26 novembre 2008

L'état du PS


Le dénouement final du scrutin pour le poste de premier secrétaire au Parti Socialiste, qui a vu la victoire de Martine Aubry, ne saurait masquer le profond trouble qui secoue le principal parti d'opposition. Le PS semble au plus bas, trop occupé à ses luttes intestines pour pouvoir prétendre à gouverner le pays. Sûr que si des élections nationales avaient lieu aujourd'hui, la victoire de Nicolas Sarkozy serait écrasante, quelle que soit sa relative impopularité. Il faut toutefois éviter de tomber dans l'excès en pronostiquant une quasi-disparition du parti socialiste, comme en attestent les résultats des dernières élections municipales. La crise est profonde mais elle finira par se résorber et le PS se retrouvera confronté aux trois questions essentielles qu'il n'arrive pas à trancher : le leadership, l'orientation politique et les alliances.

Le leadership d'abord. En effet, la politique n'est pas une confrontation d'idées désincarnées, c'est un combat. Dès lors, la question du leadership est essentielle : aucune idée novatrice n'émergera au PS avant que ne soit clairement identifié le ou la chef incontesté pour la prochaine présidentielle, de même que rien ne s'est fait à l'UMP avant que Sarkozy n'en prenne le contrôle. Le PS a plusieurs options : Ségolène Royal, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Dominique Strauss-Kahn ou encore François Hollande. Trop de leaders potentiels diront certains, au contraire, il semble bien qu'il n'y en est pas assez, car aucun de cette liste ne semble en mesure de remporter la prochaine présidentielle. Delanoë et dans une moindre mesure DSK ne sont pas des candidats suffisamment populaires et auront beaucoup de mal à affronter la droite au cours d'une élection longue où seront forcément évoqués des thèmes comme l'immigration ou la nation. Pour le dire autrement, il semble impossible de courtiser en même temps l'électorat bobo et l'électorat populaire. Martine Aubry et François Hollande apparaissent comme trop marqués à gauche et surtout comme trop partisans, leur seule chance serait une crise sociale profonde à l'approche de la prochaine présidentielle. Reste Ségolène Royal, personnalité populaire, qui semble encore être la meilleure chance pour le PS, si seulement elle arrive à se hisser au niveau de la compétition pour ne pas rééditer sa piètre performance de 2007.

Vient ensuite la question de l'orientation politique. Le PS peut choisir de se positionner clairement à gauche, sur une ligne néoprotectionniste en profitant de la crise actuelle pour proposer une transformation profonde de l'économie et de la société. Cette ligne serait toutefois clairement minoritaire au sein de la gauche européenne, ce qui en ferait davantage une utopie qu'une réalité politique. L'autre positionnement consiste à devenir une sorte de "Parti Démocrate", libéral au sens politique, cherchant à corriger les effets de la mondialisation et à réguler le marché. Cette voie est certainement souhaitable, mais elle présente le désavantage ne pas susciter l'enthousiasme des foules : c'est une forme de socialisme de résignation. Dans ces conditions, il y a fort à parier qu'une fois de plus, le PS préférera ne pas sortir de l'ambiguité et tiendra ces deux discours de concert pour chercher une nouvelle fois la synthèse improbable entre les bobos libéraux et les ouvriers protectionnistes. C'est là tout le dilemme du PS : ces deux populations sont minoritaires dans les pays, mais ensemble elles sont clairement majoritaires. Au-delà de ce choix fondamental, le PS devra très vite se remettre à travailler en faisant revenir les intellectuels et en organisant des conventions, à l'instar de ce qu'a fait l'UMP avant la présidentielle de 2007, sur tous les grands sujets politique : santé, éducation, finances publiques, économie, environnement... Le PS a besoin de bâtir une nouvelle ligne sur la plupart de ces sujets afin de ne plus apparaître comme un parti conservateur.

Enfin, vient la question des alliances : l'alternative est claire, ce sera soit Besancenot, soit Bayrou, les Verts et le PC jouant dans tous les cas un rôle d'appoint négligeable. Le plus probable est une alliance avec le Modem qui se dessinerait sur le tard, c'est-à-dire entre les deux tours de la présidentielle puisqu'il faudra bien attendre ce scrutin pour savoir lequel de ces deux partis arrivera en tête. Bayrou a préparé son électorat à cette alliance, conséquence logique de son parcours depuis 2002. L'alliance avec Besancenot serait la garantie de la victoire de la droite, en même temps, le PS ne peut pas se permettre de laisser prospérer un tel mouvement sur sa gauche, c'est sans doute pourquoi le choix de Martine Aubry comme premier secrétaire est plutôt une bonne chose pour le PS. La "dame des 35 heures" apparaît comme clairement ancrée à gauche et tiendra certainement solidement la barque dans les années à venir.

A l'heure actuelle, la meilleure chance pour le PS de revenir aux responsabilités sur le plan national serait certainement de réaliser une alliance forte à gauche, sous l'égide de Martine Aubry, puis de choisir un candidat plus au centre, comme Ségolène Royal ou Dominique Strauss-Kahn (à condition que la campagne soit courte pour ce dernier), de devancer Bayrou puis de s'allier à lui entre les deux tours. Ce scénario est loin d'être aujourd'hui le plus probable, Nicolas Sarkozy apparaissant comme le plus apte à diriger le pays, même si sa politique n'est pas majoritairement soutenue par la population. Mais les choses peuvent changer d'ici là, Martine Aubry peut se révéler comme un leader incontestable de l'opposition ou encore une nouvelle figure du PS peut émerger. Cette dernière hypothèse semble irréaliste étant donné l'opportunisme et la faiblesse idéologique qui règne dans cette génération (Valls, Peillon, Montebourg, Moscovici, Hamon) : ces responsables politiques qui reprochent à leurs aînés de s'accrocher au pouvoir reproduisent tous leurs défauts et changent d'avis à peu près tous les ans, au gré des rapports de force internes au parti.

Si un homme ou une femme providentiel se cache au PS, il est donc grand temps qu'il fasse son apparition...