11 février 2009

Retour sur l'intervention de Nicolas Sarkozy


L'actualité va vite, très vite, surtout avec Nicolas Sarkozy. Une annonce succède à un plan, un déplacement à une intervention médiatique. L'objet de ce blog n'est pas de suivre cette actualité au jour le jour mais de prendre du recul pour analyser les faits. C'est pourquoi un retour sur la dernière prestation télévisée du chef de l'Etat s'impose. Après les manifestations du 29 janvier et avant la rencontre des partenaires sociaux le 18 février, cette prise de parole du chef de l'Etat était très attendue pour comprendre la politique poursuivie par la France face à la crise. Reprenons donc, point par point ce qu'a dit le chef de l'Etat.


"La crise du siècle"

Nicolas Sarkozy a commencé son intervention en expliquant que la crise économique actuelle est la plus importante depuis 1929 et qu'elle marquera donc le XXIème siècle. Sans sous-estimer l'importante dégradation de la conjoncture internationale, on est en droit de se demander s'il est du devoir du chef de l'Etat de dramatiser ainsi cette crise. L'économie, pour prospérer, a besoin de confiance, pas de défiance, et dire que tout va de mal en pis, c'est contribuer à cette spirale négative. En procédant de la sorte, Nicolas Sarkozy essaye de se dédouaner des conséquences sociales de cette crise. Effectivement, contrairement à ce que clame l'opposition, sa politique économique n'est pour rien (ou en tout cas pour pas grand chose) dans la mauvaise situation actuelle, mais ce faisant, le Président de la République pense plus à protéger sa popularité qu'à restaurer la confiance. Il joue donc sa carte personnelle avant l'intérêt général.


Le plan de sauvetage des banques

Nicolas Sarkozy a eu raison de dire que le plan de sauvetage des banques était indispensable. Là encore, tout responsable politique aurait été contraint d'adopter des mesures similaires s'il avait été aux responsabilités. Il était donc essentiel de dénoncer ce mythe de "miliards d'euros donnés aux banques en récompense de leur mauvaise gestion". Notons seulement que Nicolas Sarkozy est ici victime de son excès de communication de l'automne dernier : en parlant de milliards à tout bout de champ, il a voulu montrer que son volontarisme était capable de grandes choses. Le Président de la République a ensuite fait preuve de génie politique : pour démontrer que l'Etat ne faisait aucun cadeau aux banquiers, il a assuré que l'argent prêté rapporterait 1,4 milliards d'euros en 2009 et que cette somme servirait à financer des mesures sociales. D'une pierre, deux coups. Il convient toutefois de prendre certaines distances avec le propos présidentiel. D'une part, les détails du calcul de ces intérêts n'est pas très clair : a-t-on bien pris en compte ce que coûte l'argent emprunté par l'Etat pour le prêter aux banques (4% environ) ? Ensuite, il faut également considérer l'argent que l'Etat a emprunté pour monter au capital des établissements bancaires : dans ce cas on verra s'il y a plus-value au moment où l'Etat se désengagera. Enfin, il faut bien comprendre que si les banques préfèrent se financer à 8% auprès de l'Etat plutôt que d'aller sur le marché (à 10 ou 11%), c'est que le marché estime qu'il y a un risque de défaillance des banques, l'Etat supporte donc ce risque puisqu'il assume le différentiel entre le taux de marché et les 8% auxquels il prête. Le calcul de 1,4 milliards ne vaut que si aucune banque ne fait défaut, dans le cas contraire (peu probable), ce ne sera pas un gain mais une gigantesque perte pour l'Etat.


