29 août 2010

Roms et délinquance

Une réflexion rapide autour du sujet qui a animé l'été : l'expulsion de Roms par le gouvernement. La majorité justifie cette politique par les faits de délinquance de membres de cette communauté, notamment l'occupation illégale de terrains. L'opposition, de Dominique de Villepin à l'extrême-gauche, dénonce une politique discriminatoire qui jette l'opprobre sur une communauté toute entière et, de ce fait, jette une tâche sur l'image de la France.

Martine Aubry a ainsi déclaré : "Les charters de Roms sont indignes. Je suis maire et il arrive que les Roms commettent des délits et il faut des sanctions appropriées. Quand ils respectent les règles, on ne peut leur refuser les droits de tous les citoyens de l'Union européenne".

Rappelons qu'à ce stade, le gouvernement n'a rien commis d'illégal et qu'il respecte les droits européens des Roms. La libre circulation des personnes ne s'applique pas encore pleinement à cette communauté en raison de l'entrée récente de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union Européenne. Le gouvernement a donc le droit de reconduire, sous certaines conditions, des Roms dans leur pays d'origine.

Mais la question de fond n'est pas légale : un gouvernement agit aussi (et peut-être principalement) par le verbe. Ce qui lui est reproché, c'est la stigmatisation d'une communauté. Bien entendu, l'affirmation "tous les Roms sont des délinquants" est discriminatoire et inacceptable, mais elle n'a jamais été prononcée par un responsable de la majorité. Que dire en revanche de l'affirmation : "il y a plus de délinquance chez la communauté Rom que dans le reste de la population" ? Peut-on qualifier cette affirmation d'inacceptable ? Martine Aubry ne la reprend-elle pas en partie à son propre compte quand elle dit "Il arrive que les Roms commettent des délits" ?

Indépendamment de la réalité de cette affirmation, le soutien de l'opinion aux mesures du gouvernement montre qu'une majorité de la population pense "qu'il y a plus de délinquance chez les Roms que dans le reste de la population". Il s'agit là d'une réalité sociale qui peut être alimentée par une réalité objective (recrudescence de faits divers quand des Roms s'installent dans une ville), par les médias ou encore par une peur des populations sédentaires vis-à-vis des populations nomades. On aurait tort de rejeter d'emblée la première hypothèse.

On arrive donc à cette situation ubuesque où le gouvernement dit "nous agissons, dans le respect du droit, parce que la présence illégale de Roms pose des problèmes de délinquance" et où l'opposition répond "nous reconnaissons qu'il y a des problèmes de délinquance posés par les Roms, mais nous n'acceptons pas que le gouvernement stigmatise l'ensemble de cette communauté", chose qu'il s'est pour l'instant gardé de faire. Une fois de plus, on assiste à un débat politique stérile où l'on reproche à l'adversaire ce qu'il n'a pas dit.

Pour finir, un petit mot sur le racisme. Est-ce que la thèse défendue par le gouvernement et soutenue par une majorité de Français est raciste ? Pour répondre à cette question, il faut décomposer l'identité d'un individu en plusieurs composantes : ethnique, culturelle et sociale. Tenir un discours raciste, c'est faire de l'origine ethnique la cause de comportements délictueux. A l'opposé, on trouve (surtout à gauche) les discours qui font de la condition sociale la cause unique de la délinquance. Mais entre le racial et le social, il y a le culturel qui entre en ligne de compte dans le comportement des individus, notamment en matière de délinquance. La dégradation des services publics (vélibs, transports en commun...) par les Français est supérieure à bien d'autres pays, notamment le Japon, de même que la fraude sociale est beaucoup plus acceptée et pratiquée en France que dans les pays Scandinaves. Les explications de ces deux faits sont surtout culturelles et certainement un peu sociales. Dire que le rapport à la délinquance n'est pas le même dans une culture nomade que dans une culture sédentaire n'est donc pas un propos raciste. L'aspiration à la sécurité est certainement une préoccupation plus forte des sociétés sédentaires. 

Ce qui reste de cette polémique estivale sur les Roms, c'est que le gouvernement doit agir dans le cadre du droit, qu'il faut répondre à l'aspiration des Français à la sécurité et à leur inquiétude vis-à-vis des Roms et qu'enfin, il est de bien mauvaise politique que de vouloir surfer sur ce type de sujets pour reconstruire sa popularité.