Crise politique, incapacité à faire accepter les réformes par l'opinion, stigmatisation... et si tous ces maux propres au fonctionnement politique français étaient dus avant tout à un problème de système d'énonciation et plus précisément à un mauvais usage des pronoms personnels dans le discours politique.
Le "vous" de la droite
Commençons par la droite, souvent prompte à dresser certaines catégories de la population les unes contre les autres. "Vous êtes des paresseux", "Vous êtes des délinquants", voici un discours qui stigmatise tantôt les fonctionnaires, tantôt les chercheurs, tantôt les jeunes de banlieue... Mais ce "vous" là n'est pas prononcé si fréquemment en public, convenons-en. Contrairement au "vous" du clientélisme, qui cherche à caresser une partie de la population dans le sens du poil en suivant des visées purement électoralistes. "Vous êtes la France qui travaille tôt le matin", "Vous êtes les défenseurs de l'identité nationale", "Vous méritez une baisse de la fiscalité". La liste des multiples bénéficiaires de ces louanges et promesses serait trop longue à dresser ici, d'aucuns auront reconnus les ouvriers, les agriculteurs et autres restaurateurs. A priori, ce "vous" n'a rien de gênant puisqu'il valorise des catégories certainement très méritante,s ce qui est détestable en revanche, c'est le non-dit qui lui succède. Implicitement, on oppose ceux qui travaillent et ceux qui profitent du système, ceux qui défendent et ceux qui salissent l'identité nationale, ceux qui sont méritants et ceux qui ne le sont pas. Derrière le clin d'œil électoraliste, il y a donc un sourire entendu et malsain.
Le "ils" de la gauche
Au "vous" de la droite, répond le "ils" ou le "eux" de la gauche : qu'il s'agisse des spéculateurs, des banquiers, des actionnaires, des riches,... ce sont à "eux" de payer. Mais ce pronom personnel ne s'arrête pas aux personnes physiques, le plus souvent, il désigne des personnes morales, c'est-à-dire fictives, comme l'Etat ou les entreprises. "De l'argent il y en a, il s'agit de le prendre dans les bonnes poches", tel est le discours dominant à gauche. Ce discours se nourrit des malheureux effets d'annonce du Président de la République au moment du sauvetage des banques : beaucoup de personnes ont du mal à comprendre qu'un Etat qui apporte des milliards d'euros aux banques (en garantie) puisse se déclarer en quasi-faillite. Le discours du "ils", c'est fondamentalement un discours qui refuse la réalité telle qu'elle est pour chercher une forme d'arrière-monde, un endroit où l'argent coule à flot et où il suffit d'ouvrir les vannes.
Le "nous" de la politique
Mais la politique ce n'est pas cela : ni le "vous" de la stigmatisation et du clientélisme, ni le "ils" du déni de réalité. Le seul pronom personnel pertinent pour le discours politique, c'est le "nous". Ce "nous" signifie que la plupart des grands problèmes politiques, qu'il s'agisse de protection sociale, de rapport au travail, de sauvegarde de l'environnement..., opposent la société à elle-même. C'est ensemble qu'il nous faut trouver les solutions, qu'il nous faut arbitrer, qu'il nous faut nous organiser. Le problème des retraites, par exemple, ne se réglera ni en montrant du doigt les fonctionnaires prétendument privilégiés ni en pensant qu'il suffit de taxer les riches ou que le déficit est tenable : il impose de trouver un compromis social entre actifs et inactifs, entre salariés du public et du privé.
Le "nous" réfute l'existence de tout arrière-monde, c'est le pronom personnel de la responsabilité : "c'est à nous qu'il incombe de répondre aux nouveaux défis", celui qui voit la contrainte budgétaire comme l'élément clé de l'élaboration des choix en politique. Ainsi, plutôt que dire que l'Etat n'a qu'à payer pour telle politique, il convient de se demander en permanence si la société que compose ce "nous" entend transférer une partie de sa richesse pour telle politique. Derrière ce "nous", il y a en fait le concept essentiel de l'utilité sociale qui est la justification ultime de toute politique. En montant les catégories les unes contre les autres ou en pensant qu'il existe des échappatoires, la droite et la gauche, chacune à leur manière mettent finalement à mal ce concept.
Ce qui est intéressant avec le "nous", c'est qu'il oblige à dire qui l'on est, à tracer une frontière. Que faut-il entendre par "nous" ?, voici la question politique par excellence. S'agit-il des Français ? Des Européens ? De l'humanité ? Derrière le "nous" on trouve donc les grandes questions qui nous animent : l'identité nationale, la construction européenne, la gouvernance mondiale. Pour faire renaître un véritable débat politique la solution semble simple : proscrivons le "vous" et le "ils" et promouvons le "nous" !