Le modèle social Français

Interrogé par David Pujadas (pour une fois pertinent) sur sa critique du modèle social Français au cours de la campagne électorale, le Président de la République a feint de n'avoir jamais parlé de cela et a relativisé la rupture promise. Il a ainsi profité de l'amnésie chronique qui frappe l'opinion et la classe journalistique. Pourtant Nicolas Sarkozy a bien clamé haut et fort, aidé en cela par tous les déclinologues qui l'ont soutenus (Nicolas Baverez) que le modèle social Français était nul et qu'il fallait vite regarder du côté des Etats-Unis ou de l'Angleterre. Au point que dans le programme du candidat de l'UMP, figurait un dispositif proche des "subprimes" pour faciliter l'accession à la propriété des classes moyennes. Aujourd'hui, ce discours est passé de mode, et Nicolas Sarkozy a donc choisi (avec raison) de retourner sa veste en déclarant que quand on regardait la situation des pays anglo-saxons "on avait pas envie de leur ressembler".


La relance par l'investissement

Nicolas Sarkozy a été convaicant dans sa justification de la relance par l'investissement. La priorité du gouvernement doit effectivement être l'emploi, il faut donc trouver des projets qui peuvent démarrer tout de suite sur tout le territoire. Cette relance présente également l'avantage de créer des actifs (même si la liste des 1000 projets du gouvernement laisse parfois pantois) qui pourront être mis en face de la dette contractée par l'Etat. Le Président a également eu raison de défendre la suppression d'un poste de fonctionnaire sur deux pour chaque départ à la retraite. Si l'Etat veut, aujourd'hui comme à l'avenir, investir massivement, il doit diminuer ses dépenses de fonctionnement qui lui font perdre en agilité.


Chômage partiel et chômage des jeunes

Le Président, décidément dans une bonne phase, a ensuite proposé des pistes intéressantes d'utilisation d'une partie des 1,4 milliards d'euros pour des dépenses sociales. Il s'agit en particulier d'augmenter ce qui est versé aux chômeurs partiels et d'aider les jeunes qui sont au chômage et qui sont non-éligible au système d'allocation chômage. La priorité de l'Etat doit être, en effet, de garder au maximum les personnes dans l'activité pour éviter les effets d'hysteriesis qui résulteraient d'un éloignement prolongé de l'emploi. De même doit-il soutenir la trésorerie des PME pour éviter que les faillites ne se multiplient. La crise et ses conséquences sont inévitables, il faut tout faire pour que les dégâts qu'elle engendre ne soient pas irréversibles.


Le soutien du pouvoir d'achat des classes moyennes

Après cette bonne passe, Nicolas Sarkozy s'est laissé entraîné à la facilité. On savait depuis une demie-heure qu'il n'était plus question de "rupture" mais on a été surpris de le retrouvé quasiment "chiraquisé", c'est-à-dire en égrénant une série de mesures dont il n'a pas le premier centime en poche. Suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu (décision à laquelle il souhaite associer les partenaires sociaux alors que c'est le Parlement, dans notre pays, qui décide de la fiscalité), hausse des allocations familiales... Après avoir brillament expliqué pourquoi il fallait relancer par l'investissement, le voici qui prétend relancer le pouvoir d'achat par l'endettement. J'ai déjà eu l'occasion de dire sur ce blog à quel point ce type de relance était immoral, sauf à augmenter les impôts après la crise. Qu'on le dise une fois pour toutes : le pouvoir d'achat ne se décrète pas, c'est une résultante de l'activité économique d'un Etat. Faire croire qu'on peut vivre mieux en s'endettant c'est mentir ! Nicolas Sarkozy prend ainsi le risque d'alourdir la dette de manière structurelle et pas simplement passagère.


