06 décembre 2006

Populisme et Démagogie


J'ai souvent l'occasion de dénoncer le populisme et la démagogie qui règnent en politique. Pour moi, ce sont les deux cancers de la démocratie, qui peuvent la mener jusqu'au totalitarisme. Ces mots sont toujours cités ensemble car dans l'esprit de beaucoup ils ont une signification proche, je vais essayer de montrer dans cet article ce qui caractérise chacun de ces termes.

Avant toute chose, il faut en revenir aux définitions : le populisme désigne l'idéologie ou l'attitude de certains mouvements politiques qui se réfèrent au peuple pour l'opposer à l'élite des gouvernants, au grand capital, aux privilégiés ou à toute minorité ayant "accaparé" le pouvoir, accusés de trahir égoïstement les intérêts du plus grand nombre. Les populistes dénoncent la démocratie représentative et prône une démocratie plus directe pour "redonner le pouvoir au peuple".

Etymologiquement, la démagogie est l'art de conduire le peuple. Il n'y avait pas à l'origine une connotation péjorative, comme de nos jours. La démagogie est une attitude politique et rhétorique visant à essayer de dominer le peuple en s'assurant ses faveurs et en feignant de soutenir ses intérêts. Les propos démagogiques sont proférés dans le but d'obtenir le soutien d'un groupe en flattant les passions et en exacerbant les frustrations et les préjugés populaires. Pour cela, le démagogue utilise des discours délibérément simplistes, sans nuances, dénaturant la vérité et faisant preuve d'une complaisance excessive. Il fait ainsi appel à la facilité, voire à la paresse intellectuelle, en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes et immédiates. Il n'est pas fait appel à la raison et il n'y a pas réellement de recherche de l'intérêt général.

Avant d'en étudier les différences il convient de remarquer ce qui rapproche populisme et démagogie : dans les deux cas il est question de flatter le peuple et de recourir à la simplicité voire au simplisme. Mais les définitions qui précèdent montrent bien que le populisme est beaucoup plus radical que la démagogie puisqu'il demande le retrait des élites alors que la démagogie est souvent utilisée par ces mêmes élites pour garder le contact avec la population. De plus, le populisme flatte les gens "par le haut" en leur promettant de reprendre le pouvoir qu'ils ont perdu au profit des élites alors que la démagogie les flatte "par le bas" en insistant sur l'insignifiant et sur les bas instincts que nous possédons tous.

Essayons mainteant de ranger certains types de discours dans ces catégories. Toutes les conversations du type "Café du commerce" tiennent à la fois de la démagogie quand il s'agit d'insister sur des caractéristiques morales de certaines populations ("ce sont des feignants", "ce sont des voleurs", "on nous vole notre argent"...) et du populisme en ce sens qu'ils prétendent apporter des solutions sans connaître tous les tenants et les aboutissants, en clair, l'expertise est niée et n'importe qui peut s'exprimer sur n'importe quoi. Tout ce qui relève de la démocratie participative relève selon moi exclusivement du populisme, en effet, on présente cette démarche comme noble et renouvelant la politique (pas question de démagogie donc) mais en même temps on remet en cause les principes mêmes de la démocratie représentative en dimininuant les échelons intermédiaires entre le pouvoir et la population. Ce mouvement participe donc de la volonté d'horizontaliser la société en faisant des experts et des savants des citoyens comme les autres. Tous les discours anti-élites, c'est-à-dire contre les énarques, les hommes politiques ou les grands patrons sont principalement populistes même si la démagogie s'en mêle parfois, notamment quand il est question d'insister sur des détails sans importance comme les excès de vitesse réalisés par les ministres dans le cadre de leurs fonctions ou le fait que les énarques soient payés pendant leur scolarité.

Mon intime conviction est que le populisme et la démagogie ont pour principale conséquence de détourner la population des vrais problèmes. On préfère parler de sujets périphériques ou rejeter la faute sur quelques uns (les élites en l'occurence) plutôt que de se rassembler sur les questions auxquelles notre pays doit impérativement répondre. C'est ce qui me fait craindre que des problématiques essentielles comme la dette ou l'enseignement supérieur soient escamotées durant la campagne électorale. Fondamentalement, je pense qu'une société "en ordre" est une société "avec des ordres" c'est-à-dire des intermédiaires, c'est-à-dire des élites. Il n'est pas bon de vouloir trop rapprocher le peuple du pouvoir pour la raison suivante : on ne peut exercer un pouvoir sans responsabilité, le député a du pouvoir mais en contrepartie il doit équilibrer un budget, il peut voter des lois mais doit respecter les normes juridiques supérieures, un homme politique peut être battu si les gens ne sont pas satisfaits de lui, même un juge peut être démis de ces fonctions (c'est rare j'en conviens) par le CSM en cas de faute grave. Mais quelle est la responsabilité de l'individu à qui ont confierait directement le pouvoir ? Elle serait très faible puisqu'il ne serait pas sanctionnable (on ne démet pas un citoyen de ses fonctions), il ne serait pas responsable, à court terme au moins, des équilibres financiers et il ne pourrait pas être déjugé par le peuple puisqu'il est le peuple. Pour que cette société d'ordre soit pérenne, il faut que le peuple accepte de faire confiance à des élites dans des domaines spécifiques qui dépasse sa compétence (pas les mêmes élites pour chaque domaine bien entendu) et qu'en contrepartie, lesdites élites ne trahissent pas le peuple pour leurs intérêts personnels mais, au contraire, se sentent liés au reste de la population.

Prenons donc garde à ne pas trop jouer avec le populisme et la démagogie, le deuxième nourissant le premier. La demande de populisme a toujours été très forte et je ne pense pas qu'il y ait eu des évolutions majeures au cours des dernières années. Ce qui a changé, c'est l'offre politique de populisme qui dépasse les simples partis extrémistes pour couvrir désormais tout l'échiquier politique.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

question bête : existe t-il, aujourd'hui, des hommes politiques qui veulent traiter des véritables problèmes de notre société, sans faire preuve de démagogie ni de populisme ? Si oui, où sont-ils ?

Anonyme a dit…

Si non existe t-il encore des hommes politiques ?

Anonyme a dit…

Je suis entièrement d'accord avec vous lorsque vous dites que l'on ne peut pas faire de tous les citoyens des experts. Mais cela ne pose-t-il pas la question de la pertinence du suffrage universel ?

Anonyme a dit…

http://unhumainunevoix.com
Bonjour
voila pour moi la meilleur façon de mettre en place la démocratie.
Mercide faire passer.
cordialement.