30 avril 2007

François Bayrou : l'opportunisme fait homme


Il est d'usage que l'ambition personnelle soit ce qui gouverne les actions des principaux responsables politiques, il ne serait donc être question de blâmer uniquement François Bayrou d'avoir un ego surdimensionné. Mais cette ambition légitime s'accompagne la plupart du temps d'un projet politique, d'une vision de la France, en un mot : d'une ligne. Tel ne semble pas être le cas pour le leader centriste dont la seule ligne politique est : "Que tout le monde gouverne et mène un peu de sa politique pourvu que ce soit moi le chef". Au cours de ces cinq dernières années, François Bayrou a dépassé la tactique pour épouser définitivement l'opportunisme.

Tout a commencé après les scrutins présidentiels et législatifs de 2002 : l'UDF de François Bayrou a obtenu un groupe à l'Assemblée Nationale grâce à l'appui de l'UMP, il faisait donc partie de la majorité présidentielle et s'est vu offrir à de nombreuses reprises un poste de ministre. François Bayrou a systématiquement refusé et n'a fait qu'étriller la politique menée par Jacques Chirac et ses gouvernements successifs. A l'époque, le seul qui trouvait grâce à ses yeux était ... Nicolas Sarkozy dont il a commencé par louer l'action au ministère de l'Intérieur. Fin 2006 les choses changent radicalement : Sarkozy devient quasi-officiellement le candidat de la droite et Chirac ne semble pas en mesure de se représenter, le Président de l'UDF change son fusil d'épaule, commence à louer le Président en place qui a réussi à préserver l'unité nationale et tire à boulets rouges sur Nicolas Sarkozy.

Il est bien entendu légitime que des candidats de partis politiques différents s'opposent au cours d'une campagne électorale, mais rarement des attaques aussi graves ont été proférées. François Bayrou a utilisé l'insinuation et a instruit d'innombrables procès d'intention contre son ancien collègue au gouvernement. "Il n'y a pas de personnes plus différentes et opposées que Nicolas Sarkozy et moi" déclare t-il sur France 2, et quand on lui demande pourquoi, il répond "il fréquente les grands patrons du CAC40 alors que je préfère les gens du peuple, les agriculteurs, les ouvriers". Après l'arrestation d'une directrice d'école qui s'opposait aux forces de l'ordre, il insinue que le ministre de l'Intérieur a délibérement donné des ordres en ce sens et lache un terrible "ce genre de pratique ne ressemble pas à la France". En résumé, pour François Bayrou, Nicolas Sarkozy représente l'Etat policier et les puissances de l'argent. Un tel niveau de démagogie était autrefois l'apanage de l'extrême droite.

Le leader de l'UDF a donc créé de toutes pièces l'extrême-centre, un mouvement anti-système qui se veut rassurant. Il n'y a pas d'autres lignes à rechercher, car, en fin tacticien, c'est en fonction de la météorologie politique qu'il a conduit sa campagne. Que Ségolène Royal remette en cause les horaires des enseignants ou la carte scolaire et il décide de célébrer les syndicats de l'Education Nationale pour gagner des voix dans ce qui était autrefois la chasse gardée du PS. Que Nicolas Sarkozy esquisse une nouvelle politique étrangère et il vole au secours de l'action de Jacques Chirac pour ramener à lui les anti-sarkozystes de droite. Force est de reconnaître que François Bayrou a réussi sa campagne : sans faire l'objet d'un vote d'adhésion, il a su rallier les électeurs des deux camps qui étaient sceptiques quant au candidat qui les représentait.

Le plus grave, c'est que François Bayrou a été jusqu'à renier ses convictions les plus profondes pour surfer sur l'opinion. Il a à peine défendu le traité constitutionnel pendant le référendum une fois qu'il a senti que le non l'emporterait. Ensuite, il a expliqué qu'il comprenait pourquoi les Français avaient refusé de voter ce texte qui était mal écrit. Il est également prêt à jeter aux orties le régime politique le plus stable que la France n'a jamais connu : la Vème République, pour rétablir un régime des partis qui rendrait le centre incontournable. On comprend dès lors les réactions fortes que des personnalités aussi respectables que Simone Veil et Valéry Giscard d'Estaing ont pu émettre à son endroit. Le vote d'une motion de censure contre le gouvernement Villepin à propos de l'affaire Clearstream, fondé sur de simples articles de presse en dit long également sur l'absence de sérieux du leader centriste.

