04 décembre 2008

Pourquoi les Américains hochent-ils la tête ?


Voici deux semaines que je suis installé aux Etats-Unis, et déjà, en bon Français, je ne peux m’empêcher d’observer à la loupe le peuple américain (ou plutôt Californien, gardons-nous dès a présent de toute généralisation hâtive) pour en relever certains traits caractéristiques. Je vais donc m’efforcer, à travers ce blog, de décrire périodiquement certains éléments qui m’ont marqué, en espérant simplement que je sois davantage inspiré par Alexis de Tocqueville que par Bernard Henri-Lévy.

Le premier article de cette série concerne un point de détail qui a tout de suite attiré mon attention lors des quelques réunions et conférences auxquelles j’ai assisté, à savoir la tendance qu’ont les Américains, quand ils écoutent quelqu’un parler, à hocher ostensiblement la tête pour marquer leur accord. Tentons d’y voir plus clair…

Ce signe est-il un élément de communication, en d’autres termes, s’adresse-t-il à quelqu’un ? A l’origine, cela me semble incontestable, en opinant du chef, un Américain cherche à exprimer son adhésion, sa solidarité avec la personne qui est en train de s’exprimer. Il ne s’agit pas, dans la plupart des cas, de flatter l’orateur : très souvent, les deux personnes ne se regardent même pas, il est d’ailleurs très fréquent de voir des gens hocher la tête tout en prenant des notes. Il y a plutôt une forme de reconnaissance en direction de la personne qui s’adresse en public, exercice respecté et très valorisé aux Etats-Unis.

Autre piste : en hochant la tête, on s’adresse aux autres spectateurs, c’est une manière de leur montrer qu’on est absorbé par ce qui est dit et surtout qu’on participe, à sa manière, à la discussion. Même s’il ne parle pas, un Américain cherche à ne pas se retrouver hors-jeu, il doit nécessairement agir et ne pas se contenter d’être un simple spectateur. On entre alors dans une course à l’ostensibilité pour savoir qui parviendra à afficher le plus clairement son accord avec le propos tenu.

A noter que le signe symétrique : la dénégation ostensible, si présente chez nous, n’existe pas aux Etats-Unis, il n’y a de place que pour l’approbation et le consensus. Cela révèle bien à quel point les Américains cherchent à tous prix à rendre la vie sociale la moins conflictuelle possible, mais s’ils ne pensent pas un mot de ce qu’ils disent ou de ce qu’ils font. Les formes, la politesse ont ainsi une place très importante outre-Atlantique, et sont interprétées par les Français comme de l’hypocrisie et un manque de sincérité. Difficile, en effet, de ne pas émettre ce jugement quand on voit à quels moments du discours certaines personnes hochent la tête : chaque banalité, chaque tautologie, chaque évidence est immanquablement saluée.

Mais s’agit-il d’hypocrisie ou d’un simple réflexe ? Il ne m’étonnerait pas que les Américains hochent également la tête quand ils écoutent une émission à la télévision, même s’ils sont seuls chez eux. Ce signe semble être passé dans l’inconscient collectif, il fait désormais de la culture américaine, ce qui n’a pas échappé aux nouveaux arrivants, comme les Indiens (d’Inde) par exemple, qui sont les plus prompts à hocher la tête en signe d’approbation avec une envergure qui fait craindre pour leurs cervicales.

Autre preuve qu’il s’agit d’un geste réflexe, je me suis habitué, à la longue, à anticiper les hochements de tête alors même que je ne comprenais plus tout à fait ce que disait l’orateur. Il suffit pour cela d’écouter la musique du discours, son intonation et on remarque à quel point celui qui parle réussit à appeler les signes d’approbations à son endroit par des techniques diverses.

La plus répandue est celle du « stand-up », style humoristique très répandu (pour ne pas dire exclusif) aux Etats-Unis où la personne qui parle évoque un fait personnel plutôt drôle qui rappelle au public sa propre expérience et ses propres souvenirs. Dans ce cas, le hochement de tête est un élément de langage qui signifie « moi aussi, cela m’est arrivé, je fais donc partie de ceux qui comprennent ». L’auditoire est ainsi flatté d’être en totale adéquation avec l’orateur et le fait savoir à ce-dernier en opinant du chef.

Comme on le voit, ce simple signe de tête, dérisoire au premier abord, en dit assez long sur l’état d’esprit des américains. Comme tout élément de communication, ce serait une erreur de penser qu’il est anodin : son caractère ostensible ne peut pas tromper. J’imagine dorénavant le désarroi que peut ressentir un Américain qui vient faire une présentation devant des Français et qu’il peut lire sur leurs visages une impassibilité totale, sauf quand il s’agit d’exprimer leur désaccord. Nous devons vraiment passer pour un peuple de sauvages.

1 commentaire:

xMx a dit…

A propos du stand-up, c'est effectivement très américain (et un peu barbant pour un Français, qui a l'impression d'entendre toujours les mêmes histoires de contrôle de sécurité à l'aéroport ou de commande de café au starbucks). On note bien là la différence d'humour entre les deux rives de l'Atlantique: l'humoriste américain décrit des situations qui lui sont arrivées, qui arrivent à tout le monde et dans lesquelles le protagoniste agit de manière "normale" dans un environnement absurde pour le spectateur ("c'est tellement bien vu, ça m'arrive tout le temps"); l'humoriste français va quand à lui jouer un rôle de personne absurde (un psychopathe, un vieux beau, une bimbo... rarement lui-même) dans des situations dans lesquelles c'est le spectateur qui ferait partie de l'environnement qui est perturbé par le personnage interprété par l'humoriste ("mais que ce que c'est que cette personne là?").

Le rythme du stand-up est aussi complètement différent d'un sketch français: l'humoriste peut y passer du coq à l'âne sans complexe, il peut introduire des sujets par des phrases aussi banales que "hier j'étais chez mes parents" et n'estime pas nécessaire de devoir faire de chute. Il y a une blague toute les 20 secondes, le bon humoriste de stand-up doit avant tout savoir divertir.

Ce qui est intéressant, c'est que de nouveaux comiques rencontrant un énorme succès dans l'hexagone adoptent les techniques du stand-up (Gad Elmaleh, Jamel Debouzze...). La mondialisation sévit-elle aussi dans le rigolo?