12 janvier 2008

Peut-on à la fois être réformiste et conservateur ?

Cet article est une forme de synthèse entre "Comment peut-on être conservateur" et "Une politique de civilisation" dont il reprend quelques éléments.

Après l’ouverture politique en 2007, le thème de l’année 2008 est désormais connu : il s’agira de la politique de civilisation, comme l’a annoncé le Président de la République lors de ses vœux aux Français. Cette annonce a surpris le microcosme politique et elle doit être saluée par tous ceux qui se font une haute idée de l’action publique. C’est surtout l’occasion de rassembler deux doctrines politiques que l’on pensait jusque là opposées en tous points : le réformisme et le conservatisme.

En effet, on doit à la fois construire et conserver une civilisation. Dans une vision statique, celle des Anciens, la civilisation ne s’inscrit pas dans la marche de l’Histoire, il s’agit donc de préserver la culture et les modes de vie traditionnels. Transposé à aujourd’hui, cela recouvre les thèmes de la préservation de l’environnement (chère à Edgar Morin), de la refondation de l’Ecole et d’une meilleure transmission de la culture dans la société. On peut effectivement se demander si l’humanité n’est pas en train de se disloquer et si le progrès technique ne masque pas un déclin humaniste. En d’autres termes, on peut très bien vivre plus vieux grâce aux progrès de la médecine, être plus riche grâce à la croissance économique tout en étant plus malheureux parce que le lien social se désagrège ou que l’environnement se détériore. C’est ce nouvel éclairage qui réhabilite aujourd’hui le conservatisme.

Dans une vision dynamique de l’Histoire, celle des Modernes, la civilisation est avant tout un processus : à l’instar de la bicyclette, si elle n’avance pas, elle tombe. Dès lors, il ne faut avoir de cesse de préparer l’avenir et de s’adapter au monde. S’endormir sur ses lauriers, c’est prendre le risque du déclin, le seul chemin raisonnable est donc celui de la réforme. Dans ce cadre, les résultats de la Commission Attali sur la libération de la croissance française revêtent une haute importance. En effet, la France doit absolument sortir de sa léthargie économique pour prétendre à un rôle important dans le monde et pour régler ses problèmes sociaux. Souhaitons également que cette focalisation sur la compétitivité de la France permette de sortir de la séquence politique du « pouvoir d’achat » lancée par le Président lui-même. Il faut aborder les problèmes dans le bon sens et s’attaquer aux causes plutôt qu’aux conséquences. Il est très dangereux d’installer dans la tête des citoyens qu’ils gagnent nettement moins qu’ils ne le méritent, surtout quand on reconnaît par ailleurs que « les caisses sont vides ». Le pouvoir d’achat, c’est l’obsession du présent alors que la croissance, c’est un combat pour l’avenir.

La « politique de civilisation » nous invite donc tour à tour à être conservateurs et réformistes. L’un ne va pas sans l’autre : il est impossible de défendre un système qui s’écroule tout comme il est difficile de s’engager dans l’avenir sans savoir d’où l’on vient et qui l’on est. A ce titre, la formule présidentielle de « nouvelle Renaissance » est un habile oxymore qui rassemble ces deux aspirations. Concrètement, l’homme moderne doit comprendre que le monde dans lequel il vit est plus vieux que lui et qu’un détour par le passé peut lui être utile. Le conservatisme doit donc être la voix de l'humilité et du respect des générations passés qui ont construit progressivement la société que nous connaissons. Plutôt que de tout réinventer comme si l'histoire qui nous précédait n'était qu'un simple brouillon, le progrès des sociétés humaines doit être réalisé de manière progressive, dans la durée, plutôt que dans un climat de rupture systématique qui plonge les individus dans une insécurité permanente. Avant de vouloir changer un système, il importe de comprendre son évolution passée qui explique son fonctionnement actuel.

Tous ceux qui se reconnaissent dans cette notion de "réformiste conservateur" ont donc un double devoir : faire que la « politique de civilisation » ne reste pas un simple slogan pour qu’elle imprègne l’action du gouvernement dans les mois à venir et œuvrer pour que le débat sur la relance de la croissance, qui accompagnera la remise du rapport Attali, ne soit pas escamoté. C’est notre intérêt, mais c’est surtout celui de la France.

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