Depuis les résultats du premier tour, François Bayrou tente de s'imposer dans le débat et, de ce fait, brouille l'opposition attendue entre le candidat de droite et la candidate de gauche, tout comme la présence de Le Pen au second tour en 2002 avait confisqué le débat. On ne répétera jamais assez qu'il est normal et sain pour une démocratie d'avoir deux grands partis aux orientations différentes qui s'opposent et proposent aux électeurs deux projets politiques distincts. Plutôt que de renouveler la façon de faire de la politique comme il le prétend, le candidat de l'UDF préfére utiliser les vieilles méthodes : discussions entre Etat-majors, postures politiciennes ou procès d'intention.

Que va faire maintenant le Président de l'UDF (bientôt Parti Démocrate) ? La prospective politique est relativement aisée en ce qui concerne François Bayrou puisqu'il n'est guidé que par sa seule ambition personnelle, c'est donc un être parfaitement rationnel et donc prévisible. D'ici au second tour, il est fort probable qu'il reste dans sa position du ni-ni, tout en laissant transparaître qu'il préfère Ségolène Royal. Cette stratégie repose sur une hypothèse : la victoire de Sarkozy qui ferait de lui l'un des leaders de l'opposition et l'un des principaux acteurs de la recomposition du centre-gauche de l'échiquier politique. Ensuite, il y a fort à parier qu'il continue à cultiver l'ambiguité en laissant ses troupes soutenir Sarkozy pour espérer avoir un groupe à l'Assemblée Nationale tout en continuant sa stratégie d'indépendance et d'opposition vis-à-vis de l'UMP. Pour empêcher cela, le candidat UMP exigera certainement des députés UDF qui le soutiennent de s'engager à soutenir sa politique sur les cinq années de la législature.

Sans groupe parlementaire, il est difficile de se faire entendre, l'avenir ne semble donc pas si rose pour le candidat centriste. Que restera-t-il dans ce cas de l'oeuvre politique de François Bayrou ? Peu de choses en réalité, car ce qui compte à long terme, ce sont moins les discours que les décisions que l'on a prise au gouvernement.

22 avril 2007

La crise démocratique française est (presque) finie


Participation historique à 85%, 75% des suffrages pour les quatre partis de gouvernement contre 55% en 2002 : ce soir, la démocratie française a en partie résolu la crise qu'elle connait depuis plusieurs années et qui s'est accentuée depuis 2002. La France aura donc le droit à un débat clair entre deux visions de la politique, de l'économie et de la société. Quel que soit le vainqueur, il bénéficiera d'une forte légitimité et pourra conduire sereinement sa politique. La France a ce soir donné une belle d'image d'elle-même au monde entier alors qu'elle faisait honte le 21 avril 2002.

Les lecteurs assidus de ce blog pourront constater que je pourrais aisément me reconvertir dans les pronostics électoraux, car à part une légère surestimation de Jean-Marie Le Pen, mes fourchettes étaient les bonnes. Mon succès est à relativiser tant les instituts de sondages ont été fiables durant cette campagne électorale. Pour le second tour, certains annoncent déjà une victoire assez nette de Nicolas Sarkozy, plusieurs éléments viennent conforter cette hypothèse...

Tout d'abord, il est exceptionnel qu'un second tour vienne contredire les résultats du premier, la tendance naturelle est plutôt à l'amplification. Il est fort probable qu'une dynamique de fond est actuellement à l'oeuvre en faveur du candidat de l'UMP. Ensuite, le total des voix de gauche est historiquement bas, la candidate du PS est obligée de lorgner sur les électeurs de François Bayrou, qui semblent se répartir en égale proportion entre la gauche et la droite. Enfin, les interventions des deux candidats qualifiés pour le second tour ont été révélatrice de ce qu'a été la campagne de premier tour et de ce que sera celle du second : Nicolas Sarkozy a paru déterminé, sûr de lui et apaisé tandis que sa concurrente a continuer à enfiler les généralités et les banalités, endormissant tous ceux qui tentaient courageusement de suivre son allocution. On imagine mal comment, dès lors, elle pourrait sortir victorieuse d'un débat avec son adversaire de droite.

A gauche, on pense déjà à l'après, DSK joue les bons élèves pour reprendre le parti en cas de défaite, Besancenot se positionne pour prendre la tête de la gauche de la gauche après les scores catastrophiques d'Arlette Laguiller, Marie-Georges Buffet et José Bové. A droite, les ténors vont se démener dans les semaines à venir pour décrocher un poste ministériel. Etant donné l'ampleur de l'écart entre Sarkozy et Royal au premier tour, François Fillon semble très bien placer pour devenir Premier Ministre, un écart plus faible aurait sans doute profité à Jean-Louis Borloo.

