12 septembre 2006

Contrat social et service civique


La crise récente en banlieue, en plus des problèmes de respect de l’ordre public, de lutte contre les trafics, d’emploi ou de logement qu’elle soulève, montre à quel point le lien entre la jeunesse et la nation est ténu. La République, qui a pour vocation de lier les individus entre eux, de leur transmettre des valeurs communes et les réunir dans une communauté de destin, se doit de réagir. En effet, contrairement à certaines démocraties, pour qui l’intégration se résume en « parler la langue, payer ses impôts et respecter la loi », le modèle républicain tente de faire à chacun une même place, mais lui demande en retour d’accepter des contraintes et de respecter des valeurs fondamentales comme la liberté, l’égalité ou la laïcité. Les principes de ce modèle sont justes et ne doivent en aucun cas être abandonnés, ils doivent au contraire s’incarner plus fortement dans la réalité, afin de passer des mots aux actes. Il faut donc redonner du sens à la citoyenneté, renforcer le Contrat Social passé entre les citoyens et l’Etat.

Toutefois, dans nos démocraties, ce contrat est au mieux tacitement accepté et au pire ignoré par nos concitoyens, à aucun moment de la vie civique nous ne prenons véritablement la décision d’accepter un quelconque contrat avec l’Etat de même que nous n’acceptons jamais officiellement la redistribution qu’il opère en vue de réduire les inégalités. Il convient alors de se demander si, en pratique, une telle situation pose problème, car la politique doit répondre à des problèmes concrets par des réponses concrètes, et non en rester à la théorie ou à l’idéologie : une politique est entièrement déterminée par l’ensemble des décisions « pratiques » auxquelles elle a conduit, je ne crois pas à une théorie ou à une idéologie qui sous-tendrait l’action politique, la volonté politique n’a elle-même de sens que si elle débouche sur des réponses opérationnelles. Je vais donc essayer de montrer tout d’abord en quoi le caractère tacite du lien entre l’Etat et les citoyens pose problème puis je développerais ce qui me semble être une solution possible : l’établissement d’un « nouveau Contrat Social ».

Le problème de l’appartenance à une nation pose celui de l’identité, quelle soit politique, religieuse, culturelle,… Dans le modèle républicain français, l’identité qui prime est la nationalité, nous sommes des citoyens français avant d’être membre d’un parti politique, habitant d’une région, européen, croyant ou non croyant,… C’est bien cet idéal républicain qui permet, en retour, l’égalité de tous les citoyens vis-à-vis de l’Etat, qui est en péril aujourd’hui. Je pense en effet que la citoyenneté recule face au communautarisme, au radicalisme religieux et à certains séparatismes ou même pire, au désespoir. Mais ceux qui participent de ce mouvement de repli sur soi ne sont pas les seuls en cause, ils ont souvent été préalablement victimes d’injustices, de discriminations qui les ont porté à croire que l’égalité républicaine était un leurre. Certains autres trouvent illégitime le concept de nation et le juge même sévèrement au regard des conflits qui ont émaillé une Europe en proie au nationalisme le plus extrême au siècle dernier, ils se sentent davantage « citoyens du monde » mais dénoncent également la mondialisation telle qu’elle s’opère aujourd’hui. Et comment ne pas évoquer la question de l’Europe ? La nation doit-elle se fondre dans l’union pour donner naissance à un peuple européen, uni par une communauté de destin ? Peut-être un jour tel sera le cas, mais je pense qu’à l’heure actuelle, le concept le plus pertinent d’identité reste la nationalité et qu’il faut essayer d’en convaincre nos concitoyens. En effet, je crois à l’ambition des peuples à jouer un rôle important dans le monde, ils doivent pour cela être relayés par une puissance politique suffisamment significative à l’échelle du monde et suffisamment « petite » afin que chaque citoyen n’ait pas l’impression d’être un grain de sable parmi des millions.

