03 avril 2011

Qu’est-ce qui fait monter Marine Le Pen ?

Les cantonales n’ont fait que confirmer ce que les sondages laissaient pressentir depuis quelques semaines : le FN rencontre un large écho dans l’opinion publique et le risque d’un nouveau 21 avril (à l’endroit ou à l’envers) pèse à nouveau sur le débat politique français. Mais qu’est-ce qui fait ainsi monter Marine Le Pen et son parti ?

1. Un climat politique malsain

Les premiers responsables de cette montée en flèche de la présidente du FN, ce sont les autres partis politiques dont le comportement, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est pas très responsable. On assiste à un vaste jeu non coopératif entre formations politiques dont le bénéficiaire en dernier ressort semble immanquablement être le Front National. Examinons les responsabilités en balayant l’échiquier politique de la droite à la gauche.

L’UMP, en focalisant le débat sur l’immigration, la place de l’islam en France et l’identité nationale, a contribué à valider les thèmes habituels du Front National. Le parti d’extrême-droite s’est donc retrouvé sur son terrain de jeu, celui où il apparaît comme le parti qui a le moins varié dans ses analyses et ses propositions. Désormais, une bonne partie de l’électorat de droite se retrouve à mi-chemin entre l’UMP et le FN, avec une porosité dans les intentions de vote très importante, surtout dans les milieux populaires conquis par Nicolas Sarkozy en 2007.

Le PS, et l’opposition en général, a également contribué à faire monter le FN pour au moins deux raisons. Tout d’abord, en prétendant que la question de l’identité nationale n’avait aucune légitimité, le PS a cultivé une position commode sur le plan moral mais en total décalage avec le ressenti d’une bonne partie de la population. On assiste donc à un jeu particulièrement pervers : la droite agite des thèmes chers au FN, ce qui fait monter Marine Le Pen, et la gauche réagit en disant que ces questions ne se posent pas, ce qui fait une nouvelle fois monter Marine Le Pen.

Le PS, bien relayé par les médias, est également responsable d’un climat de guerilla politique depuis 2007 particulièrement malsain, avec des attaques d’une violence rare à l’égard du chef de l’Etat. En effet, si Sarkozy c’est le mal absolu alors le FN gagne mécaniquement en respectabilité. On a même vu les Guignols de l’info relayer avec un certain succès dans l’opinion l’idée selon laquelle Sarkozy et Hortefeux c’était pire que le FN, qu’ils incarnaient l’essence du racisme. Les partis « responsables » devraient se rendre compte que la violence en politique ne peut profiter qu’aux partis extrémistes et au FN en particulier.

Terminons notre tour d’horizon par le Front de Gauche emmené par Jean-Luc Mélenchon. On peut dire que l’ancien socialiste a magnifiquement préparé le terrain du populisme pour Marine Le Pen, agitant le thème sulfureux du « tous pourris ». Son succès médiatique ne semble avoir pour seul effet que de faire monter le FN, tant on peine à percevoir une percée du Front de Gauche dans les sondages. Pour résumer : c’est Mélenchon qui sème et Marine Le Pen qui récolte, les deux braconnant à peu près sur les mêmes terres.

2. Des raisons structurelles

Mais ce serait commettre une grave erreur d’interprétation que d’en rester à une explication aussi contingente de la montée de Marine Le Pen. Des raisons de fond sont également à l’œuvre, dont on peut également voir les effets dans d’autres pays européens comme j’ai essayé de le montrer dans différents articles de ce blog depuis le début d’année.

Tout d’abord, alors que tous les partis politiques choisissent de mettre en avant le thème de la protection, il n’est pas étonnant que ceux qui vont véritablement au bout de la logique, en proposant le protectionnisme et la fermeture des frontières, soient récompensés dans les intentions de vote. Quand les partis traditionnels expliquent qu’il faut maîtriser les flux migratoires, Marine Le Pen répond qu’il faut les stopper immédiatement ; quand les partis traditionnels critiquent les insuffisances de l’Union Européenne, Marine Le Pen propose d’en sortir ; quand les partis traditionnels blâment la mondialisation pour ses conséquences sociales, Marine Le Pen propose d'instaurer le protectionnisme ; quand les partis traditionnels rendent le libéralisme responsable de la situation économique et sociale actuelle, Marine Le Pen propose d’en finir avec ce système. Force est de constater que dans l’après-crise, le discours politique ambiant est devenu une modulation piano de la partition frontiste et que beaucoup de gens préfèrent le fortissimo au piano.

La vraie question est quel projet en rupture avec les thèses du FN peut à nouveau être porteur d’espoir ? Comment peut-on vendre le libéralisme, l’Europe, la mondialisation au peuple français ? Ces notions doivent à coup sûr être repensées après la crise mais les abandonner reviendrait de facto à accepter le programme politique du FN.

Enfin, si l’on fait un peu de sociologie électorale, on remarque que beaucoup de Français souffrent d’une représentation médiatique de la France composée uniquement de riches centres villes et de banlieues délaissées. Entre les deux, il y a une France rurale et périurbaine, souvent en première ligne face à la désindustrialisation et qui a l’impression que l’on refuse de prendre sa souffrance en considération, ce qui se traduit assez souvent par la tentation de l’extrême-droite.

Conclusion

Contenir le FN ne doit pas passer par un quelconque Front Républicain, qui serait assez vite contre-productif puisqu’il accréditerait la thèse populiste de l’ « UMPS », mais un apaisement du débat politique de la part des formations politiques « responsables » est plus que jamais nécessaire. Une fois cette violence politique maîtrisée, le plus difficile reste à faire : bâtir un projet d’espérance pour le peuple français au sein de la mondialisation, dont il est difficile de voir les contours à l’heure actuelle.

1 commentaire:

xavier a dit…

http://www.slate.fr/story/36693/extreme-droite-europeenne