Restera au futur gouvernement de résoudre réellement la crise démocratique française, en engageant des réformes profondes et surtout en obtenant des résultats. Seule une baisse durable et sensible du chômage pourra panser définitivement les blessures de notre pays.

Concluons par un pronostic pour le second tour : 55% pour Sarkozy et 45% pour Royal.

19 avril 2007

Le jeu des pronostics


Ca y est, la campagne electorale du premier tour touche a sa fin, les jeux sont quasiment faits. Pourtant l'incertitude demeure, les ecarts entre les quatre principaux candidats sont suffisamment faibles pour autoriser une grande surprise. Le temps des dynamiques de campagne est revolu, l'elecotrat va desormais se figer. Pour cela, il va prendre en consideration ce qu'on dit les candidats au cours de la campagne mais egalement l'etat des forces en presence. Les "tres petits candidats" risquent de s'ecrouler (au moins ne tombront-ils pas de haut). Pour les quatre autres candidats les choses sont plus complexes, risquons nous tout de meme au jeu des pronostics...

Jean-Marie le Pen aura beaucoup de mal a reunir le vote anti-systeme puisqu'il ne semble pas etre le mieux place pour venir troubler le jeu politique habituel. Une partie de son electorat a ete prise dans les filets de Nicols Sarkozy et une autre dans ceux de Francois Bayrou. Au cours de la campagne, il n'a pas reussi a peser comme il l'avait fait en 2002. Il a attendu en vain un ecroulement de Francois Bayrou qui lui a, en definitive, vole la vedette. J'estime donc qu'il fera un score inferieur a celui de 2002, entre 12 et 15%.

Francois Bayrou a realise une excellente campagne sur le plan tactique, mais il est finalement monte trop tot et ne benificiera pas d'une dynamique de fin de campagne favorable. Les appels a l'union PS-UDF de Michel Rocard et Bernard Kouchner peuvent toutefois lui amener quelques electeurs du centre-gauche supplementaires. Il serait pour le moins surprenant qu'un vaste mouvement d'opinion dans l'isoloir le fasse passer devant Segolene Royal : les Francais ont joue avec les sondages tout au long de la campagne et ils n'ont jamais teste cette hypothese, ils ne l'experimenteront pas plus pour le vote reel. Je vois bien Francois Bayrou entre 16 et 19 %.

Segolene Royal beneficie d'une large union autour du PS, du reflexe du vote utile pour eviter un nouveau 21 avril, de la nouveaute en tant que premiere femme a pouvoir devenir presidente, d'un fort ancrage populaire, ... mais sa campagne a ete a ce point approximative, confuse et disons-le, catastrophique qu'elle se situe aujourd'hui a un niveau beaucoup plus faible qu'elle aurait pu l'esperer. Elle a finalement beneficier de la regle de l'egalite des temps de parole qui a redonne de l'espace a la gauche et aui l'a relativement protegee, mais nul doute que l'entre deux tours sera tres penible pour Segolene Royal. En effet, elle ne pourra pas continuer a esquiver les questions et a vivre dans la stratosphere de la generalite. Je pronostique pour la candidate du PS un score entre 24 et 27%.

Nicolas Sarkozy a fait une campagne assez ordonnee et professionnelle, on aurait toutefois pu s'attendre a mieux de la part du candidat de l'UMP. Contrairement a ce qu'il affirme "tout n'a pas ete dit" durant cette campagne electorale, il a souvent prefere les postures tactiques et strategiques aux positionnement de fond. La rupture qu'il promettait en debut d'anne s'est legerement vide de sa substance. Il n'empeche que jamais un candidat de droite n'a ete aussi haut dans les sondages depuis Pompidou et qu'il est le principal responsable de l'elevation du niveau de la campagne par rapport a 2002 puisque c'est lui qui a mis le plus d'idees nouvelles sur la table, meme si elles sont d'une qualite tres inegale. Sur la fin, Nicolas Sarkozy a prefere assurer et ne pas trop faire de vagues. Je pense que Nicolas Sarkozy sera entre 28 et 31%.

Enfin, pour comleter le tableau, il y a fort a parier qu'Olivier Besancenot soit le 5eme homme. Voila donc pour mes pronostics, esperons que les resultats de dimanche prochain ne viendront pas me couvrir de honte.