Le partage des profits

On a eu ensuite droit à la ritournelle sur le partage des profits en trois tiers : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et un tiers pour l'investissement. Pour information, aujourd'hui les profits se répartissent de la manière suivante : un tiers pour les actionnaires, plus d'un tiers pour l'investissement et moins d'un tiers pour les salariés. Nicolas Sarkozy pense donc que les entreprises Françaises investissent trop. Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce débat n'a absolument aucun sens. Le profit est une notion comptable pas vraiment pertinente pour la question du partage des richesses, ce qui compte c'est le partage de la valeur ajoutée. En effet, une entreprise achète des biens intermédiaires et vend des produits finis, la différence entre les deux s'appelle la valeur ajoutée. Ce montant lui sert à rémunérer ses salariés, ses actionnaires (qui lui fournissent son capital) et l'Etat ! Mieux vaut une entreprise qui paye très bien ses salariés et ne les intéresse pas aux profits que l'inverse, surtout dans une période de crise où les profits sont bas. La vraie question c'est donc le partage de la valeur ajoutée, qui est d'ailleurs assez stable en France depuis le milieu des années 80 selon l'INSEE contrairement à ce que l'on entend dans la bouche de tous les politiques (la rémunération du travail a même plutôt progressé). De plus, vouloir instituer une règle rigide de partage des profits c'est méconnaître la diversité des situations des entreprises françaises. Va-t-on obliger une entreprise de services à investir 1/3 de ses profits alors qu'elle est très peu capitalistique ? Va t-on empêcher EDF d'investir plus d'1/3 de ses profits au moment où les constructions de centrales nucléaires se multiplient ? Tout cela n'a pas de sens.


La suppression de la taxe professionnelle

Seule annonce véritable de l'intervention présidentielle : la suppression de la taxe professionnelle. Reconnaissons là qu'il s'agit là d'un impôt qui pénalise l'investissement et dont tout le monde (ou presque) réclame la disparition. Mais là encore de deux choses l'une : ou bien la disparition de cette taxe n'est pas compensée et la dette publique s'aggravera de manière spectaculaire, ou bien, et c'est ce qu'a sous-entendu le chef de l'Etat, elle sera complètement compensée et dans ce cas on comprend mal quel impact cela pourrait avoir sur la compétitivité des entreprises et leur propension à délocaliser. On peut surtout se demander si cette réforme complexe était vraiment la priorité et si elle ne va pas se transformer en usine à gaz. En effet, la taxe professionnelle est une partie conséquente des ressources des collectivités locales, ce qui a du sens puisque l'assiette de cet impôt est local. Pour schématiser, le "deal" est le suivant : j'accepte que vous implantiez une centrale nucléaire dans ma commune car je vais toucher la taxe professionnelle. La taxe carbone, évoquée par le Président, cumule les désavantages : tout d'abord son assiette n'est pas locale ce qui rendrait nécessaire des péréquations entre territoires particulièrement complexes, ensuite l'assiette de cet impôt est destinée à se réduire au fil du temps et enfin elle frapperait principalement les industries les plus délocalisables (sidérurgie...) : beau résultat ! Si le but est vraiment de réduire les délocalisations à coût nul pour l'Etat, la seule solution est de faire payer moins l'industrie et davantage les services, nettement moins délocalisables (en taxant la valeur ajoutée des entreprises par exemple).


L'appel à l'unité européenne

Nicolas Sarkozy a raison quand il en appelle à l'unité européenne, notamment dans le cadre du prochain G20, ou quand il dénonce les méfaits du protectionnisme. Il a tort quand il stigmatise d'autres pays européens (Grande-Bretagne, Allemagne, République Tchèque) et quand il propose des solutions protectionnistes, notamment dans le secteur automobile. Lequel faut-il croire ? Par ailleurs, son analyse sur la nécessité d'une meilleure régulation au niveau mondial pour prendre acte du fait que le marché est devenu mondial est tout à fait pertinente. Sa détermination, avec Angela Merkel, à lutter contre les paradis fiscaux est louable, souhaitons qu'elle aboutisse à Londres.


