06 mai 2007

La France est bien à droite !


Depuis 2002, Nicolas Sarkozy en est persuadé, la France est à droite. Aujourd'hui, sa stratégie est couronnée de succès mais cela n'avait pourtant rien d'évident. Ce pari était en effet pour le moins audacieux après l'opposition des Français à la réforme des retraites en 2003, la défaite aux régionales en 2004 ou l'omniprésence des thèmes d'extrême-gauche lors du référendum européen de 2005. Bien entendu, cela fait longtemps que la France est à droite sur les thèmes de la sécurité ou de l'immigration, c'est d'ailleurs ce qui avait permis la réélection de Jacques Chirac en 2002, mais c'est désormais sur l'ensemble des valeurs de droite (le travail, le mérite, la morale, l'effort, l'identité nationale) que le pays a basculé.

Mais qu'on ne se meprenne pas, c'est Nicolas Sarkozy qui, par sa campagne et sa force de conviction, a fait bougé les lignes idéologiques. Contrairement à la candidate socialiste qui prétendait porter les aspirations du peuple grace à la "démocratie participative", Nicolas Sarkozy a poussé à son paroxysme la vision "classique" de la politique qui consiste à essayer de convaincre les électeurs sur son propre projet. Jamais un candidat à l'élection présidentielle n'a paru autant maîtriser son programme politique jusque dans les moindres détails techniques. A l'entendre, on pouvait croire qu'il était candidat aux postes de Président, Premier Ministre, Ministre de l'Economie, de l'environnement, des affaires sociales, de l'agriculture, de la santé... Il a complétement joué la carte de la compétence contre celle de la proximité. Là encore il a pensé contre l'opinion dominante puisque, début 2007, Ségolène Royal et sa façon de faire de la politique était loués dans tous les médias, chez tous les observateurs et chez beaucoup d'intellectuels.

Cette stratégie s'est traduite ce dimanche par un vote d'adhésion sans précédent depuis 1981. La "majorité silencieuse" s'est bruyamment exprimée, elle rêve à nouveau, elle croit en la politique. Les images de la place de la Concorde sont impressionnantes : dans peu de pays au monde une élection peut laisser place à tant d'effusions de joie. J'ai toujours pensé que celui qui remporterait l'élection serait celui qui rendrait les Français à nouveau fiers d'eux-mêmes : les campagnes incessantes d'auto-dénigrement et de repentance ont exaspéré des millions de Français et les ont conduits à voter pour le candidat de la droite. Sur ce terrain, le choix de Ségolène Royal n'était pas le plus mauvais pour le PS puisqu'elle a réussi à réconcilier la gauche et la nation, mais elle n'est pas allé aussi loin que son concurrent, de peur de se couper d'une partie de son électorat.

Sarkozy a donc gagné sur les valeurs et Royal a perdu sur les questions économiques et sociales. Telle est, me semble-t-il, le bilan objectif de cette élection présidentielle 2007. La France suit donc le chemin de nombreuses démocraties occidentales : un glissement vers la droite. La mondialisation et le retour de la question de l'identité nationale face aux migrations ont profondément modifié le paysage politique de l'occident, et c'est la droite qui semble s'être adaptée le plus rapidement. Cela va même plus loin, les gouvernements socio-démocrates ou travaillistes (y'a t-il vraiment lieu de faire la distinction ?) qui restent au pouvoir adoptent une politique économique très proche de celle prônée par les conservateurs et les libéraux. On a l'impression que le socialisme n'est plus soluble dans le monde réel.

