15 janvier 2009
En attendant la suite...
Difficile de suivre le rythme d'un article par semaine sur ce blog ! Rassurez-vous, un article est en cours sur la croissance, mais il implique de nombreuses lectures et clarifications. A cette occasion, j'ai découvert un économiste français du XIXème siècle plutôt méconnu : Frédéric Bastiat. Bizarre de s'intéresser à un homme dont les écrits furent les livres de chevet de Ronald Reagan et de Margareth Thatcher, au moment ou tout le monde célèbre le grand retour du keynésianisme. Précisément, ces périodes d'engouement pas toujours rationnelles doivent être le moment de se plonger dans des oeuvres qui offre un autre son de cloche. La lecture de Keynes aurait été ainsi bien profitable lors des dernières années.
Mais là n'est pas l'essentiel, Bastiat c'est avant tout un style très agréable et une manière inégalée de décrire l'économie à partir d'idées simples. Ces "idées simples" que j'aime tant en économie car elles permettent de rester au contact de la réalité et de ne pas transformer une science sociale en un édifice d'abstraction. Parmi elles, la nécessité de rappeler la différence entre la richesse et la monnaie et donc de lever le voile monétaire qui repose sur l'économie. C'est ce que fait Bastiat dans ce texte formidable intitulé "Maudit argent". Ce texte DOIT être lu par tous ceux que l'économie intéresse ! Autre série de textes intéressants, les "Ce que l'on voit, ce que l'on ne voit pas", que l'auteur introduit comme suit : "Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n'engendrent pas seulement un effet, mais une série d'effets. De ces effets, le premier seul est immédiat; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas; heureux si on les prévoit. Entre un mauvais et un bon Économiste, voici toute la différence: l'un s'en tient à l'effet visible; l'autre tient compte et de l'effet qu'on voit et de ceux qu'il faut prévoir. Mais cette différence est énorme, car il arrive presque toujours que, lorsque la conséquence immédiate est favorable, les conséquences ultérieures sont funestes, et vice versa. — D'où il suit que le mauvais Économiste poursuit un petit bien actuel qui sera suivi d'un grand mal à venir, tandis que le vrai économiste poursuit un grand bien à venir, au risque d'une petit mal actuel".
Enfin, suite à l'article "Pourquoi l'impôt doit-il être progressif", j'aimerais faire partager le commentaire tout à fait intéressant (pour ceux que les mathématiques ne rebutent pas) d'un lecteur de ce blog (A.P.), ce texte figure juste à la fin de cet article. Sur le fond, on en revient un peu au même à savoir que ma façon d'aborder le problème n'est pas vraiment convaincante. J'ai trouvé depuis quelle était la justification microéconomique couramment avancée pour justifier cette progressivité de l'impôt. Il s'agit de considérer que les pertes marginales d'utilité dues à l'impôt sur un euro de revenu supplémentaire soient les mêmes pour tous. On exige donc la condtion suivante : U(R+eps)-U(R+(1-t(R)eps)=A*eps (où eps est une petite somme supplémentaire ajoutée au revenu R et taxée au taux marginal t(R)). Cette condition s'écrit autrement t(R)=A/U'(R). La progressivité est donc justifiée pour toute fonction d'utilité concave.
Cette explication n'est toutefois pas vraiment convaincante selon moi, d'une part car on compare des utilités absolues et cardinales entre individus (alors qu'il me semble que seule les pertes relatives d'utilité puissent être comparée) et d'autre part parce que la justice sociale ne commande pas que chaque effort marginal du à l'impôt soit le même pour tous mais bien que la charge totale que représente l'impôt soit comparable d'un individu à un autre. Le débat continue donc sur cette question, place désormais à la contribution de ce mystérieux lecteur :
Les propriétés minimales de la fonction d’utilité U sont les suivantes: de classe C0, croissante, concave, de domaine de définition R+. On remarquera alors qu’à moins d’être constante à partir d’un certain moment, elle est strictement croissante, ce que nous supposerons. La relation de définition du taux marginal d’imposition s’écrie : (1-A)U(R)=U(R(1-t(R)). Pour éviter de dire des trivialités nous supposerons 0
La relation de définition du tm d’imposition contient une condition cachée. Nécessairement on doit avoir 0≤t(R)≤1, dans ces conditions en faisant tendre R vers 0 dans la relation, par continuité de U, il vient U(0)=0. Réciproquement on vérifie, par le TVI que cette condition assure l’existence et l’unicité de t(R) pour R#0. A ce stade, on peut remarquer qu’aucune des fonctions données en exemple dans le texte ou les commentaires, à l’exception notable de R^1/2 et de la fonction construite à partir de cette dernière dans le commentaire, ne vérifie cette relation. On ne peut donc légitimement les considérer comme fournissant des exemples ou des contre-exemples. Ceci dit, examinons ce que nous pouvons dire de plus.
La croissance de U donne R1≤R2 => U(R1)≤U(R2) soit (1-A)U(R1)≤(1-A)U(R2) d’où U(R1(1-t(R1)))≤U(R2(1-t(R2))) donc par stricte croissance R1(1-t(R1))≤ R2(1-t(R2)). La hiérarchie des revenus est préservée.
Plus intéressant (1-A)U(R)=U(R(1-t(R)))≥t(R).U(0)+(1-t(R))U(R)=(1-t(R))U(R), par concavité de U pour l’inégalité. Donc pour R#0, A≤t, le tm est au moins égal à A.
Supposons que U soit de classe C1, (dérivable en 0 devrait suffire), alors à l’aide d’un développement limite en 0, on constate que la limite de t en 0 est alors A, valeur que l’on adoptera dans ce cas pour t(0), qui n’était jusqu'à présent pas défini.
Avec ces hypothèses, le tm des plus pauvres est alors le tm minimal. On peut donc observer le cas pathologique d’un tm décroissant que lorsque lim0 U’(R) est infini. On comprend mieux la situation : seule l’utilité marginale infinie des plus pauvres peut entrainer un tm supérieur au tm des plus riches.
Si l’on reprend l’exemple de U(R)=(R+1)^(1/2), transformé d’après nos explications en U(R)=(R+1)^(1/2)-1, alors on constate que le tm croit de A a 2A-A^2, brave fonction qui satisfera une mentalité socialiste.
Si l’on considère la fonction U(R)=R pour R≤1 et U(R)=(R+1)/2, le calcul donne alors t=A pour R≤1, t=(A+1)/2-(1-A)/(2R) pour 1≤R≤(1+A)/(1-A) puis t=A+A/R pour (1+A)/(1-A)≤R. Le taux d’imposition croit de A à 2A/(1+A) en R=(1+A)/(1-A) pour décroitre ensuite vers A. Le poujadiste criera à l’exploitation de la classe moyenne.
Considérons enfin la fonction d’utilité U(R)=R+R^(1/2). On se convainc par des calculs que le tm baisse de 2A-A^2 à A. L’aristocrate est content : l’impôt est dégressif.
Nul doute qu’en jouant avec les pentes on puisse produire à peu près n’importe quoi.
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