Un autre problème se pose : celui du désinvestissement de bon nombre d’individus de la vie publique, qui se traduit de manière éloquente par l’abstention massive lors des scrutins qu’ils soient nationaux, régionaux, locaux ou européens. Car si la démocratie est, loin s’en faut, le meilleur des régimes politiques, il doit nécessairement impliquer un engouement, disons au moins un intérêt, pour la vie publique. Une démocratie saine nécessite deux efforts réciproques : les responsables politiques doivent expliquer leurs actes et leurs projets aux citoyens tandis que ces citoyens doivent faire l’effort d’être réceptifs à ces propos. Aujourd’hui, ce double effort n’est pas totalement respecté, et l’opinion publique devient de plus en plus un clone de l’opinion médiatique, en d’autres termes, les membres du microcosme politico-médiatico-intellectuel, comme le dirait Raymond Barre, qui eux sont de plain pied dans l’actualité politique, passent du rôle de relais d’opinion à celui de précepteur d’opinion. Comme le pronostiquait Benjamin Constant, la liberté des anciens, qui consistait à participait à la vie de la nation a été remplacée par la liberté des modernes, tournée vers l’individu. De plus, la communication, sensée rapprocher la parole politique des citoyens n’a d’autres effets que d’appauvrir le message des responsables publics, la forme prend le pas sur le fond et c’est au travers d’un prisme étroit que beaucoup de nos concitoyens jugent l’action politique. Il faut donc donner à chaque citoyen, les bases nécessaires pour qu’il puisse s’intéresser et s’impliquer (via le vote ou l’engagement) dans la vie publique.

Voici donc pour ce qui est des maux consécutifs, selon moi, au délitement du lien unissant l’Etat et les citoyens, passons désormais à ce qui pourrait être une solution, c’est tout l’objet de ce paragraphe. Quelle est la situation actuelle ? Aujourd’hui les jeunes n’ont, comme tout contact avec la nation que la Journée d’Appel de Préparation à la Défense qui donne une idée très brève de ce qu’est l’armée française, au point que l’on peut se demander si elle apporte réellement quelque chose à l’armée et aux jeunes. On a sous-estimé le lien social que pouvait créer le service national au sein de la population, je pense profondément que les expériences partagées par tous renforcent la République. Bien entendu, je ne souhaite pas un retour au service militaire, ce que je préconise, c’est de remplacer la JAPD par un service civique pouvant prendre la forme d’un service civil, auprès de services sociaux, d’associations, de prisons, d’hôpitaux… ou d’un service militaire. Ce service serait obligatoire pour tous les jeunes entre leur 18ème et leur 25ème année et devrait au moins durer six mois. Les jeunes ayant déjà eu à faire avec la justice pour des faits graves pourraient se voir imposer un service militaire. Il faudrait tout mettre en œuvre pour qu’à l’occasion de ce service, les jeunes de milieux très divers se côtoient. Ainsi des ressources humaines très importantes seraient disponibles pour relancer l’action de certains organismes d’utilité publique, les jeunes découvriraient un nouvel univers, ils pourraient se sentir utiles pour les autres et l’éloignement causé par ce service civique pourrait symboliser la fin de l’adolescence et l’entrée dans le monde adulte, avec les responsabilités que cela suppose. A la fin de ce service, les jeunes signeraient un Contrat Social avec un représentant de l’Etat, contrat qui reprendrait les principes constitutionnels de la République, qui stipulerait l’existence d’un intérêt général supérieur aux intérêts particuliers ou catégoriels ainsi que la primauté de la nationalité sur toutes les autres formes d’identité. J’insiste bien sur le fait que la signature d’un tel contrat devrait être librement choisie, il n’est pas question d’obliger quiconque à l’approuver car cela le transformerait en une forme de serment d’allégeance envers l’Etat que je trouve incompatible avec les valeurs de la République.

Le civisme fait partie intégrante de la cohésion sociale, et les propositions ici évoquées ont pour unique objectif de renforcer le sens civique de nos compatriotes. Face au pessimisme généralisé qui règne, on ne sait trop pourquoi, dans notre pays depuis trop d’année, il faut savoir opposer, à mon sens, une politique volontaire qui réhabilite l’Etat sans pour autant sombrer dans un nationalisme dont on ne connaît que trop les excès.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

A lire votre premier paragraphe, on comprend bien que vous n'avez jamaislu rousseau. Ou pire que vous n'y avez rien compris. Bien à vous. yannos.