La baisse de la TVA

Suivez bien les deux étapes du raisonnement Sarkozien "La Grande-Bretagne a baissé la TVA pour relancer la demande, ce qui ne marche pas c'est donc une mauvaise idée. Pourquoi ne pas baisser la TVA sur les produits propres, la restauration et le chocolat au lait ?". L'incohérence du propos se double ici d'erreurs factuelles assez graves. Tout d'abord, Nicolas Sarkozy explique que la Grande-Bretagne a décidé de relancer par la consommation car elle n'a plus d'industrie, contrairement à la France : c'est tout simplement faux, les deux pays ont exactement la même proportion de leur PIB qui vient de l'industrie (13% environ). Ensuite, si la consommation a effectivement baissé en valeur en Grande-Bretagne depuis la baisse de la TVA, c'est principalement en raison de la baisse des prix, les ventes en volumes ont au contraire progressé. Enfin, quand la droite Française arrêtera-t-elle avec sa rengaine de la baisse de la TVA sur la restauration ? Cette dépense est jugée par tous les économistes comme totalement improductive et surtout, l'Etat n'en a pas les moyens. Il ne reste donc plus qu'à prier pour que les Allemands continuent à nous empêcher de réaliser cette promesse démagogique.


Sanction du préfet de la Manche

La rhétorique sarkozyenne de la responsabilité m'a toujours été insupportable (cf. l'article "L'irresponsabilité Sarkozyste" dans ce blog), elle est également totalement incohérente. Rappelons quelques faits : un militaire tire à balles réelles sur la foule lors d'une journée portes ouvertes, Nicola Sarkozy exige la démission du chef d'Etat major de l'armée de Terre. Jérôme Kerviel contourne les règles de la Société Générale et lui fait perdre 5 milliards d'euros, Nicolas Sarkozy exige la démission de Daniel Bouton. Des manifestants particulièrement remontés accueillent le Président de la République à Saint-Lô, Nicolas Sarkozy exige la mutation du préfet de la Manche. La raison "Quand il y a un problème, je suis responsable, il en va de même pour tout le monde". Vient alors la question que tout journaliste normalement constitué aurait du lui poser : "Monsieur le Président, il y a des problèmes en France, du chômage, pas de pouvoir d'achat, alors prenez vos responsabilités et démissionnez !". Certes Nicolas Sarkozy n'est pas responsable de la crise actuelle, mais pas plus que les trois personnes contraintes à la démission mentionnées ci-dessus. C'est donc le deux poids, deux mesures.


Réforme de l'audiovisuel public

Passons enfin rapidement sur l'erreur de Nicolas Sarkozy à propos de la nomination du Président de France Télévisions. Les commissions culturelles du Parlement ne devront pas approuver cette nomination aux 3/5, elles pourront seulement s'y opposer si elles réunissent 3/5 des voix : ce qui est loin d'être la même chose. Pour reprendre les propres mots de Nicolas Sarkozy à ce sujet "c'est tellement plus simple de dire les choses de manière exacte".


Bilan

Au global, cela fait beaucoup d'incohérences et d'erreurs factuelles. J'ai donc été particulièrement déçu par la prestation de Nicolas Sarkozy qui a manqué une occasion de faire de la pédagogie et a préféré lancer des promesses en l'air même s'il n'a pas de quoi les financer. Etait-il possible de faire mieux ? Très certainement. Lui qui se réclame du Général de Gaulle, il devrait prendre exemple sur ses conférences de presse, notamment celle-ci (passionnante) : Cliquez ici. Sa connaissance des dossiers, sa compréhension de l'économie et son sens de la pédagogie ont de quoi faire pâlir notre Président.


Pour autant, il ne faut pas accabler Nicolas Sarkozy, je détournerai à son endroit cet adage populaire : "quand on le regarde, on se désole, quand on le compare aux autres, on se console".

5 commentaires:

WinsFlow a dit…

Hello Vincent,

Lecteur adepte de ce blog et, en général, tout à fait en phase avec la majorité des articles, j'ai été un peu surpris par celui-ci.

"C'est tellement plus simple de dire les choses de manière exacte" : je crois que cette phrase était en réalité la plus grosse bêtise proclamée par Sarkozy pendant son intervention. Il a prouvé le contraire, et tu le montres très justement! Parce qu'en réalité, dire les choses de manière exacte, ce n'est pas si facile que cela...

