27 septembre 2006

Pour une révolution du Sénat


Depuis longtemps, je m'interroge sur les limites de la démocratie intégrale. Tocqueville avait compris très tôt que l'égalité des conditions pouvait être le début d'un processus favorisant l'individualisme et détruisant toutes les barrières morales et institutionnelles. Je pense pourtant que ces barrières sont essentielles à la démocratie pour éviter qu'elle ne sombre dans une démagogie, ainsi : "tout ne doit pas être démocratique dans une société démocratique", l'Ecole, la science ou encore la justice ne sont pas des questions d'opinion puisqu'elle s'intéresse, d'une manière ou d'une autre, à la recherche de la vérité. Dès lors il y a une asymétrie nécessaire entre le maître et l'élève, le scientifique et le néophyte ou encore le juge et le justiciable.

Il importe selon moi de consolider voire d'institutionnaliser ces asymétries. Il faut protéger la vérité contre l'opinion et donc les institutions contre la démocratie. C'est pourquoi je propose de modifier en profondeur le Sénat pour en faire le lieu de l'autorité morale, technique et intellectuelle. Aujourd'hui l'utilité législative du Sénat peine à s'affirmer, on peut très bien concevoir notre République avec une seule chambre : l'Assemblée Nationale. Il faudrait selon moi faire de la Haute Assemblée un rassemblement de personnalités dont les qualités morales et les talents sont indiscutables, qui auraient à se prononcer sur les grands sujets de société et les évolutions à long terme de notre République. Ce Sénat serait tout d'abord nommé par les autorités politiques en place puis il se renouvellerait par cooptation en choisissant lui-même ses nouveaux membres pour remplacer les anciens. Cette organe aurait l'indépendance et l'autorité nécessaire pour nommer les membres du Conseil Constitutionnel, du CSA et du CSM. Il pourrait voter des avis (non contraignants sur le plan juridique) sur les lois et autres évènements de la vie politique française. Il aurait également un rôle de prospective et publiant des rapports sur de grands sujets de fond.

Le but principal de cette proposition est de combattre l'horizontalité absolue qui tend à s'installer dans les sociétés démocratiques, en instituant un nouvel "ordre moral laïque". L'évolution actuelle de notre société principalement influencée par la consommation de masse et les divertissements médiatique doit nous interroger, il en va du processus même de civilisation.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour vincent,

C'est un plaisir d'inaugurer ma participation à ton blog auquel je n'ai pu avoir accès jusqu'alors compte tenu des règles encadrant l'usage d'internet au ministère ;-)

Je suis d'accord avec ce que tu dis au début de ton post. Oui, en effet, il doit y avoir une assymétrie dans certaines relations comme celle qui consiste à transmettre un savoir entre le maître et l'élève. L'idée même de démocratie n'a à mon avis aucun sens lorsqu'elle est appliquée à tous les champs de la vie sociale. Ce qui procède ici à mon avis d'une utopie est dangereux car il aboutit à un relativisme destructeur des repères qui nous sont nécessaires. Bien qu'étant de gauche, je reste surpris par le visionnaire qu'était Tocqueville. Nombre de ses intuitions se sont révélées justes.

Je suis beaucoup moins d'accord en ce qui concerne la réforme du Sénat. Je ne suis d'abord aucunement partisan de sa suppression en tant qu'assemblée législative. Je pense que le bicaméralisme est un principe qui doit rester au coeur de nos institutions et qui est la base de la démocratie.

Oui, en revanche, l'absence d'alternance (je ne reproche pas tant au Sénat d'être majoritairement à droite que de l'être depuis trop longtemps) est un véritable problème. L'équation de la réforme du Sénat n'est pas évidente, elle est à mon avis la suivante : il doit être conservé mais réformé tout en conservant un rôle différent de celui de l'Assemblée.

Ce rôle différent consiste à être le répresentant des collectivités territoriales et je pense qu'il est nécessaire. En revanche, une réforme ambitieuse des modes de scrutins qui permettrait l'alternance consisterait à davantage pondérer le poids des communes en fonction de la démographie et à renforcer nettement le poids des régions. Je reconnais ici mes penchants pour la régionalisation (non parce que les régions ont, dans leur grande majorité, basculé à gauche).

Par ailleurs, si je suis favorable au mandat unique qui est une réforme majeure dont ne mesure pas assez l'importance en terme de fonctionnement des institutions (Guy Carcassonne parle de "mère de toutes les réformes"), je pense que le Sénat devrait faire exception au mandat unique afin de pouvoir représenter les collectivités.

Par ailleurs, le Sénat a montré qu'il pouvait être utile et qu'il pouvait légiférer de façon pertinente (je pense par exemple à la proposition de loi de J.P. Sueur qui modifie le droit funéraire). Depuis la réforme du qinquennat, sous cette législature, le Sénat est clairement moins apparu à la solde du gouvernement que l'Assemblée. D'autre part, le Sénat a développé une véritable expertise sur des dossiers importants. Il faut enfin réviser profondément les clichés sur le Sénat qui serait la "maison de retraite des politiques" : la moyenne d'âge y a sensiblement baissé pendant que l'Assemblée prend des "coups de vieux".

Enfin, on dit souvent que le Sénat fait doublon avec l'Assemblée. N'est-ce pas, dans une certaine mesure, la réciproque qui est vraie ? Le Sénat a vocation à être une assemblée d'élus locaux ou tout du moins de représentants des collectivités, c'est un fait. Mais est-ce la vocation de l'Assemblée que de compter au final "577 élus locaux" (un peu moins si l'on rend justice aux quelques députés non-cumulards) et non 577 élus de la Nation ? De la nécessité du mandat unique. Je vais te surprendre mais au final, en caricaturant, je pense que l'Assemblée a au moins autant besoin de réformes que le Sénat.

Voilà une preuve, s'il en fallait une, d'une part, de ma volubilité et, d'autre part, de ma propension à jouer l'avocat du diable. Quelques réformes insitutionnelles ambitieuses et bien ciblées seraient à mon avis mieux inspirées (pour mettre de l'huile dans les (bons) rouages de la Vème) qu'un trait tiré sur notre noble haute assemblée ou qu'un grand soir institutionnel cher aux partisans d'une VIème.

Je crois qu'à cette allure, je vais créer un blog intitulé "Vivela5emerepublik" ;-)

Vive la République ! a dit…

Incroyable internaute qui a trouvé mon nom ! A mon tour de jouer les madames Irma mon cher Bastien.

L'objet de mon post n'était pas tant la suppression du Sénat que la création d'une "Assemblée de sages" non élue. Je t'accorde que j'y suis allé un peu fort sur la Haute Assemblée et qu'elle est certainement fort utile. Mon idée est de créer une institution garante d'une certaine "morale républicaine et laïque", mais cela pourrait prendre la forme d'un super-conseil-constitutionnel. C'est sur la création d'une telle institution non-démocratique que j'aimerai avoir ton sentiment.