Le "vous" de la droite
Commençons par la droite, souvent prompte à dresser certaines catégories de la population les unes contre les autres. "Vous êtes des paresseux", "Vous êtes des délinquants", voici un discours qui stigmatise tantôt les fonctionnaires, tantôt les chercheurs, tantôt les jeunes de banlieue... Mais ce "vous" là n'est pas prononcé si fréquemment en public, convenons-en. Contrairement au "vous" du clientélisme, qui cherche à caresser une partie de la population dans le sens du poil en suivant des visées purement électoralistes. "Vous êtes la France qui travaille tôt le matin", "Vous êtes les défenseurs de l'identité nationale", "Vous méritez une baisse de la fiscalité". La liste des multiples bénéficiaires de ces louanges et promesses serait trop longue à dresser ici, d'aucuns auront reconnus les ouvriers, les agriculteurs et autres restaurateurs. A priori, ce "vous" n'a rien de gênant puisqu'il valorise des catégories certainement très méritante,s ce qui est détestable en revanche, c'est le non-dit qui lui succède. Implicitement, on oppose ceux qui travaillent et ceux qui profitent du système, ceux qui défendent et ceux qui salissent l'identité nationale, ceux qui sont méritants et ceux qui ne le sont pas. Derrière le clin d'œil électoraliste, il y a donc un sourire entendu et malsain.
Le "ils" de la gauche
Au "vous" de la droite, répond le "ils" ou le "eux" de la gauche : qu'il s'agisse des spéculateurs, des banquiers, des actionnaires, des riches,... ce sont à "eux" de payer. Mais ce pronom personnel ne s'arrête pas aux personnes physiques, le plus souvent, il désigne des personnes morales, c'est-à-dire fictives, comme l'Etat ou les entreprises. "De l'argent il y en a, il s'agit de le prendre dans les bonnes poches", tel est le discours dominant à gauche. Ce discours se nourrit des malheureux effets d'annonce du Président de la République au moment du sauvetage des banques : beaucoup de personnes ont du mal à comprendre qu'un Etat qui apporte des milliards d'euros aux banques (en garantie) puisse se déclarer en quasi-faillite. Le discours du "ils", c'est fondamentalement un discours qui refuse la réalité telle qu'elle est pour chercher une forme d'arrière-monde, un endroit où l'argent coule à flot et où il suffit d'ouvrir les vannes.
Le "nous" de la politique
Mais la politique ce n'est pas cela : ni le "vous" de la stigmatisation et du clientélisme, ni le "ils" du déni de réalité. Le seul pronom personnel pertinent pour le discours politique, c'est le "nous". Ce "nous" signifie que la plupart des grands problèmes politiques, qu'il s'agisse de protection sociale, de rapport au travail, de sauvegarde de l'environnement..., opposent la société à elle-même. C'est ensemble qu'il nous faut trouver les solutions, qu'il nous faut arbitrer, qu'il nous faut nous organiser. Le problème des retraites, par exemple, ne se réglera ni en montrant du doigt les fonctionnaires prétendument privilégiés ni en pensant qu'il suffit de taxer les riches ou que le déficit est tenable : il impose de trouver un compromis social entre actifs et inactifs, entre salariés du public et du privé.
Le "nous" réfute l'existence de tout arrière-monde, c'est le pronom personnel de la responsabilité : "c'est à nous qu'il incombe de répondre aux nouveaux défis", celui qui voit la contrainte budgétaire comme l'élément clé de l'élaboration des choix en politique. Ainsi, plutôt que dire que l'Etat n'a qu'à payer pour telle politique, il convient de se demander en permanence si la société que compose ce "nous" entend transférer une partie de sa richesse pour telle politique. Derrière ce "nous", il y a en fait le concept essentiel de l'utilité sociale qui est la justification ultime de toute politique. En montant les catégories les unes contre les autres ou en pensant qu'il existe des échappatoires, la droite et la gauche, chacune à leur manière mettent finalement à mal ce concept.
Ce qui est intéressant avec le "nous", c'est qu'il oblige à dire qui l'on est, à tracer une frontière. Que faut-il entendre par "nous" ?, voici la question politique par excellence. S'agit-il des Français ? Des Européens ? De l'humanité ? Derrière le "nous" on trouve donc les grandes questions qui nous animent : l'identité nationale, la construction européenne, la gouvernance mondiale. Pour faire renaître un véritable débat politique la solution semble simple : proscrivons le "vous" et le "ils" et promouvons le "nous" !