Certes, il y a des erreurs factuelles, et ton énumération à la Prévert a son mérite. Je pense que si on avait mis à la place de notre président ses fidèles Pérol, Soubie, Guéant, Guaino ou autres, on aurait eu les bons chiffres, les bons exemples, les mots parfaits. Hors Nicolas Sarkozy, dans cet exercice délicat auquel il s'est livré (répondre à 'toutes' les questions que se posent les francais face à la crise en une heure et demie) a effectivement fait des approximations, des dérapages, des malentendus.

Tu dis que la connaissance des dossiers du Général de Gaulle à de quoi le faire pâlir - et bien que crois qu'effectivement, il en pâlit! Et il me semble que ta conclusion va un peu dans ce sens-là, mais c'est bien peu d'indulgence pour cette intervention qui, au global, a sû faire passer les messages importants, faire comprendre aux francais la politique du gouvernement et rétablir quelques malentendus.

Rapidement, revenons sur quelques points sur lesquels les reproches me paraît exagérés:

- le plan de sauvetage des banques. Que disent la plupart des gens? "Sarko DONNE des milliards aux banques, et rien à nous." Pour rétablir la vérité, Sarkozy explique rapidement que c'est un prêt, que cela 'va rapporter'. Je suis d'accord avec toi, l'argent prêté coûte aussi à l'Etat, mais l'essentiel est de faire passer le message que le contribuable n'est pas en train de renflouer les banques allègrement, de payer les bonus des dirigeants avec les impôts.
Effectivement, le marché estime qu'il y a un risque de défaillance des banques; mais l'Etat est tout de même la structure la moins averse au risque et on comprend que le taux soit donc inférieur. Et puis avant tout, en sauvant les banques, l'Etat essaye de prévenir à une amplification supplémentaire de la crise, c'est pour cela que selon moi, le message à faire passer est : 'Certes, nous mobilisons de l'argent pour les banques, mais cela ne nous coûte pas des milliards'. Et je pense que c'est bien ce qu'auront retenu la plupart des spectateurs.

- sur la TVA: ok, on en avait parlé, le chocolat au lait n'a rien à voir la choucroute. Peut-être qu'il veut acheter des lapins de Pâques en chocolat à Carla... Mais pour la Grande-Bretagne: est-ce que les ventes en volumes sont vraiment un critère pour mesurer l'impact de la baisse de TVA? Les carnets de commande des entreprises se chiffrent en Euros, ou livres ou dollars, mais pas en pots de yaourts. Si on considère comme seul effet positif que les frigos des gens sont remplis davantage, alors c'est un simple cadeau fait aux consommateurs. Et je ne comprends plus rien au rôle de l'Etat.
Quant à la part d'industrie, cette 'erreur' a été relevée un peu partout sur le web ou dans les journaux faisant, comme toi, une analyse pointue. Cela dit, je crois qu'il faut faire la part des choses: c'est un fait, la part de l'industrie dans le PIB est la même en France qu'en UK, 13% comme tu le soulignes. Qui, en revanche, est à l'origine de cette production industrielle? Je m'explique. Prenons un exemple que je connais bien, l'automobile. En France, les boîtes francaises ont une part de marché de 55% environ. En Grande-Bretagne, le calcul est rapide, c'est 0 depuis que Jaguar et Land Rover ont été vendus à Tata motors. Pourtant, on produit 1,6 millions de voitures par an en UK, une bonne moitié de la France. Ce que je sous-entends, c'est que selon moi, Sarkozy a voulu dire: "Si Brown veut relancer l'industrie en UK, il subventionnera des usines Toyota et Fujitsu-Siemens." C'est un propos qui peut se discuter, certes, mais on peut ainsi justifier la comparaison de Sarkozy en rajoutant un mot: Les anglais ont peu d'industrie ANGLAISE. Les global players notamment sont très rares. Pour info : c'est Vinci qui fait les élargissements d'autoroute au Royaume-Uni en ce moment... On pourrait taxer un tel propos de preuve de patriotisme économique (et bien sûr, les employés de Toyota sont bien des anglais), sans doute, mais il en devient compréhensible. La réflexion partait d'ailleurs surtout de l'importance des services financiers en UK, qui est effectivement de 10% contre 3 en France, et c'est un fait: la City était la fierté des anglais, c'est aujourd'hui une place financière à repenser. Les banques francaises font des bénéfices, tandis que devant les banques anglaises, les épargnants font la queue... Je taquine, mais Sarko aurait pu nous la sortir, Gordon Brown aurait encore plus content!

