09 février 2007

Tout ne va pas si mal au Parti Socialiste


Les dirigeants socialistes doivent exceller dans l'art du grand écart : après un discours "à gauche toute" prononcé par Ségolène Royal en début de semaine, qui a même été salué par Arlette Laguiller, la candidate socialiste a reçu aujourd'hui de trois parlementaires socialistes, dont son rival malheureux aux primaires Dominique Strauss-Kahn, des propositions en matière de fiscalité. Ce rapport permet de revenir un peu dans le réel, reste à savoir s'il influencera davantage Ségolène Royal lors de son discours de dimanche que les propositions de LO ou de la LCR. Examinons plus en détails les propositions avancées.

Les parlementaires socialistes souhaitent tout d'abord rendre l'impôt plus lisible en annonçant le taux moyen d'imposition plutôt que le taux marginal (qui est le taux auquel est taxé le dernier euro de votre revenu). Cette mesure est de bon sens et elle pourrait certainement montrer que si les impôts sont élevés en France ils ne sont pas aussi excessifs que certains le prétendent. Pour aller dans le sens de la simplification de la perception de l'impôt, est proposée la retenue à la source. Les socialistes sont donc sur ce point à l'unisson du gouvernement, les principaux opposants à cette réforme étant les syndicats des impôts. Espérons que cette réforme cent fois mise sur la table voie enfin le jour après 2007 quelque soit le vainqueur de l'élection. Dans le même esprit de simplification on trouve le plafonnement et la remise à plat des niches fiscales, idée partagée par certains parlementaires de droite. On comprend la logique de cette réforme qui vise à éviter le contournement de l'impôt, pour autant il est difficile pour l'Etat d'abandonner le levier fiscal pour inciter les acteurs privés à faire certains choix.

DSK propose également de revenir sur le bouclier fiscal alors que Nicolas Sarkozy propose de l'établir à 50% des revenus. Ces deux démarches me paraissent excessives, dans un cas on retombe dans ce tropisme bien Français qui consiste à nourrir du ressentiment contre ceux qui réussissent et qui font l'activité du pays, ce qui aboutit au départ de nombre d'entre eux à l'étranger, et dans l'autre cas on prend le risque d'annoncer une nouvelle baisse d'impôt dans un contexte de dette importante ce qui n'est pas très raisonnable.

Autre sujet abordé : la refonte des impôts locaux qui sont très souvent les vestiges d'impôts très anciens et mal adaptés aujourd'hui que ce soit du point de vue de l'efficacité (taxe professionnelle qui pénalise les investissements) ou de la redistribution (taxe d'habitation qui ne tient pas compte de la capacité contributive des personnes). En ce qui concerne les comptes sociaux, les parlementaires socialistes proposent d'interdire de présenter une loi de financement de la protection sociale en déséquilibre. A cette action ex ante, je préfère l'idée lancée par le site Débat2007 de Michel Pébereau d'agir ex post en ajustant le taux de CSG pour qu'il n'y ait jamais de déficit des comptes sociaux. Malheureusement, en ce qui concerne les retraites, c'est toujours la fuite en avant, on remet en cause la réforme Fillon au motif qu'elle ne solutionne pas entièrement pas le problème. Il serait temps que le PS adopte le langage de vérité sur ce sujet explosif du financement des retraites, la seule chose qui est sûre c'est qu'il faudra aller encore plus loin dans la réforme (allongement de la durée de cotisation, hausse des cotisations, baisse des pensions ou les trois à la fois).

Venons-en aux propositions les plus novatrices et les plus intéressantes de ce rapport. DSK propose d'instituer un nouvel impôt "citoyen" qui serait payé par tous les ressortissants français qu'ils soient expatriés ou non, en fonction de leur capacité contributive. Cette idée est à la fois pertinente et légitime, en effet elle répond en partie au problème de l'évasion fiscale et elle se justifie par le fait que tous les Français ont une dette vis-à-vis du pays qui les a formé et qu'ils bénéficient également de son rayonnement culturel et économique. Ce qui semble difficile, c'est la mise en place pratique de ce nouvel impôt et en particulier sa perception. En matière d'incitation fiscale, les socialistes proposent de moduler le taux de TVA en fonction du respect pour l'environnement de certains produits et d'instituer une taxe carbone, il faudra tout de même avoir l'aval de l'OMC pour appliquer cette dernière idée car certains pays pourraient y voir une arme protectionniste déguisée.

Enfin, j'ai été particulièrement intéressé par le paragraphe consacré à la réforme de l'impôt sur les sociétés puisqu'il reprend plusieurs idées que j'avais déjà avancées dans ce blog (cf. les articles "Eloge du pragmatisme" et "Un rêve : la fusion de la France et de l'Allemagne"). On propose en effet de moduler son taux en fonction de la réalisation de plusieurs objectifs fixés par le Parlement (émissions de gaz à effet de serre, pourcentage de CDI dans l'entreprise), le but étant bien évidemment que les entreprises internalisent certains risques sociaux ou environnementaux. Cette idée est une manière moderne d'envisager le rôle de l'Etat dans la mondialisation : un Etat stratège qui incite et qui contrôle. DSK propose également d'engager des discussions avec l'Allemagne pour avoir un impôt sur les sociétés identique dans les deux pays et lutter ainsi contre la concurrence fiscale qui sévit actuellement en Europe. Voilà un exemple concret de rapprochement entre nos deux pays qui peut être gagnant-gagnant.

Après avoir lu ce document on reprend un peu confiance : d'une part le débat sur la fiscalité est au coeur de la campagne ce qui est le signe que les vrais enjeux sont abordés et d'autre part on revient dans un schéma plus "classique" ou le PS a des choses à dire qui sont à la fois raisonnables et en opposition avec le programme de l'UMP : enfin un vrai débat d'idée ! Quelque soit son orientation politique, on peut donc être reconnaissant envers Dominique Strauss-Kahn et ses deux collègues. Cela fait d'autant plus regretter le résultat des primaires socialistes...

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