonctionaires (ENA, pour la plupart)
les solutions?
- un septennat non renouvelable ou deux quinquennats non renouvelable.
- le système de "dépouillement" comme aux USA: le pdt arrive avec son équipe de fonctionnaires et dès qu'il est battu ou doit quitter ses fonctions, ceux-ci doivent aller "chercher du travail" ailleurs.
- de même, il serait bon pour la "respiration démocratique" qu'un leader politique,- instigateur d'un référendum, ou menant une campagne politique-, s'il perd, démissionne.
volà, j'espère que je serai publié.
p.s: je ne vote pas pour les extrêmes!

Vive la République ! a dit…

Comme je l'ai écrit, je propose à la fois des ajustements de forme (ce que vous appelez des ajustements techniques) mais aussi des réponses sur le fond.
Dans toutes les démocraties occidentales, la campagne dure 1 mois, en France la campagne officielle dure 2 mois, cela me semble suffisant, il ne s'agit pas de priver les citoyens de parole mais d'éviter que la campagne ne "dégénère" par essoufflement des candidats principaux.

On ne peut pas dire que les Français en ont marre de la politique parce que les gouvernements ne font pas assez de réformes alors que dès que l'une d'entre elles est proposée (par exemple les retraites) l'opinion désapprouve fermement le gouvernement en place. On ne peut pas toujours faire porter la faute sur la classe politique, les electeurs doivent aussi faire preuve de courage, par exemple, aux Pays-Bas, ils ont reocnduit (même s'il a perdu des voix) le Premier Ministre sortant M. Balkenende alors que ce dernier a fait une série de réformes strucutrelles très impopulaires. J'espère que les Français sont capables d'en faire autant, mais j'en doute.

Appauvrissement de la classe moyenne : il y a des difficultés, nul ne le remet en cause, mais le pouvoir d'achat a augmenté en France de manière significative (ce qui n'est pas le cas de nos voisins) et puis, il faut bien que l'Etat trouve de l'argent pour financer les politiques publiques et surtout la protection sociale : les retraites, l'assurance maladie, l'éducation, la recherche, la défense... tout cela a un coût !

Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les deux quinquennants non renouvelables. En revanche, le fait que pas mal d'entre eux viennent de l'ENA ne me semble pas être le problème principal. Il y en a un peu marre de ce discours populiste "anti-élites". En plus, les énarques sont largement minoritaires à l'Assemblée (moins nombreux que les médecins, les vétérinaires ou les profs).

Enfin je suis opposé au système d'administration à l'"Américaine". En France, l'administration est neutre, ce qui fait qu'un gouvernement qui arrive peut tout de suite s'appuyer sur des gens qui connaissent très bien les dossiers. Cela correspond davantage à la conception de l'intérêt général dont doit être porteuse l'administration.

Anonyme a dit…

vlr,

je puis admettre que vous ne soyez pas d'accord avec certains de mes propos, c'est tout à fait normal. Mais traiter de populiste le fait de dire que les prétendants à la fonction suprême (à quelques exceptions près) et aux différents maroquains sont issus de l'ENA est inacceptable: c'est la réalité. Que je sache,la composition socio-culturelle des élèves ou anciens-élèves de l'ENA ne correspond pas à la compossition socio-culturelle du pays.c'est un fait. il ne s'agit pas d'un discours anti-élite, mais de dire que cette élite provient du même creuset.De même, à l'assemblée nationale, la proportion de fonctionnaires est largement supérieure à ce qu'elle est dans le pays. on ne peut le contester!
Concenant l'impôt, il est nécessaire. mais en Fance, il est devenu confiscatoire et ce sont les classes moyennes qui en font les frais. j'attends donc d'un politique qu'il me dise qu'on va baisser les impôts et qu'en contrepartie, on va soit, privatiser tel secteur, soit faire des économies.
j'attends aussi des politiques, qu'ils respectent le Budget voté à l'assemblée nationale, autrement dit, qu'ils ne se livrent plus à des astuces comptables (anticipations de recettes, reversement de soultes provenant d'organismes encore contrôlés par l'état, reversement vers les régions de certaines charges...etc.)
voilà pour la mise au point.
anonyme 972