Finalement, là où je veux en venir, c'est que ces analyses de détails montrent que quand on s'attarde sur chaque mot, on peut trouver des erreurs, des justifications, interpréter, et tout peut paraître soudain juste ou faux. Tout? Non, quelques boulettes monstrueuses résistent encore, et le passage sur le préfet de la Manche est ultra-nul, tout comme le passage sur l'audiovisuel public est ultra-faux.

En conclusion, je ressors mon intro: "Dire les choses de manière exacte, c'est tellement plus dur", la preuve c'est qu'à mon commentaire va suivre une réponse tout aussi longue j'imagine, ou un coup de fil de deux heures. Je me souviens que lorsque nous nous sommes parlés qques minutes après l'intervention, tu disais: globalement bon, le passage sur le préfet est nul. À deuxième vue, on peut contester dans un sens, à troisième vue dans l'autre - l'essentiel est, selon moi, passé. Pour les chiffres précis, il y a le service après-vente qui s'appelle Matignon...

Bises

Florien

Vive la République ! a dit…

Reprenons point par point les points souleves par WinsFlow.

Tout d'abord est-ce que mon article est severe avec Nicolas Sarkozy ? Oui. L'est-il trop ? Certainement. Il y a un parti pris "pamphletaire" que j'assume. Que nous soyons bien d'accord, cela n'est pas le resultat d'un politiquement correct qui fait de la detestation du President de la Republique un exercice oblige. Plusieurs fois dans ce blog j'ai ete plutot elogieux avec Nicolas Sarkozy, et la derniere phrase de mon article suggere que je ne regrette toujours pas mon choix de vote de 2007. S'il a bien une chose qui m'horripile c'est l'antisarkozysme compulsif.

Mon reproche principal a Nicolas Sarkozy est qu'il a manque une occasion de faire de la pedagogie sur les finances publiques. Apres son intervention, je suis persuade que beaucoup de Francais se sont dits "Et bien finalement, de l'argent il y en a, cela valait le coup de manifester". Or de l'argent a distribuer il n'y en a pas.

Revenons dans le detail : sur le plan de sauvetage des banques, je pense qu'il a ete globalement bon, je me suis juste permis de dire que le calcul de 1,4 milliard meritait surement d'etre regarde de pres. Je pense qu'il a reussi a faire entrer l'idee qu'aucun milliard n'etait distribue aux banques, ce qui etait essentiel. Dont acte.

Sur la TVA Anglaise, je continue a penser que les ventes en volumes sont pertinentes dans un contexte de forte baisse de TOUS les prix. Cette baisse vient du reflux des prix des matieres premieres et egalement un peu de la baisse de la TVA. Bref, si Brown n'avait pas baisser la TVA, les ventes en valeur aurait de toute facon beaucoup baisse et les ventes en volume auraient pu egalement diminuer. Bref, je ne pense pas qu'on puisse tirer de lecon des a present sur l'efficacite de la mesure et surtout, je pense assez deplace de critiquer un partenaire europeen, confronte lui aussi a des problemes interieurs, dans une emission tele. Sur le fond je pense que cette baisse de la TVA est une grave erreur car elle coute tres cher pour un effet ambigu.