Quel avenir pour la gauche ? Ségolène Royal a beaucoup mieux réussi son discours de défaite que sa campagne électorale en tentant une OPA sur le PS et en expliquant que les résultats n'étaient pas si mauvais que cela, qu'ils consituaient un élan pour de prochaines échéances. Cette présentation des choses a beaucoup surpris et, de surcroît, est totalement biaisée : le score de la candidate du PS est très mauvais, surtout après cinq années de gouvernement de droite. Pour la première fois depuis 1981, une majorité sortante va être reconduite. Comble de tout : dans cette élection le parti majoritaire incarnait le changement et celui de l'opposition le conservatisme. A voir la réaction de certains leaders du PS, notamment DSK, on comprend que le constat de Ségolène Royal n'est pas partagé par tous. Le PS a besoin d'une profonde mutation idéologique, il doit rompre définitvement avec les illusions proférées par la gauche de la gauche, il doit se réorganiser en grand parti social-démocrate, qui ne fasse pas qu'"accepter" l'économie de marché, mais propose des solutions concrètes pour que la croissance soit plus forte, que les entreprises française fonctionnent mieux et qu'ensuite -seulement ensuite- les fruits de la croissance soient utilisés dans une politique sociale d'envergure.

La gauche peut choisir une autre option qui est le retour à un positionnement "bien à gauche" et l'insistance sur les valeurs républicaines et nationales confisquées pour l'instant par la droite. Pour résumer, le PS devra choisir entre la ligne de DSK ou celle de Chevènement, à moins qu'il ne préfère l'ambiguité, comme toujours. Dans ce cas, Ségolène Royal, experte en matière d'ambiguité, paraît bien placée pour dominer le PS au cours des cinq années à venir. Quand on entend les louanges de tous les ténors de la droite à son endroit, on comprend bien qu'une telle perspective ne déplairait pas au nouveau Président de la République Française et à la droite française dans son ensemble.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

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Voila ce que je peux lire a l endroit du fabuleux commentaire que je m apprete a poster sur ton fabuleux site. Poster, c est un bien grand mot car je n ai pas quelques yens a depenser pour un timbre et j hesite a lecher la bordure de la fenetre d internet explorer. Bref, en un mot comme en cent, felicitations pour ce site brillant, j espere qu il ne s arretera pas avec la campagne et j espere a ce propos que la dynamique de repolitisation de la France va continuer. Je t accorderai neanmoins une petite retraite monasteriale jusqu au 16 mai, mais ne te repose pas sur tes lauriers napoleoniens, ou tu risques de t endormir en t engraissant de steak frites et de cocal.
Sur ce, bon vent et a bientot

Anonyme a dit…

La France est mal, à droite

Juste pour pousser ici un coup de gueule. Je sais qu'on ne parle ici quasiment que de compétence et de programme économique, et que la personnalité des hommes politiques importent peu. Mais : Sarkozy est ami des patrons de presse, des médias, des puissance financières, des milliardaires, et des célébritées ringardes. Est-ce que ça n'est pas choquant ? Dangereux ? Immoral ?

Notre futur président a été élu par les pauvres, en leur faisant croire qu'il était comme eux, mais il fête sa victoire au Fouquet's, passe des vacances en yacht, rappelle ses amis nantis (Hallyday). Il a réussi le hold-up du siècle : prendre les voix des plus modestes pour rendre la vie des riches plus agréable et moins contraignante (bouclier fiscal entre autres).

C'est le triomphe de l'immoralité, du berlusconisme, du tout-libéral sans plus aucune barrière morale. Qu'y a t-il de mal à avoir des amis qui dirigent la presse et les industries après tout ? Pour un candidat élu sur des valeurs de moralité, il y a de quoi se sentir nauséeux...

Quelqu'un défend-il Sarkozy ? Suis-je dans le registre de l'angélisme ? Est-ce idiot de mélanger morale et politique ? Y a t-il sujet à débat ?

Vive la République ! a dit…

Tout d'abord, je suis heureux que quelqu'un ait décelé le double-sens qui se cachait dans mon titre "La France est bien à droite".

Sur le fond, Sarkozy n'a jamais dit qu'il était "comme tout le monde", il a au contraire bâti sa campagne sur ses capacités de meneur d'hommes.

J'avoue que je n'ai pas trop apprécié son comportement de "nouveau riche" après son élection, mais après tout il a bien le droit à un peu de repos après cette longue et éprouvante campagne. En plus cela ne coûte rien au contribuable et ça n'a duré que deux jours. Jugeons les hommes politiques sur leurs actes publiques et leurs résultats, c'est la seule chose qui compte.