Vive la République ! a dit…

A mon tour de vous répondre,

Que l'ENA ne soit pas représentative de la population est un fait, mais cela tient surtout à un échec de l'égalité des chances. L'ENA s'obtient par un concours très difficile, la plupart des énarques que j'ai pu rencontrer ont un sens aigu de l'intérêt national, beaucoup produisent des rapports d'une grande qualité pour répondre aux problèmes de notre pays mais qui sont souvent stockés au fond des placards. Là où nous pouvons nous rejoindre, c'est que les énarques n'ont pas forcément vocation à faire de la politique, ils sont certainement plus utiles dans la haute administration. Mais, là encore, personne ne peut les empêcher d'être candidats puis d'être élus !
Juste un point au passage : la vocation de l'Assemblée Nationale n'est pas d'être à l'image du peuple, on peut être partisan de quotas de femmes, de minorités visibles (comme on dit dans le politiquement correct), d'origine sociale... Cela me semble complètement anti-républicain. Pour information, la république Française est ainsi construite que les élus ne représentent même pas le peuple, ils représentent la nation (différence subtile je vous l'accorde).

L'Etat est confronté à une équation impossible : baisser les impôts, diminuer sa dette et améliorer son service rendu. Il ne faut pas se leurrer, si la diminution de la dette est LA priorité en matière de finances publiques (ce que je préconise) alors il n'y aura pas de baisse d'impôts dans les années à venir. On peut toujours faire des économies dans les ministères mais cela joue à la marge, les privatisations n'y changeront rien puisque même si l'Etat vendait tout (même le Louvre et la Tour Eiffel), il ne pourrait rembourser que la moitié de sa dette.

Enfin, d'accord avec vous pour éviter les astuces comptables, la principale qualité d'un budget doit être la crédibilité.

Anonyme a dit…

A propos des élections, j'ai trouvé une analyse assez pertinente qui compare point par point ce que l'on sait déjà des programmes de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal.
On peut y voir ce qui les rapproche et ce qui les différencie radicalement. C'est plutôt intéressant, ça se passe là :

http://ulfablabla.free.fr/

Anonyme a dit…

L'ENA à Strasbourg

Au sujet de l'ENA, bien que beaucoup le savent, lorsque l'ENA s'est installée, pardon a été délocalisée de force dans l'Est "sauvage", les premiers repas ont été pris au foyer du FEC, foyer restaurant commun à beaucoup d'étudiants.
Mais pour les futurs Enarques il a été retenu, au FEC, une salle particulière pour eux avec des repas spéciaux pour eux! On ne mélange pas les "torchons et les serviettes". Pourtant et c'est ce qui est le plus frappant c'est qu'il n'y a eu alors, aucune réaction, grève, manifestation des autres étudiants pour cet ostracisme; bizarre n'est ce pas?

Dans la même veine, alors qu'il y a pénurie à Strasbourg de logements étudiant pour tous, il se construit un ensemble de logements étudiants ENA, exclusivement, avec des chambres bien équipées (TV et Internet haut débit entre autres) et probablement bien plus spacieuses que les studios étudiant standard de 15m2 tout compris... Il faut bien que ces futurs énarques soient déjà bien habitués à être traités comme ils le seront plus tard et non comme la France d'en bas! Il faut bien cela pour l'ignorer plus sereinement ensuite.

Ceci est presque du passé, mais dans les coursives du Parlement Européen et/ou du Conseil de l'Europe, la France aurait proposé pour la "gestion" de l'Europe élargie de créer et constituer un corps de super Enarques pour l'Europe, fort de la réussite des Enarques en France je suppose !
Qu'en est-il de ces bruits? J'ose espérer que ce ne sont que de méchantes calomnies.
http://www.ifrap-2007.org/

Vive la République ! a dit…

Je trouve que ces critiques ne sont pas à la hauteur du débat. Les énarques ne sont pas des étudiants mais des fonctionnaires, ils sont donc logés comme tels. A niveau de responsabilités et d'études comparables, ils gagneront 5 à 10 fois moins que dans le privé, c'est donc q'un certain sens de l'intérêt général doit les guider (sauf ceux qui "pantouflent" dans le privé au bout de quelques années de service). Une fois de plus on fuit les vrais problèmes en pointant des scandales supposés. Je ne vois là que de la démagogie.