07 octobre 2007

L'exemple ovale


L'équipe de France vient de battre les All-Blacks, ultra-favoris de la Coupe du Monde de rugby. Certes, cet exploit ne saurait à lui seul augmenter la croissance française ou réduire les déficits publics, comme certains "naïfs volontaristes" aimeraient le croire, cependant le comportement des Bleus est un exemple pour tout le peuple Français. De surcroît, la société dans son ensemble aurait tout à gagner à s'inspirer davantage des valeurs qui font le rugby.

Les grands événements sportifs sont de puissants révélateurs de ce que sont les peuples au fond d'eux mêmes, ils font apparaître leurs qualités morales comme leurs faiblesses. Ainsi, assister au match devant le grand écran de l'Hôtel de Ville de Paris m'a plus renseigné sur le peuple français que n'importe quel sondage d'opinion ou étude sociologique. Côté faiblesses, on a des spectateurs et des médias convaincus de la défaite de leur équipe et qui semblent se complaire dans les premières minutes du match où les All Blacks imposent leur rythme et leur puissance. "De toute façon ils sont trop forts pour nous, ce sont eux qui vont gagner la Coupe du Monde" explique un mari à sa femme. Ces réactions sont les mêmes que celles qui ont précédé le huitième de finale contre l'Espagne l'année dernière dans le mondial de foot, elles composent ce défaitisme si bien analysé et condamné par l'historien Marc Bloch au moment de la débâcle de 1940. Plus qu'une faiblesse, il s'agit là d'une faute morale : même s'ils sont attachés à leur équipe, les Français ne souhaitent pas sombrer avec elle et, en cas de défaite, préfèrent adopter un ton sarcastique et moqueur plutôt que d'afficher une tristesse de circonstance et d'essayer de se remobiliser pour le match suivant.

Autre faiblesse : l'apparition sur l'écran du Président de la République venu assister au match dans les tribunes du Millenium Stadium provoque les sifflets et les insultes de la foule, pourtant, une bonne moitié a du voter pour lui quelques mois plus tôt. Cette hostilité n'a rien à voir avec le désaccord politique légitime, c'est un manque de respect profond à la fonction présidentielle et donc quelque part à la France. Ce déversement de haine à l'égard du pouvoir politique est un mal bien français qui n'a pas connu d'interruption de Richelieu à Sarkozy. Par manque de maturité, le peuple français refuse de penser que ses représentants politiques n'agissent pas contre mais pour lui. Difficile de penser qu'Angela Merkel subisse le même sort en Allemagne, même de la part de militants du SPD.

Côté forces, il y a ce fabuleux hymne national, repris par toute la foule qui s'est levée pour l'occasion, symbole d'un fort sentiment patriotique, base d'un fort lien social. Les Français aiment la France, peut-être même l'idolâtrent-ils parfois. A ce moment précis, aussi ridicule que cela puisse paraître, on se sent tous frères et tous fiers. Il ne s'agit pas d'un chauvinisme étroit, l'hymne néo-zélandais a été écouté dans le silence puis applaudi, mais d'une forme de cohésion et d'identité nationale que l'on se plait à exacerber lors des grands événements sportifs. Enfin il y a cette fabuleuse deuxième période où tout une foule soutient son équipe sans la moindre retenue et laisse exploser sa joie au coup de sifflet final. Au milieu des cris et des applaudissements, on sent une émotion et une grande sincérité. On ne peut pas aimer et comprendre la politique si on ne vibre pas dans ces grands moments de liesse populaire.

Après les spectateurs, les joueurs. Ils ont été exemplaires, combatifs et courageux, surtout en défense dans les dernières minutes du match. S'ils ont su contenir les assauts des All Black c'est par leur cohésion et leur rigueur défensive. Il faut ajouter à ces qualités morales une préparation très poussée et très professionnelle. Loin de se reposer sur son "french flair", l'encadrement de l'équipe de France n'a pas hésité à s'inspirer du jeu et de la préparation des nations de l'hémisphère sud ou de l'Angleterre. Courage, cohésion, rigueur, professionnalisme : un véritable projet de société !

Le rugby est un sport magnifique, c'est un combat où l'on respecte l'adversaire, où pour avancer il faut faire des passes en arrière et donc progresser tous ensemble, un sport de force où le génie a toute sa place comme Frédéric Michalak l'a encore démontré. Puissent les enfants français rejoindre massivement les clubs de rugby pour se nourrir de toutes ces belles valeurs.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

"où pour avancer il faut faire des passes en arrière"

En l'occurence il y a un gros en-avant sur le dernier essai français.

Aurais-tu vraiment fait le même article en cas de défaite ?

Samuel

Vive la République ! a dit…

Effectivement, on peut plaider l'en-avant sur l'essai de Jauzion, mais il n'est pas "gros". Disons qu'il s'agit là d'un coup du sort et que l'arbitrage a profité à l'attaque...

Quoi qu'il en soit, la victoire ou la défaite ne change rien à l'article que j'ai écrit.

Anonyme a dit…

Belle façon de s'arranger avec la réalité. Il faudra la rajouter aux valeurs communes du rugby et de la politique.

Samuel