19 mai 2007

Les conditions de la réforme sont réunies


La France a un nouveau gouvernement, qui est emblématique à plus d'un titre. Tout d'abord, il satisfait à la parité, règle édictée par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, ouvrant ainsi aux femmes des postes clés comme l'Intérieur, la Justice, l'Enseignement Supérieur et l'Agriculture. Il marque également un rajeunissement sensible des ministres puisque le doyen, Bernard Kouchner, n'a que 67 ans. Pour la première fois, un poste régalien, la justice, échoit à une personnalité issue de l'immigration : Rachida Dati. Ces nouveautés, qui sont autant de gestes symboliques, n'ont en réalité que peu d'importance : ce qui compte en politique ce sont les idées et la compétence, plus que la personnalité ou l'origine. On peut être jeune avec des idées dépassées comme on peut être un homme et défendre le féminisme. Les vraies "ruptures" dans la composition de ce gouvernement sont ailleurs, il s'agit d'une ouverture politique sans précédent, de la restriction à quinze du nombre de ministres et enfin du choix du Premier Ministre : François Fillon.

Depuis le soir du premier tour, l'équipe de Nicolas Sarkozy, plutôt que de chercher un rapprochement voire un ralliement de François Bayrou, a prôné l'ouverture et a annoncé que le gouvernement serait composé de personnalités au-delà de la seule UMP. La promesse a été tenue puisque que Bernard Kouchner obtient le prestigieux ministère des Affaires Etrangères, Hervé Morin (UDF) le portefeuille de la Défense et que trois secrétaires d'Etat (Martin Hirsch, Jean-Pierre Jouyet et Eric Besson) viennent de la gauche. A cela il faut ajouter l'équilibre qui existe entre les différentes familles de la droite avec des Sarkozystes (Hortefeux, Dati et Bertrand), des Juppéistes (Juppé, Woerth et Darcos), des fidèles de Jacques Chirac (Michèle Alliot-Marie, Christine Albanel et Valérie Pécresse), un représentant de l'aile "gauche" de la majorité (Jean-Louis Borloo) et également un chantre du gaullisme social en la personne de François Fillon. Contrairement à ce que certains craignaient, il n'y a donc aucun esprit de clan ou de revanche dans la composition de ce gouvernement. Nicolas Sarkozy a su rallier à lui des réformateurs de droite, du centre et de gauche. On est loin des alliances avec l'extrême-droite qui étaient parfois évoquées. Ce faisant, le nouveau Président a épuisé le fond de commerce de François Bayrou, pourtant leurs méthodes sont à l'opposé l'une de l'autre : le Président du Mouvement Démocrate souhaitait une alliance aux contours flous avant d'avancer son projet tandis que Nicolas Sarkozy a choisi d'annoncer très clairement ce qu'il souhaitait faire lors de son mandat et en a ensuite appelé à toutes les bonnes volontés. La vie politique Française a donc gagné en clarté.

Autre promesse tenue : le gouvernement est resserré puisqu'il n'est composé que de quinze ministres alors que le gouvernement Villepin en comptait plus de trente (si l'on inclut les ministres délégués). C'est le signe d'une plus grande efficacité gouvernementale et cela confère aux heureux élus un poids et une responsabilité politique beaucoup plus importants que par le passé, fini le temps des "maroquins" ministériels. Ce resserrement s'accompagne également d'une redéfinition des périmètres des ministères, notamment en ce qui concerne l'économique et le social. L'emploi quitte le pôle social pour intégrer le pôle économique, la prospective et la politique économique sont découplées de la gestion des comptes publics (comme c'est le cas en Allemagne) et l'Industrie est arrimée au grand ministère du Développement durable, de même que les transports et l'énergie. Avec toutes ces modifications, Nicolas Sarkozy veut montrer que la politique doit s'adapter aux grandes mutations du monde, qu'elle doit être réactive. On aurait tort de sous-estimer ces bouleversements car l'architecture administrative joue un rôle clé dans la conduite et l'évaluation des politiques : il n'y a pas de bon ministre sans une administration efficace.

En choisissant François Fillon, son conseiller politique depuis deux ans, Nicolas Sarkozy envoie un double message. Tout d'abord, il ne passera pas en force et privilégiera la négociation (domaine où le nouveau Premier Ministre a fait ses preuves) mais ne il ne cédera rien sur les réformes qu'il s'est engagé à mener. En effet, François Fillon est un vrai réformateur, tranquille mais déterminé. Il est l'auteur de la seule réforme sociale d'envergure du dernier quinquennat de Jacques Chirac et n'a pas digéré d'être évincé du gouvernement à cause des blocages que suscitaient sa loi sur l'école. Le vrai partisan de la rupture c'est lui. La débâcle de la droite aux régionales de 2004 a transformé cet homme politique classique (pour ne pas dire fade) en un réformateur zélé, bien décidé à mettre àun terme à la crise démocratique française. Il est possible de l'annoncer dès aujourd'hui : du jour où Nicolas Sarkozy se séparera de François Fillon, plus aucune action gouvernementale significative ne sera entreprise.

Le Président de la République et le nouveau gouvernement ont désormais toutes les cartes en main pour réformer la France en profondeur et pour l'adapter au monde qui l'entoure. Le raz-de-marée prévisible de l'UMP aux prochaines législatives, combiné à la victoire très nette de Nicolas Sarkozy donne au pouvoir une légitimité sans précédent. "L'avantage de tout dire avant, c'est qu'on peut tout faire après" disait régulièrement le candidat UMP, reste à savoir si les choix économiques et sociaux du nouveau gouvernement seront les bons, ce sera le rôle d'une opposition reconstruite de les contester et d'avancer des propositions alternatives. Si tel pouvait être la cas (avec l'accession de DSK à la tête du PS par exemple), alors la vie démocratique française irait vraiment beaucoup mieux !

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