Sur la part de l'industrie en GB et en France, je pense que ton analyse est assez juste et j'avoue que c'est la premiere fois que je considere les choses sous cet angle. Les Anglais ont toujours pense que la nationalite du capital n'avait pas d'importance, que ce qui comptait c'etait d'avoir les emplois sur son territoire. Je pense qu'ils ont tort et l'effondrement de la City va leur faire comprendre cela bien vite. Je te rejoins sur ce point.

voila en gros ma reponse.

xavier a dit…

Je réagis de manière un peu tardive à ce billet. Cela faisait un moment que je voulais le faire, et puis le temps passe... mais ce soir, je suis en verve, alors hop! j'en fais deux d'un coup.

Je voulais juste exprimer mon désaccord concernant ton opinion selon laquelle le profit est une simple notion comptable, qu'il vaudrait mieux parler de « partage de la valeur ajoutée » que de « partage des profits ».

En théorie, tu as raison, la valeur ajoutée est la véritable quantité que doit redistribuer l’entreprise. Pourtant en pratique, les salaires ne sont pas le résultat d’une redistribution de la richesse créée par l’entreprise : ils sont avant tout fixés par les lois du marché, et doivent donc être considérés comme des coûts d’exploitation, au même titre que les matières premières par exemple. L’entreprise n’a pas vraiment de marge de manœuvre à ce sujet (on engage un jeune informaticien au même prix que ce soit pour Carrefour ou Auchan).

Ainsi la notion de profit a-t-elle bien un sens en pratique, et c’est bien la quantité à répartir entre les propriétaires, les travailleurs et l’investissement pour le développement de l’entreprise.

WinsFlow a dit…

Xavier se réveille!!!

Non, plus sérieusement, la réponse la plus satisfaisante à ton commentaire est fournie par Jean-Philippe Cotis, le patron de l'INSEE, dans son rapport pour l'Elysée, qui est très justement axé sur le partage de la valeur ajoutée et non des profits. Jette un oeil dessus, c'est très intéressant et ça répond mieux à tes interrogations que nous pourrions ne le faire.

http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/dossiers_web/partage_VA/rapport_partage_VA.pdf

Ta remarque sur les salaires fixés par les marchés n'est juste que dans une certaine mesure : il y a tout de même une marge de manoeuvre des entreprises dans une certaine fourchette. En outre, le nombre d'employés est aussi modulable - il est clair qu'à charges de travail égales, deux entreprises peuvent choisir d'embaucher plus ou moins de personnes selon leur situation financière : on trime clairement moins chez Total que dans une start-up!

Et puis surtout, pourquoi fixer la rémunération du travail en la soustrayant avant le profit et indexer la rémunération de l'autre facteur de production, le capital, uniquement sur ce qui reste? L'idée très juste de Cotis est d'indexer les deux sur la valeur ajoutée, qui est bien la grandeur déterminante et le bon dénominateur commun, ce que n'avait pas compris Sarkozy en février. Depuis le rapport de l'INSEE, on n'a plus entendu parler des trois tiers; merci à Cotis et Lagarde notamment pour ce bel effort!

Vive la République ! a dit…

Là encore, il s'agit d'un problème de rigidités. A court terme effectivement la masse salariale est plus fixe que le profit et donc en cas de bons résultats les salariés ne bénéficieront pas d'augmentation de revenus substantielles.

Mais cette rigidité, qui a pour nom le "salaire", elle est voulue ! C'est un grand progrès social justement que d'avoir remplacé une quote part fluctuante de la valeur ajoutée de l'entreprise par un revenu fixe sensé reflétait la moyenne entre les bons jours et les mauvais.

De toute façon, à long terme (voire à moyen terme), le revenu du salariat correspond à la productivité du travail, de même que le revenu du capital correspond à la productivité du capital. Si tel n'était pas le cas alors il y aurait possibilité d'arbitrage.